Syrie : une guerre légale ?

Syrie : une guerre légale ? La Russie et la Chine bloquant toute intervention sous mandat de l'ONU, une guerre en Syrie serait-elle compatible avec le droit international ? La réponse n'est pas aussi claire qu'on le croit.

La crise en Syrie va-t-elle déboucher sur un conflit militaire ? L'intervention en Syrie est imminente, d'après les signaux envoyés sur le terrain, avec une concentration des moyens militaires, mais aussi d'après les déclarations officielles dans les différentes capitales occidentales. Celle-ci pourrait même avoir lieu jeudi ou vendredi. Etats-Unis, France et Grande-Bretagne semblent bien décidés à mener des frappes aériennes punitives contre le régime de Damas, alors qu'on attend toujours les conclusions des experts sur les attaques chimiques présumées du régime, le 21 août dernier. Mais toute intervention dans le cadre de l'ONU semble bien compromise, Chine et surtout Russie, alliées de Bachar al-Assad, refusant fermement d'adhérer à ces frappes.

Pour qu'une intervention d'un Etat ou d'une coalition soit légale au sens du droit international, il faudrait que celle-ci soit validée par l'ONU, qui, selon la Charte des Nations unies (chapitre 7, article 42) est le seul organe pouvant autoriser le recours à la force. Mais pour obtenir cette autorisation, neuf des quinze membres du conseil de sécurité de l'ONU doivent donner leur accord. Plus contraignant : tout veto d'un membre permanent rend nulle et non avenue toute forme de résolution. Or la Russie et la Chine ont déjà par trois fois posé leur veto contre des projets de résolutions contraignantes vis-à-vis de leur allié syrien, en octobre 2011, puis en février et en juillet 2012.

Une intervention "hors cadre" onusien

Sans aval du conseil de sécurité de l'ONU, une intervention serait donc théoriquement illégale. Est-elle pour autant impossible ou punissable ? Rien n'est moins sûr. Par le passé, plusieurs exceptions ont été posées à cette règle, parfois même avec l'aval de l'ONU, comme le rappelle Le Monde. La guerre lancée par les Etats-Unis en Corée en 1950 n'avait pas obtenu de consensus, mais avait été réalisée sous mandat onusien au nom du "maintien de la paix" et en considérant que le Conseil de sécurité avait "manqué" à sa "responsabilité principale". L'article 51 de la Charte des Nations unies peut aussi, dans certains cas, être invoqué. Il prévoit un "droit naturel de légitime défense", permettant à un Etat agressé de se défendre voire de faire appel à plusieurs autres Etats pour le faire. Voisins de la Syrie, Israël et la Turquie pourraient, selon certains experts, jouer les rôles de déclencheurs si ce moyen était utilisé aujourd'hui.

Reste que le scénario qui se profile semble devoir se faire totalement "hors cadre" de l'ONU cette fois. En 1999, l'intervention de l'Otan au Kosovo s'était passée de l'aval du Conseil de sécurité, tout comme l'intervention des Etats-Unis en Irak en 2003. D'où l'utilisation de l'expression "coalition of the willing" ("coalition des volontaires") aujourd'hui par les Etats les plus impliqués contre la Syrie : Etats-Unis, France, et Royaume-Uni, auxquels pourraient s'associer la Turquie, l'Arabie Saoudite ou encore la Qatar. Leur action serait alors "illégale, mais légitime" selon des termes employés par le passé par les Américains. Cette coalition exclurait en outre la participation de l'Union européenne dans son ensemble, l'Allemagne étant généralement réticente au recours à la force.

EN VIDÉO - Sans surprise, Moscou, indéfectible allié du régime de Damas, appelle les Occidentaux et plus particulièrement les Américains à faire preuve de "prudence" en Syrie après les rumeurs faisant état d'une possible intervention militaire de la communauté internationale contre le régime de Bachar al-Assad.

"Pour Moscou, une intervention militaire en Syrie serait "catastrophique""