Mestre Bimba : comment ce drôle de danseur a révolutionné la capoeira
[Mis à jour le 23 novembre 2018 à 17h15] Les origines de la capoeira, art martial afro-brésilien, restent aujourd'hui un mystère. Il existe aujourd'hui plusieurs versions de l'apparition de cet art martial. Néanmoins, il semblerait qu'elle prenne racine dans les méthodes de combat et les danses des peuples béninois au temps de l'esclavage au Brésil. Des origines qui peuvent se retrouver dans les mouvements des capoeiristes : en effet, la pratique de cet art martial repose beaucoup sur les pieds car les mains des esclaves qui le pratiquaient étaient enchaînées.
Elles peuvent également se retrouver dans l'étymologie même du mot capoeira. En portugais "capoeira" signifie l'endroit où l'on "parque les poules" c'est-à-dire en français, un poulailler. Il s'agirait également d'une référence au "capa", panier sur la tête porté par les esclaves. Mais ses origines se mêlant à l'histoire des esclaves, le gouvernement brésilien a interdit pendant très longtemps la pratique de cet art martial. Les esclaves auraient donc ajouté de la musique à leurs mouvements afin de déguiser leurs gestes de combat et de lutte en mouvement de danse.
Mestre Bimba, figure de la capoeira
Cadet d'une famille de 25 enfants, Mestre Bimba est le premier à avoir légitimé la pratique de l'art martial en fondant une école. Il est né le 23 novembre 1899 dans le quartier Engenho Velho de Salvador(Brésil) et son père pratiquait le batuque, ancienne forme de lutte brésilienne. Il doit son surnom -Bimba- à un pari entre sa mère et la sage-femme qui l'a mise au monde. Sa mère étant persuadée qu'elle accoucherait d'une fille et la sage-femme, d'un garçon. La sage-femme a donc gagné le pari et le petit Manoel Dos Reis Machado fut surnommé Bimba, qui désigne les parties génitales des garçons.
Il commence à apprendre la capoeira à l'âge de 12 ans avec un professeur africain, capitaine de la Companhia Bahiana de Navegacao. Il prit des cours pendant 4 ans et exercera la capoeira de cette manière pendant 10 ans avant de décider d'y rajouter des mouvements de batuque. Pendant ce temps, Mestre Patinha , un avocat s'est efforcé de défendre la capoeira "plus tarditionnelle". Les deux se sont donc construits en rivaux tout en restant respectueux l'un envers l'autre.
Mestre Bimba codifiera, à 18 ans, la capoeira d'un nouveau style vestimentaire et la baptisera "Luta Regional Baiana". La "Luta Regional de Baiana" deviendra ensuite la "Capoeira régionale".
En 1928, Mestre Bimba est invité à faire une démonstration de capoeira régionale devant le gouverneur de Bahia(Brésil), Juracy Magalhaes. Le gouverneur fut très impressionné par sa prestation. A la suite de cette démonstration, il a donc décidé d'autoriser Mestre Bimba à fonder sa propre école et de lever l'interdiction de la capoeira dans sa région.
Cette interdiction avait été instaurée par le gouvernement en 1890, ce dernier se disant préoccupé par la violence des rues. En 1932, Mestre Bimba a alors fondé sa première académie de capoeira régionale. Il est alors déclaré "père de la capoeira moderne". Il est décédé le 5 février 1974 mais est entré dans l'histoire en 1996 lorsque l'Université fédérale de Bahia lui remet le titre de docteur honoris causa.
Il avait imposé un règlement à ses élèves
Au sein de son académie, les élèves étaient soumis à un règlement. Ils devaient ainsi ne pas fumer et ne pas consommer d'alcool. Le capoeiriste justifiait cette règle par le fait que "la consommation d'alcool nuisait au métabolisme musculaire". Sous prétexte que "la surprise était la meilleure des alliés face à un adversaire dans un affrontement", ils devaient également ne jamais montrer leurs progrès à des personnes, à l'extérieur de l'académie et ne pas parler durant les cours. Ainsi, Mestre Bimba estimait que "plus les apprentis capoeiristes observaient les autres, plus ils apprenaient". Enfin, les étudiants de l'académie devaient pratiquer quotidiennement les exercices fondamentaux imposés par l'art martial et ne pas avoir peur de s'approcher de l'adversaire. Le "père de la capoeira moderne" leur a également enseigné qu'il valait mieux "se prendre des coups au sein de l'académie que dans la rue". En 2014, la capoeira a été reconnue comme patrimoine culturel immatériel par l'Unesco. Il s'agit pour l'organisation de saluer "l'une des manifestations populaires les plus expressives de la culture brésilienne."