Agnès Buzyn : pourquoi l'ancienne ministre est mise en examen ?

Agnès Buzyn : pourquoi l'ancienne ministre est mise en examen ? BUZYN. Après une journée d'audition devant la Cour de justice de la République, Agnès Buzyn a été mise en examen, vendredi 10 septembre 2021. L'ancienne ministre de la Santé est accusée de "mise en danger de la vie d'autrui" dans la gestion de la crise du coronavirus.

[Mise à jour le 10 septembre 2021 à 19h05] Sortie sans dire un mot après une journée d'audition, Agnès Buzyn a été mise en examen vendredi 10 septembre 2021, a annoncé le parquet général de la Cour de Justice de la République. L'ancienne ministre de la Santé, aux commandes lors de l'émergence du coronavirus en France, est soupçonnée de "mise en danger de la vie d'autrui" dans la gestion de la crise sanitaire. Il s'agit de la première personnalité publique inculpée au sujet de la pandémie. Elle a également été placée sous le statut de témoin assisté pour "abstention volontaire de prendre les mesures propres à combattre un sinistre." L'ancienne ministre de la Santé a été auditionnée tout au long de la journée de vendredi par les enquêteurs de la CJR, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 3 juillet 2020 pour ce second motif.

Arrivée peu avant 9 heures, celle qui est désormais chargée de mission à l'OMS avait vu dans cette convocation une "excellente opportunité de [s']expliquer de rétablir la vérité des faits." Elle avait ajouté : "je ne laisserai pas salir mon action en tant que ministre alors que nous avons tout fait pour préparer ce pays à une crise sanitaire mondiale." L'enquête ouverte par la CJR fait suite à la réception de 14 500 plaintes, dont certaines ont été jugées recevables, et qui visent, outre Agnès Buzyn, l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe et l'actuel ministre de la Santé, Olivier Véran.

Pourquoi Agnès Buzyn se retrouve devant la justice ?

Selon le quotidien Le Monde, les magistrats reprochent à Agnès Buzyn une absence d'anticipation de la crise par son administration lorsqu'elle était en poste. Deux chefs d'accusation sont donc retenus dans cette mise en examen : "abstention volontaire de combattre un sinistre" et "mise en danger de la vie d'autrui". Agnès Buzyn devra répondre sur la gestion de la pandémie de Covid-19, elle qui avait déclaré en janvier 2020 devant l'Assemblée nationale que "les risques de propagation du coronavirus dans la population (étaient) très faibles". Elle avait par la suite confié, dans un entretien accordé au Monde, en mars 2020, avoir alerté le Directeur général de la Santé fin décembre et Emmanuel Macron le 11 janvier.

Agnès Buzyn a-t-elle fait preuve de manquements dans sa gestion du Covid ?

Ce sera bien évidemment à la Cour de justice de la République de déterminer in fine s'il y a eu manquement ou non dans la gestion de la crise du coronavirus. En septembre 2020, Agnès Buzyn avait déclaré devant la commission d'enquête du Sénat sur la gestion de la crise du Covid avoir eu "le sentiment d'avoir tout préparé". La question du manque de masques sera néanmoins l'un des éléments centraux du dossier. Si la diminution du stock au fil des années ne lui incombe pas uniquement, l'ancienne ministre de la Santé avait apporté des précisions sur la livraison tardive des protections : "Le problème, c'est que les masques sont fabriqués à Wuhan : lorsque l'on a lancé la commande, Wuhan était déjà fermé. Si l'on avait voulu éviter une pénurie, il aurait fallu lancer la commande avant le 22 janvier. Mais avant cette date, il n'y avait que 6 décès." Et ajouté : "Si j'avais dit le 21 janvier que l'on allait avoir une pandémie mondiale, on m'aurait traitée de folle".

Que risque Agnès Buzyn après sa convocation par les juges ?

Pour l'heure, Agnès Buzyn est mise en examen dans le cadre d'une enquête, mais pas condamnée. Mais c'est un pas de plus dans la mise en cause de la ministre, soupçonnée d'impréparation de la crise. Les juges ont donc considéré qu'il existe des "indices graves ou concordants" sur son implication. L'ancienne ministre encourt des peines de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende pour "abstention de combattre un sinistre", ainsi qu'un an de prison assorti d'une amende de 15 000 euros pour "mise en danger de la vie d'autrui". Elle pourrait également ressortir libre de l'audition, sous le statut de témoin assisté.

Qu'est-ce que la CJR ?

La Cour de justice de la République (CJR) est un organe judiciaire spécial, la seule juridiction française habilitée à juger des membres du gouvernement dans le cadre de leurs fonctions. Créée en 1993, elle se compose de 15 juges : six députés (Philippe Gosselin, Charles de Courson, Didier Paris, Alexandra Louis, Jean-Michel Mis et Laurent Vichnievsky), six sénateurs (Chantal Deseyne, Catherine Di Folco, Jean-Luc Fichet, Antoine Lefèvre, Evelyne Perrot et Teva Rohfritsch) et trois magistrats du siège de la Cour de cassation. La CJR est présidée par Dominique Pauthe.

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