Suspension de la réforme des retraites : qui a voté contre ? La gauche s'écharpe sur le scrutin

Suspension de la réforme des retraites : qui a voté contre ? La gauche s'écharpe sur le scrutin La suspension de la réforme des retraites a été adoptée par l'Assemblée nationale ce mercredi 12 novembre après des débats houleux. Qui a voté pour, contre et qui s'est abstenu ?

L'essentiel :
  • Les députés ont adopté l'article 45 bis de projet de loi de financement de la Sécurité sociale portant sur la suspension ou non de la réforme des retraites avec 255 voix contre 146. Dans les faits, la mesure prévoit le décalage dans le temps de l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite pour les générations de 1964 à 1968.
  • Après des jours de tractations entre le Premier ministre Sébastien Lecornu et les socialistes, la mesure issue d'un compromis devrait permettre au gouvernement d'éviter une censure soutenue par le PS.
  • Le PS a voté pour la suspension de la réforme des retraites. Le vote a également été favorable pour le groupe Liot et chez les Écologistes. De son côté, le RN a également été catégorique et a "bien sûr" voté le texte comme annoncé par Marine Le Pen.
  • Chez LFI, Horizons et LR, le vote contre a été très largement majoritaire. "Ce n'est pas une suspension, c'est un petit décalage d'un an. Ça veut dire que ce vote va [...] confirmer la retraite à 64 ans", pestait Aurélie Trouvé, députée LFI de Seine-Saint-Denis au micro de franceinfo.
  • Le groupe EPR, opposé à la mesure, a préféré s'abstenir à contre-cœur pour ne pas aller contre le compromis conclu entre le Premier ministre et le PS. Le MoDem a également fait le choix de l'abstention.

En direct - Suivez le vote sur la suspension de la réforme des retraites

Pour aller plus loin :

La suspension de la réforme des retraites a bien été adoptée par l'Assemblée nationale ce mercredi 12 novembre. Non seulement d'être adoptée, elle a été élargie "aux carrières longues et aux catégories actives et super-actives de la fonction publique" grâce à un amendement du gouvernement, comme l'avait annoncé le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, sur France 2 le matin même. "Ce sont des métiers difficiles, les policiers, les pompiers, les égoutiers… Ils pourront partir plus tôt et bénéficieront aussi de la suspension de la réforme. Ils gagneront un trimestre" expliquait le ministre. Il précisait également le coût de la mesure : "La dépense est évaluée à 300 millions d'euros en 2026. Et en 2027, 1,9 milliard d'euros".

Réclamée par une partie de la gauche et rejetée par les autres forces de l'ancien NFP, soutenue par l'extrême droite, mais pas par le camp présidentielle... La suspension de la réforme des retraites était loin de faire l'unanimité au sein de l'hémicycle, mais elle a été adoptée avec 255 voix pour et 146 voix contre. Un scrutin qui s'est en partie joué sur l'abstention de nombreux élus. Récapitulatif des votes, groupe par groupe.

PS, Ecologistes, Liot et RN : un vote pour

Le Parti socialiste a, sans surprise, soutenu la suspension de la réforme des retraites. Ses députés ont voté favorablement au texte lors de son passage en commission des affaires sociales. Il s'agit là d'une concession arrachée à Sébastien Lecornu qui permet, pour l'heure, au gouvernement en place de rester en fonction et d'éviter une censure.

Le vote a également être favorable pour le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) qui "était l'auteur de la motion de censure contre la réforme Borne en 2023", rappelle Harold Huwart, député d'Eure-et-Loir, chez France Info. De son côté, le Rassemblement national était catégorique sur la question : "Bien sûr" que le groupe votera "pour" la suspension de la réforme des retraites, assurait Marine Le Pen, présidente du groupe d'extrême droite à l'Assemblée nationale et députée du Pas-de-Calais, sur RTL.

Quelques heures avant le vote, le groupe Ecologiste a annoncé voter pour la suspension de la réforme des retraites. Le groupe initialement indécis, tiraillé entre le fait de gagner du temps avant l'application de la réforme des retraites et l'absence de véritable suppression de la mesure, a pris sa décision lors d'une réunion organisée le mercredi 12 novembre à 13 heures.

LFI, Horizons et LR : un vote contre

D'autres formations politiques se sont montrés beaucoup plus hostiles à cette suspension de la réforme des retraites, La France insoumise en cheffe de file. "Ce n'est pas une suspension, c'est un petit décalage d'un an. Ça veut dire que ce vote va, s'il a lieu, confirmer la retraite à 64 ans", pestait Aurélie Trouvé, députée LFI de Seine-Saint-Denis au micro de France Info. Dans les rangs des Républicains, le vote contre a été largement majoritaire. "Aujourd'hui le PS, le RN, avec l'appui des Macronistes et du MoDem, votent la faillite programmée d'un des grands acquis sociaux de notre temps : notre droit à la retraite", déplorait sur X Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France et ex-députée LR.

Chez Horizons, "une majorité du groupe" a voté contre la suspension de la réforme, comme le confiait une source interne au parti d'Edouard Philippe à France Info. "On ne peut pas bâtir un compromis sans dire la vérité", fustigeait la députée de Moselle, Nathalie Colin Oesterlé, qui évoquait une "grande illusion", malgré la présence de plusieurs ministres encartés "Horizons" dans l'équipe gouvernementale de Sébastien Lecornu.

EPR et le MoDem : le choix de l'abstention

Deux groupes faisant partie du camp présidentiel opposés à la suspension de la réforme des retraites ont décidé de s'abstenir : le groupe macroniste Ensemble pour la République et celui des Démocrates. "Mon groupe s'abstiendra, ça n’est pas avec gaieté de cœur mais lucidité", a déclaré Gabriel Attal à l'Assemblée avant le vote de la mesure. Un choix fait par égard pour le gouvernement : "Nous sommes lucides sur le fait que cette suspension n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie du pays, mais nous sommes aussi lucides sur le fait qu’on ne veut pas se mettre en travers du compromis entre le Premier ministre et le groupe socialiste sur cette question".

Cette position a été un gros "pincement au cœur pour les principaux artisans de la réforme" selon Politico, notamment pour Elisabeth Borne, à qui cette abstention "naturellement, ne fait pas plaisir", comme elle l'a reconnu au micro de LCI. Elle préfère néanmoins "éviter une crise institutionnelle", quitte à s'asseoir sur sa propre réforme originelle. Mais si la consigne a été très largement suivie, certains élus ont maintenu leur vote opposé à la suspension de la réforme des retraites notamment Marc Ferracci : "Je voterai contre la suspension de la réforme des retraites, quel que soit le rapport de force politique", disait-il dans les colonnes de L'Opinion

Le même choix a été fait par les élus présidés par Marc Fesneau pour des raisons sensiblement similaires. Ces abstentions ont privé le camp du "contre" d'obtenir suffisamment de voix pour l'emporter sur le camp du "pour". A noter que le MoDem avait "envisager de voter 'pour' si le rapport de force évolu[ait]" et penchait dangereusement vers le vote "contre" indiquait un membre du MoDem à France Info.

Deux groupes sont restés sur le banc de indécis jusqu'au bout ou presque. C'est le cas du parti communiste et de la formation d'Eric Ciotti, alliée du RN. Le patron de l'Union des droites a toutefois dû s'opposer à suspension de la réforme des retraites, prenant le contre-pied de son allié. Un député du parti glissait à France Info que les députés du groupe ne voteront "sûrement pas la suspension de la réforme, c'est quasiment certain".