8 mai : pourquoi ce n'est pas une date d'armistice à proprement parler ?

8 mai : pourquoi ce n'est pas une date d'armistice à proprement parler ?

8 MAI. Dans de nombreux calendriers, le 8 mai est annoncé comme le jour férié de l'Armistice de 1945. Pourtant, le mot "armistice" n'est pas correcte. Explications.

[Mis à jour le 8 mai 2024 à 8h00] Ce mercredi 8 mai 2024 est fêté le 79e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Comme le veut la tradition, le président de la République Emmanuel Macron remontera les Champs-Élysées de Paris dans la matinée puis déposera une gerbe de fleurs sous l'Arc de triomphe avant de raviver la flamme de la tombe du Soldat inconnu.

Savez-vous pourquoi le 8 mai 1945 n'est pas une date d'armistice à proprement parler ? Si le Troisième Reich s'est bien effondré début mai 1945 et que l'un de ses plus puissants dirigeants, Joseph Goebbels, a bien tenté d'établir un armistice sous conditions avec les alliés, on ne peut guère parler d'armistice pour désigner le 8 mai 1945, mais plutôt d'une capitulation. La raison ? Un armistice correspond à une convention que des gouvernements signent pour cesser le conflit armé, avant d'entamer des négociations donnant lieu à l'établissement de conditions, qui elles-mêmes mènent à la fin de l'état de guerre... Tout un chemin, donc, qui a été parcouru avec l'armistice de 1918, mais ne concerne pas notre date de 1945 : le 8 mai 1945, la reddition du belligérant est pure et si​​​​​​​mple. L'état de guerre prend fin immédiatement. C'est la victoire directe pour les alliés. 

Si ce "128e jour de l'année" (ou 129e, en cas d'année bissextile comme c'est le cas en 2024) provoque souvent l'un des "ponts" du mois de mai (avec le 1er mai ou l'Ascension), permettant de rallonger considérablement les week-ends des salariés, des indépendants ou des fonctionnaires, cette année, le 8 mai tombe un mercredi et pour ceux qui souhaitent faire un peu de shopping, la plupart des magasins seront ouverts (en détails ci-dessous). Toutes les informations sur l'origine, l'histoire et la signification du cette date symbolique plus bas.

Pourquoi le 8 mai est un jour férié en France ?

Le 8 mai 1945, à 15 heures, les cloches sonnent pour marquer la fin de la Seconde guerre mondiale en Europe. Le général de Gaulle annonce lui même la capitulation allemande dans une allocution radiophonique. Partout en France, des scènes de joies accompagnent le 8 et le 9 mai, qui sont exceptionnellement des jours fériés pour célébrer la défaite de l'Allemagne nazie. Il reste alors des soldats allemands dans l'Hexagone (autour des ports de Dunkerque, Lorient ou Saint-Nazaire, notamment). La question des commémorations se pose très vite. Gouvernement et anciens combattants hésitent entre l'établissement d'une date unique - destinée à célébrer les victoires de 1918 et 1945 – et la mise en place d'une cérémonie spécifique à la Seconde guerre mondiale.

La loi n°46-934 du 7 mai 1946 fixe au 8 mai (si c'est un dimanche) ou au dimanche suivant cette date les commémorations de la victoire de 1945. Le 8 mai était jusqu'alors associé à la fête de Jeanne d'Arc (voir plus loin). C'est en 1953 que le 8 mai devient réellement un jour férié institué, au même titre que le 11 novembre, quel que soit le jour de la semaine où il tombe. En 1959, un décret cherchant à limiter le nombre de jours chômés renvoie les Français au travail. Et en 1975, le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, retire tout caractère officiel à la date. Son geste cherche à marquer la réconciliation franco-allemande, mais irrite de nombreux anciens combattants. C'est finalement François Mitterrand qui redonne au 8 mai son caractère de jour férié. La loi n°81-893 du 2 octobre 1981 rajoute cette journée à la liste des jours chômés dans le code du travail. Ce jour n'est pas célébré en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis ou en Allemagne.

L'événement qui a donné naissance au "jour férié du 8 mai" s'est produit le 8 mai de l'année 1945 : un acte de capitulation des armées (de terre, de mer, de l'air) du IIIe Reich, officialisé dans le QG des forces alliées, à Reims. Là se trouvait, en pleine Seconde guerre mondiale, le Grand Etat-Major du corps expéditionnaire allié en Europe. L'établissement a, depuis, donné naissance au lycée Roosevelt, et à son Musée de la reddition. Mais pourquoi l'Allemagne a-t-elle reconnu sa défaite face à l'Europe et pas au monde ? Le haut commandement allemand a préféré traiter avec les alliés occidentaux qu'avec les soviétiques en raison du sort qui pourrait être celui des prisonniers allemands.

Quelle est l'histoire du 8 mai ?

Le 8 mai a été adopté comme le jour de commémoration de la capitulation de l'Allemagne lors de la Seconde guerre mondiale. Pourtant, la réalité est nettement plus complexe. D'abord parce que cet événement ne marque la fin de la Seconde guerre mondiale qu'en Europe, le conflit se poursuivant encore pendant quatre mois dans le Pacifique, entre le Japon et les Etats-Unis. Ensuite parce que différents actes de capitulation ont été signés à différents moments entre le 7 et le 9 mai, selon le référent temporel choisi.

Dans tous les cas, le début du mois de mai 1945 marque l'effondrement du Troisième Reich. Le 30 avril, Adolf Hitler se suicide dans son bunker de la chancellerie, tandis que les soldats soviétiques sont dans Berlin. Joseph Goebbels tente de prendre contact afin de signer un armistice. Incapable d'établir le lien avec les Alliés et refusant une capitulation sans condition, il se donne la mort avec son épouse et ses enfants le 1er mai. Le lendemain, la Bataille de Berlin s'achève avec la capitulation du général allemand Helmuth Weidling et des hommes chargés de la défense de la capitale. Du 4 au 6 mai, l'ensemble des forces nazies restantes (aux Pays-Bas, en Allemagne du Nord, au Danemark, en Bavière, à Breslau) se rendent aux Alliés. Herman Göring, le plus haut dignitaire nazi vivant, se livre aux autorités américaines à la frontière germano-autrichienne.

Il y a deux documents de capitulation : La première capitulation du 7 mai à Reims et la deuxième capitulation du 8 mai à Berlin. Le grand-amiral Karl Dönitz a été nommé président du Reich par Hitler dans son testament. A la tête d'un gouvernement provisoire du Reich, il tente de négocier une série de redditions partielles face aux alliés occidentaux, afin de pouvoir continuer le combat à l'est contre les troupes soviétiques. Les Américains refusent le compromis. Le général allemand Alfred Jodl, envoyé par Dönitz, signe la capitulation le 7 mai à 2h41 du matin. Ce moment historique a eu lieu dans une salle du Collège technique et moderne de Reims, qui était alors le QG des forces alliées.

Seulement, cette signature n'est pas du goût de Staline, qui regrette l'absence de hauts-représentants soviétiques lors de cette signature. Une seconde capitulation est organisée le 8 mai dans la soirée à Karlshorst, près de Berlin. Cette fois, c'est le Commandant suprême de l'Armée rouge, Gueorgui Joukov, qui préside à la signature. C'est Wilhelm Keitel, commandant suprême des forces armées allemandes, qui signe la capitulation. Elle rentre en application à 23h01 le 8 mai. A l'heure de Moscou, cette heure correspond au 9 mai à 01h01 du matin. Aujourd'hui, c'est le 9 mai qui est célébré comme le jour de la capitulation allemande en Russie.

Quelles commémorations du 8 mai ?

La date du jour de la Victoire du 8 mai 1945 correspond à la fin de la Seconde guerre mondiale en Europe, avec la reddition pure et simple des armées allemande face aux Alliés. La Victoire du 8 mai 1945 donne lieu à une commémoration annuelle, à laquelle assistera le président de la République, à 10 heures à Paris. Au programme : dépôt de gerbe au pied de la statue parisienne du général de Gaulle, puis remontée des Champs-Elysées, avant un hommage face à la tombe du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. Le soleil sera au rendez-vous ce 8 mai 2024 avec près de 20 degrés attendus sur Paris. 

Que s'est-il passé le 8 mai 1945 ? La capitulation

Officiellement, le nom du jour férié correspondant au 8 mai est "Victoire de 1945". L'utilisation du mot armistice, comme dans l'expression "armistice de 1945", que l'on trouve sur certains calendriers, n'est pas correcte. En effet, un armistice est une convention signée par des gouvernements. Elle met fin à un conflit armé en temps de guerre, mais ne met pas fin à l'état de guerre. C'est ce type de document qui a été signé le 11 novembre 1918 dans le wagon de Rethondes, démarrant un cessez-le-feu et les négociations qui aboutiront au Traité de Versailles, signé par l'Allemagne et les Alliés. En 1945, il s'agit bel et bien d'une capitulation du Troisième Reich. En effet, il s'agit d'une reddition pure et simple d'un belligérant, de la fin des combats et de l'état de guerre. D'où l'appellation "victoire de 1945" et non "armistice de 1945".

Que s'est-il passé le 8 mai 1945 en Algérie ?

La journée du 8 mai est également une journée du souvenir essentielle dans les relations franco-algériennes. C'est en effet le 8 mai 1945 que démarrent les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, dans une Algérie alors colonisée par la France. Le drame débute le 8 mai. Une manifestation de nationalistes algériens, réclamant l'indépendance de leur pays, est organisée en marge d'un cortège célébrant la victoire des Alliés. Ils réclament notamment la libération de leur chef - Messali Hadj - chef du PPA (Parti Populaire Algérien), emprisonné par les autorités françaises. Celles-ci exigent que les manifestants ne portent ni armes, ni drapeau algérien.

Lors de la manifestation, dans la ville de Sétif, un jeune scout musulman brandit un drapeau algérien au cœur d'un quartier très majoritairement peuplé par une population d'origine européenne. La police tente de retirer le drapeau et des tirs éclatent entre manifestants et policiers. Un jeune homme de 26 ans, drapeau algérien à la main, est abattu par un policier. La panique et la confusion s'accroissent alors que musulmans indigènes et populations d'origine européenne échangent des coups de feu. Le bilan dépasse les 20 morts de chaque côté. À Guelma, la police tire, tuant un manifestant. Dans les campagnes, des émeutes à l'encontre des populations d'origine européenne éclatent : 102 personnes sont tuées. Le gouvernement, mené par le général de Gaulle, envoie l'armée sur place. La répression – qui dure jusqu'au 22 mai - est terrible : exécutions sommaires, bombardements de villages, cérémonies de "soumission" au drapeau français. Le bilan officiel établi par les autorités françaises fait état de 1 000 morts. En réalité, le bilan serait cinq à dix fois supérieur selon les historiens.

Que fête-t-on le 8 mai ?

Le 8 mai est également la date de la fête de Jeanne d'Arc. C'est en effet le 8 mai 1429 qu'une armée, menée par Jeanne d'Arc, est parvenue à délivrer la ville d'Orléans, assiégée par les Anglais. Chaque année, les fêtes johanniques d'Orléans célèbrent cet événement, culminant avec un grand défilé dans les rues du centre-ville le 8 mai. La région Centre-Val de Loire et la mairie de la ville ont demandé en 2015 l'intégration de ces festivités dans le patrimoine immatériel de la France, avant d'envisager une demande de classement à l'Unesco.

Dans un genre différent, le 8 mai est également un jour clé pour la droite nationaliste française. Au début du XXe siècle, l'extrême-droite, menée par l'Action française, organise son rassemblement le 8 mai devant la statue de Jeanne d'Arc à Paris. Dans les années 1970, le Front national participe à ces cortèges, avant d'en prendre le leadership. C'est d'ailleurs Jean-Marie Le Pen qui décide de déplacer cette manifestation annuelle du 8 mai au 1er mai en 1988 : il s'agissait alors de tenir un meeting pour peser sur l'entre-deux tours de l'élection présidentielle. Depuis, le rassemblement organisé par le Front national continue de se tenir le 1er mai. D'autres groupes d'extrême-droite continuent, pour leur part, de défiler le 8 mai. 

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