Les écoles catholiques moins contrôlées que les établissements musulmans : les députés en apportent la preuve

Mathilde Georges

Les écoles catholiques moins contrôlées que les établissements musulmans : les députés en apportent la preuve Le rapport parlementaire rendu public mercredi 2 juillet dénonce des contrôles de l'État "inexistants" dans les établissements catholiques sous contrat, mais un "ciblage systématique" des établissements musulmans.

Le rapport de la commission d'enquête parlementaire "sur les modalités du contrôle par l'Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires", adopté le 25 juin, a été rendu public ce mercredi 2 juillet. Les conclusions du rapport ne sont pas tendres, elles pointent des défaillances de l'Etat, mais aussi des différences de traitement entre les établissements scolaires. Cette commission d'enquête, créée après les révélations de violences physiques et sexuelles commises par des laïcs et des religieux dans le lycée Notre-Dame-de-Bétharram entre 1950 et les années 2000, s'est particulièrement attardée sur le cas des établissements privés, et souvent religieux, sous contrat. En 318 pages (hors annexes), les deux rapporteurs Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Paul Vannier (La France Insoumise) ont dressé un état des lieux et fait cinquante recommandations.

Selon les élus, les contrôles de l'État ont été "inexistants" pour les 7 000 établissements privés de l'Enseignement catholique, rapporte Ouest-France. Une "inaction coupable des pouvoirs publics" face à des violences perpétrées durant "des décennies". En mars, la ministre de l'Éducation Élisabeth Borne avait reconnu, lors du lancement de son plan Brisons le silence, que les inspecteurs étaient "trop rares" dans les écoles, collèges et lycées catholiques. Un constat qui "ne s'applique pas aux établissements relevant du réseau musulman", précisent les rapporteurs. Ces lieux font "l'objet d'une attention particulière des pouvoirs publics qui se traduit par un ciblage systématique dans les contrôles" selon eux. Ils dénoncent un "deux poids deux mesures" dans les contrôles, que l'actuelle ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, a réfuté en mai dernier selon France 3

"Un deux poids deux mesures" 

Entre 1991 et 2023, aucun établissement privé catholique n'a perdu son contrat avec l'État et les financements qui vont avec. Pourtant, en moins de deux ans, trois établissements privés musulmans ont perdu le leur : le groupe scolaire Al-Kindi situé près de Lyon, le lycée Ibn Khaldoun à Marseille et le lycée Averroès de Lille. "J'ai le sentiment d'un deux poids deux mesures assez choquant entre le sort de l'établissement Stanislas, pour lequel il y a des témoignages abondants de violences homophobes, de violences racistes, et dont le contrat d'association perdure et le sort du lycée Averroès de Lille", dont le contrat a été rompu par l'Etat, a argumenté début avril le député Paul Vannier, lors d'une audition de la commission d'enquête.

Ce lycée musulman avait fait l'objet de 14 inspections, dont une de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) en 2020. Un contrôle rare et approfondi, dont le résultat était pourtant favorable. "Je ne connais pas un établissement musulman qui n'est pas contrôlé chaque année, sous contrat ou hors contrat. Les 120 établissements musulmans subissent chaque année un contrôle. On a des remontées tout le temps", a expliqué Makhlouf Mamèche, directeur de l'association gestionnaire du lycée Averroès et président de la Fédération Nationale de l'Enseignement privé Musulman à 20 Minutes.

Décrit comme le "centre de l'écosystème frériste" dans le rapport sur les Frères Musulmans publié le 21 mai, le collège-lycée musulman Ibn Khaldoun à Marseille a vu son forfait d'externat suspendu par Renaud Muselier, président de la région Sud-Paca et Martine Vassal, présidente du département des Bouches-du-Rhône, selon une information du Figaro. Pourtant, aucun incident n'a été signalé ces dernières années, reconnaît l'entourage de Muselier auprès de France 3. "Un rapport d'inspection est justement le seul moyen d'y voir plus clair", ont-ils estimé.

Rien de tel du côté des établissements catholiques : les 7 190 établissements privés catholiques, qui représentent 96 % du privé sous contrat en France, ne sont même presque jamais visités, rapporte Le Monde. Le 23 avril, le tribunal administratif de Lille a finalement annulé la décision de la préfecture du Nord, qui privait Averroès de son contrat d'association. Elle invoquait de "graves manquements aux principes de la République", non établis selon le tribunal qui a aussi relevé des irrégularités dans la procédure.

Une série de recommandations

Face à la hausse des ruptures de contrat des établissements musulmans, les rapporteurs proposent "d'harmoniser les critères et modalités de déclenchement d'organisation, de délibération et de vote des commissions de concertation réunies pour statuer sur la résiliation des contrats d'association et prévoir la publication du compte-rendu des débats de ces commissions", selon France 3.

Constatant un manque de contrôle dans les établissements privés catholiques, les rapporteurs ont fait une série de recommandations. L'une d'elles est de "confier à la direction générale de l'enseignement scolaire les mêmes missions" que ce soit pour les établissements privés sous contrat ou pour les écoles et établissements publics. Les élus recommandent d'inscrire le principe de "contrôle périodique complet des établissements privés tous les cinq ans", au plus tard, dans le Code de l'Education. Autre préconisation : intégrer des mesures de prévention et de lutte contre les violences physiques et sexuelles directement "dans les clauses des contrats liant les établissements privés à l'Etat". 

Seize propositions concernent spécifiquement les inspections, un point longuement débattu lors des auditions selon LCP. Les députés préconisent notamment la mise en place de contrôle annuel dans les établissements dotés d'internats pour le premier degré et au maximum tous les trois ans pour le second degré. Ils exigent aussi que les élèves interrogés individuellement lors des inspections soient choisis de manière aléatoire. Enfin, ils proposent d'intégrer une "gradation des sanctions selon la nature des manquements constatés et en cas de non-respect des mises en demeure".

La ministre de l'Education nationale n'avait pas attendu ces recommandations pour agir. Dès le début de l'année 2025, elle a annoncé le contrôle de 40 % des établissements privés sous contrat d'ici deux ans. Dans le Pas-de-Calais, douze inspections ont déjà eu lieu depuis mars, contre aucune l'année précédente, selon RMC-BFMTV. En mai, Élisabeth Borne a précisé que 1 000 établissements seraient inspectés en 2025. Actuellement, 20 % des contrôles se font sur place, 80 % à distance, via l'analyse de documents comme la trésorerie ou les emplois du temps.