Frédéric Martel et Eric Maigret (Journaliste / Sociologue) On ne rejette plus en bloc le rap, l'art contemporain...

Frédéric Martel : cela étant, le discours n'est pas là pour venir critiquer l'art et c'est d'autant plus important qu'on était plus sur l'art que sur le divertissement. Du coup c'est un discours très difficile, car vous êtes très vite taxé d'être un fossoyeur de l'art. Donc ça c'est un premier problème.

La deuxième c'est que l'art se nourrit de la diversité. On voit aux Etats-Unis la richesse de l'art contemporain qui s'est fortement nourrie de la culture populaire ce n'est pas nouveau, ça existait déjà avec Andy Warhol et même avant lui.

Pourquoi cette hiérarchie culturelle est morte aux Etats-Unis ? Parce qu'elle meurt, sans qu'il y ait de guerre ni rien. C'est à cause de la question noire.

"Les gens hiérarchisent mais en ayant une forme de tolérance culturelle à l'égard des goûts des autres"

Cette question qui fait que les textes d'Adorno qui considérait que le jazz n'était pas de la musique, ne sont plus possibles à partir de la fin des années 1950. Ce discours s'effondre sans lutte. Je pense que c'est ce que va faire la question arabe d'ici 10 ou 20 ans.

Est-ce qu'on ne risque pas de tout mettre au même niveau dans ce cas ?

Eric Maigret : mais non, je rassure tout le monde, on continue de hiérarchiser les oeuvres culturelles. Ce qu'on sait maintenant, grâce à des statistiques, c'est que les gens hiérarchisent mais en ayant une forme de tolérance culturelle à l'égard des goûts des autres qui consistent à ne pas rejeter en bloc un domaine.

Par exemple, on ne dit plus : "le rap, c'est nul", "l'art contemporain, c'est nul" mais on en vient plutôt à nuancer à l'intérieur des espaces. Par exemple, à propos de la télévision, on dirait "ce que j'aime c'est telle ou telle série américaine", "dans le rap "j'aime bien Eminem mais pas 50 Cent" mais on ne dit plus "je préfère le rap au jazz". Parce qu'aujourd'hui ce qu'on observe c'est une hiérarchie intra-genre plutôt que trans-genre.

 A suivre : et sinon, "mainstream", qu'est-ce que ça veut dire ?