Emilia Perez : la première grosse surprise du Festival De Cannes Ce drame musical sur un chef de cartel mexicain qui embrasse enfin la femme qu'il a toujours été avec Zoe Saldaña et Selena Gomez, a pris le Festival de Cannes par surprise.

Jacques Audiard est un habitué de la Croisette. Le réalisateur français a déjà remporté trois prix au Festival de Cannes : une palme d'or (Dheepan, 2015), le Grand prix du Jury (Un prophète, 2009) et le prix du meilleur scénario (Un héros très discret, 1996). Pour son retour sur la Croisette, le cinéaste a choisi de prendre tous les risques avec un projet complètement fou. Et le pire, c'est que ça fonctionne. Emilia Perez est un drame musical en langue espagnole (majoritairement) qui mêle le cartel mexicain à la transidentité. Oui oui, vous avez bien lu. Dans le détail, Emilia Perez suit une avocate en pleine crise existentielle qui se voit confier une mission par un redoutable chef de gang mexicain : l'aider à disparaître et à devenir enfin la femme qu'il a toujours été au fond.

Récit d'expiation et de seconde chance, Emilia Perez est très étonnant, mais le cocktail aussi explosif et déroutant soit-il, réussit à prendre. Grâce à une mise en scène virtuose et une superbe photographie, Jacques Audiard filme le repentir d'une cheffe de gang, sa libération à travers sa transidentité, et les maux qui déchirent la société mexicaine, les narcotrafiquants et la corruption en tête. Au milieu, se trouvent des parcours de femmes opposés qui se complètent et se répondent jusqu'à un final étonnant. L'héroïne incarnée par l'actrice espagnole Karla Sofía Gascón (elle-même une femme transgenre) est flamboyante dans toutes les nuances de son tiraillement intérieur, tandis que Zoe Saldana est remarquable face à une Selena Gomez étonnante, qui montre enfin que bien dirigée, elle peut faire des étincelles. 

Bien loin des standards de la comédie musicale de Broadway, les compositeurs Clément Ducol et Camille signent une bande originale percutante pour faire danser à l'écran l'intime de ses personnages. Emilia Perez n'est cependant pas exempt de défauts, les parties chantées sont parfois assez faibles et ne font pas échos à la puissance du mélange des voix ou du moment, l'intrigue ou certains dialogues ne prennent pas toujours, mais on est prêt à pardonner ces imperfections face au plaisir que procure le visionnage. 

Avec Emilia Perez, Jacques Audiard pourrait ajouter un prix à ses étagères et signe l'une des premières grosses surprises du Festival de Cannes. Peut-être pas une Palme d'or, puisque Bird d'Andrea Arnold a conquis la presse comme on s'y attendait, ou que Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos tire également son épingle du jeu, mais un prix de la mise en scène ne semble pas inatteignable pour autant, à ce stade de la compétition du moins. Il faut attendre désormais la fin de la compétition le 25 mai pour découvrir si le jury est du même avis.

Synopsis - Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d'avocate au service d'un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu'à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s'ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu'il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu'il a toujours rêvé d'être.