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BIOLOGIE
 
Mai 2006

Affamer les tumeurs

Faire mourir de faim les cellules malignes. Voilà une idée originale. Comment ? En les privant de ravitaillement en oxygène ou glucose, c'est-à-dire de sang.

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Plus encore que les cellules normales, les cellules cancéreuses ont besoin d'oxygène et de nutriments pour leur croissance.

Des cellules très gourmandes

D'ailleurs, ces cellules colonisent le système sanguin en attirant vers elle de nouveaux vaisseaux sanguins nourriciers. C'est l'angiogénèse. Ces nouvelles branches des vaisseaux sanguins normaux sont appelés des néovaisseaux.

Des chercheurs ont donc imaginé bloquer cette angiogenèse et ainsi tarir la source d'approvisionnement des tumeurs. Séduisant, mais complexe à mettre en oeuvre.

Il s'agit en effet de s'opposer au développement des nouveaux capillaires, sans endommager les vaisseaux qui irriguent les tissus sains. Voie de recherche en plein développement, donc, que celle des médicaments anti-angiogenèses. Peu sont aujourd'hui commercialisés mais beaucoup font l'objet d'essais thérapeutiques.

Nombreux essais pour couper les vivres aux tumeurs

L'angiogénèse, ou comment une tumeur attire de nouveaux vaisseaux pour mieux grossir. © Roche

En septembre 2005, l'Avastin ® (bevacizumab) des laboratoires Roche est le premier médicament anti-angiogénique commercialisé dans le traitement du cancer colorectal. Il est en cours d'évaluation dans le traitement du cancer du sein, du poumon, du pancréas, de l'ovaire et du rein. Ce médicament empêche la liaison d'un facteur de croissance (le VEGF) à ses récepteurs disposés à la surface des cellules des vaisseaux sanguins.

Dans le même esprit, les laboratoires Pfizer, eux, ont mis au point le malate de sunitinib pour le traitement de certaines tumeurs stromales gastro-intestinales et du cancer du rein. Les essais montrent un arrêt de la progression de la maladie pendant plusieurs mois, voire une régression quasi-complète des tumeurs ! Difficile cependant de parler de rémission : les cellules cancéreuses ont peut être la capacité de rester en sommeil. Ce médicament devrait arriver rapidement sur le marché.

A l'Institut Curie, c'est une autre molécule, la lacthadérine, qui est étudiée. Nombreuses équipes médicales dans le monde testent actuellement des médicaments semblables. Cette voie de recherche apparaît donc prometteuse.

Au CNRS, à Nice, les chercheurs explorent une piste légèrement différente : ils tentent de conduire les cellules cancéreuses à une mort violente. Confrontée à un stress nutritionnel, la cellule puise dans ses réserves et produit alors de l'acide lactique. Les chercheurs espèrent, en bloquant les facteurs de régulation d'acidité, créer des conditions qui font se nécroser les cellules malignes.

Des vaisseaux rendus suicidaires

Enfin, le Laboratoire du Développement et du Vieillissement de l'Endothélium du CEA de Grenoble, propose en 2004 une stratégie inédite : arrêter la prolifération tumorale à l'aide d'un gène "suicide", ciblé spécifiquement sur les vaisseaux. Ce gène n'agit et ne devient toxique que quand les cellules endothéliales se multiplient. Or, seuls les vaisseaux qui alimentent les tumeurs se développent, ceux qui irriguent les tissus sains, eux, sont au repos.

De plus, ce gène suicide ne devient actif qu'en présence d'un antiviral. Il se met alors à produire une enzyme qui bloque la synthèse d'ADN dans la cellule en cours de réplication : elle ne se multiplie plus. Le réseau vasculaire de la tumeur dégénère et les cellules cancéreuses disparaissent à leur tour.

En théorie, c'est séduisant. En pratique, cette technique n'a été testée que sur des souris. Les chercheurs du CEA ont fabriqué des souris mutantes porteuses du gène-suicide. Ils leur ont injecté des cellules tumorales. Après administration de l'antiviral, la croissance des tumeurs ralentit : en trois semaines, elles se développent 70 % moins vite que les tumeurs des souris non traitées par l'antiviral. De plus, la vascularisation dans la tumeur diminue de manière importante, et les cellules cancéreuses meurent en grand nombre. Reste à le vérifier chez l'Homme.

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