Frédéric Martel et Eric Maigret (Journaliste / Sociologue) "On panache, on ajoute, on métisse avec un ancrage national"

Qu'est-ce qui fait que la culture américaine est si facilement exportable ?

Eric Maigret : c'est un long débat qui n'est pas tranché, il y a d'abord une position dominante sur le plan industriel, c'est à dire que les Etats-Unis ont été les premiers à développer la culture à l'échelle industrielle.

Mais c'est surtout un message en partie universel véhiculé par Hollywood, c'est la promesse d'une émancipation individuelle. C'est la diffusion d'un certain hédonisme qui a parlé aux individus en voie de constitution pendant le  XXe siècle.

Après, le succès des produits culturels est complexe, imprévisible et plus superficiel qu'on ne le croit. C'est à dire que la renationalisation du discours de la réception est quasi systématique.

Empiriquement, la seule chose qui unit les publics européens télévisuels ce sont les programmes américains. Il n'y a pas de programmes qui cimentent le public européen, il n'y a d'ailleurs pas de programme télé européen, ou très peu.

Frédéric Martel : pas de média, pas de marché publicitaire non plus...

"Les gamins nés en Corse peuvent aimer les chants corses et le hard rock allemand"

Eric Maigret : le vocabulaire commun des jeunes européens est américain mais ça ne veut pas dire que les productions américaines soient perturbatrices d'une culture qui ne faudrait pas déflorer.

Ce qu'on montre en fait, c'est plutôt de la créolité dans les pratiques. J'avais fait une étude il y a quelques années qui montrait que les gamins nés en Corse pouvaient aimer les chants corses et le hard rock allemand, mais pas le hard rock anglais.

Voilà comment ça fonctionne en réalité, on panache, on ajoute, on métisse avec un ancrage national et parfois même hyperlocal.

 A suivre : Les séries américaines sont-elles américaines ?