Nouveau gouvernement Lecornu : des ministres sortants et de nouveaux appelés ? Les pistes envisagées
Fraîchement nommé à Matignon, Sébastien Lecornu doit désormais œuvrer à la constitution de son gouvernement. Tâche délicate, car s'il veut tenir le futur exécutif devra pouvoir compter sur une majorité de députés ayant choisi de le laisser en responsabilité soit en lui accordant un soutien explicite, soit en prenant part un à accord de "non censure". Cette seconde option permettrait à un parti de rester dans l'opposition tout en pouvant peser sur les décisions du gouvernement.
Dans un cas comme dans l'autre, le Premier ministre doit s'attirer les voix de 289 députés pour obtenir une majorité absolue. Il compte faire durer la coalition du socle commun qui réunit le camp présidentiel et la droite et lui offre une majorité très relative de 210 sièges à l'Assemblée. Un nombre qu'il souhaite compléter avec les voix de la gauche sociale-démocrate, surtout celles du PS avec ses 66 élus. Un pari osé et compliqué : Sébastien Lecornu va devoir faire des concessions à la gauche pour l'attirer, sans froisser la droite... Pour cela, il enchaîne les consultations avec les différentes oppositions ainsi que les syndicats pour tenter de trouver la bonne formule et parvenir à un chemin d'entente, un semblant de consensus pour éviter la censure.
Si l'idée d'une coalition allant de LR et PS paraît très fragile, elle est une des rares options du Premier ministre pour obtenir une majorité. Quelle autre configuration lui permettrait d'éviter une censure ? Testez les situations possibles grâce au simulateur de Datan :
Lors de son premier discours, Sébastien Lecornu a promis "des ruptures, et pas que sur la forme". "En langage Lecornu, ça veut dire qu'on ne va pas reprendre la copie budgétaire de François Bayrou (...) ça veut dire qu'on va refaire un budget", indique un membre de la garde rapprochée du Premier ministre auprès de Politico. Un processus qui va demander un peu de temps, comme la composition du nouveau gouvernement. Le Premier ministre "va prendre le temps", résumait le 11 septembre sur France Info, Sylvain Maillard, député Ensemble pour la République de Paris. Aucune date n'a été fixée pour la nomination de l'exécutif et Sébastien Lecornu n'a pas de date butoir avant celle du 15 octobre à laquelle un budget 2026 devra être présenté à l'Assemblée.
LR et le PS au sein du gouvernement Lecornu ?
Sébastien Lecornu a envoyé des signaux pour une ouverture à gauche : il a renoncé à la suppression de deux jours fériés proposée par son prédécesseur et a ouvert la discussion sur la taxation des plus riches dans son interview à la presse quotidienne régionale. Des efforts qui ne sont pas passés inaperçus au PS : "S'il refuse la taxe Zucman, mais qu'il augmente le Smic, on regardera", a confié auprès de Politico un cadre socialiste. Mais le PS ne semble pas volontaire pour entrer au gouvernement, surtout si la droite en fait toujours partie. "Hors de question" de rejoindre l'exécutif a affirmé le député François Hollande sur BFMTV, rejetant l'idée d'une coalition.
Ouverture à gauche oui, mais pas au dépend de la droite. Pour ne pas froisser LR, Sébastien Lecornu pourrait décider de se mettre d'accord, outre le budget, sur "deux ou trois textes majeurs et forts" - et chers à la droite - comme indiqué auprès de certains membres des Républicains, précise TF1. La droite doit être ménagée, mais son souhait de pouvoir rester au gouvernement ne fait nul doute même si son président Bruno Retailleau a rappelé que la participation de LR n'est pas automatique. Le ministre démissionnaire de l'Intérieur a plus d'intérêt à reste ministre qu'à redevenir sénateur... Mais la majeure partie du gouvernement pourrait revenir au bloc central. Sébastien Lecornu souhaite "s'accorder sur une série de grands objectifs (encore en cours de définition), plutôt que sur un contrat de gouvernement", d'après Politico.
Darmanin écarté du ministère de la Justice ?
Quid du casting ? Pour l'instant, peu d'informations fuitent à ce sujet. Certains ont déjà placé leurs pions comme Gérald Darmanin, assurant qu'il n'avait "pas d'autre envie que de rester au ministère de la Justice", sur RTL, le mercredi 10 septembre. Le ministre démissionnaire de la Justice se refuse à "faire du tourisme ministériel". Pourtant, ses plans pourraient être remis en cause par Sébastien Lecornu lui-même. Selon une information de Politico, il pourrait être poussé vers la sortie au nom de sa "proximité" avec le nouveau Premier ministre. Amis de longue date, les deux hommes se connaissent bien, Lecornu était le témoin de mariage de Darmanin, il est aussi le parrain de son deuxième fils, Alec.
Selon le média politique, le locataire de Matignon "aurait besoin de nouvelles têtes et de mettre en scène sa rupture", peut-être donc au détriment du garde des Sceaux. Le même sort pourrait être réservé au ministre des Outre-mer, Manuel Valls, dont la ligne de conduite a été "jugée beaucoup trop pro-indépendantiste dans sa gestion du dossier de la Nouvelle-Calédonie", révèle un proche du pouvoir auprès du Parisien. Reste à voir si cela lui coûtera sa place.
Bruno Le Maire et François Sureau cités
À l'inverse, un nom bien connu - notamment en macronie - pourrait faire son retour au gouvernement, il s'agit de Bruno Le Maire. L'ex-ministre de l'économie serait intéressé à l'idée de reprendre du service, d'après une information du Canard Enchaîné. Le ministère des Affaires étrangères lui ferait notamment de l'œil. La relation entre Le Maire et Lecornu pourrait jouer en faveur du premier cité, il l'avait par exemple fait entrer à son cabinet lorsqu'il était secrétaire d'Etat aux Affaires européennes. Le nouveau Premier ministre a aussi suivi Bruno Le Maire au ministère de l'Agriculture, avant de co-diriger sa campagne pour la présidence de l'UMP.
Une piste mène également à l'académicien François Sureau. Il s'agit d'une surprise, sans l'être vraiment. En réalité, les deux hommes sont très proches et ont "entamé une conversation au long cours, il y a plusieurs années", révèle Politico. Jeudi 11 septembre, François Sureau a "été aperçu sortant de Matignon, sa pipe à la main", apprend-on. Il pourrait donc faire figure de nouveau venu au sein de l'organigramme déterminé par Sébastien Lecornu.
Ces trois ministres devraient rester au gouvernement
Dans sa newsletter du vendredi 12 septembre, Politico évoque tout de même l'envie du Premier ministre de "veiller à ne pas perturber des administrations déjà toutes tourneboulées par les nombreux changements de patrons". Alors, l'avenir de certaines personnalités bien apparentées au macronisme comme Elisabeth Borne, ou dont la cote de popularité auprès du chef de l'Etat reste élevée, à l'image de Catherine Vautrin, pourrait s'écrire au sein du futur gouvernement Lecornu. La ministre démissionnaire de la Culture, Rachida Dati, est également dans ce cas de figure.
Enfin, si aucun nom n'a été donné, un ou plusieurs profils issus du parti d'Edouard Philippe, Horizons, pourraient faire partie de l'aventure. "Il sait que son groupe est solide et ordonné : ça a un poids, et il compte le monnayer", glisse un de ses soutiens à Politico. Autrement dit, Edouard Philippe veut peser sur la composition du gouvernement. De plus, les 34 membres du groupe ont soutenu François Bayrou lors du vote de confiance, ce qui pourrait peser dans la balance.
À ce jour, seule la composition du cabinet de Sébastien Lecornu a avancé. Selon un arrêté publié au Journal officiel jeudi 11 septembre, Philippe Gustin, avec qui le nouveau Premier ministre travaille depuis dix ans, est nommé directeur de cabinet, Paul-Hugo Verdin, ex-chef de cabinet aux Armées, rejoint lui son patron à Matignon. Pour le reste, il faudra encore patienter.
15:39 - Wauquiez pas fermé - et même tenté ? - à l'idée d'entrer au gouvernement Lecornu
Laurent Wauquiez a refusé d'entrer aux deux derniers gouvernements, ceux de Michel Barnier issus de sa famille politique et de François Bayrou composé du bloc central et de la droite. Il refusait alors que de voir LR se dissoudre dans le camp présidentiel, une position de laquelle il revient selon des cadres Républicains au Parisien. Le président des députés LR pourrait être tenté par une entrée au gouvernement qui pourrait le conférer plus de poids et le servir comme elle a servir son rival Bruno Retailleau : "Il a réalisé que la ligne pro-participation au gouvernement l’a emporté lors du congrès LR, alors il change de stratégie" analysé un proche du président de la droite au Parisien. "Retailleau s’était fait une popularité en trois mois. Et les Français reconnaîtront à Wauquiez d’avoir essayé de faire avancer les choses, même si au vu de la situation, il y a une prise de risque", abonde un autre LR cette fois proche de Laurent Wauquiez.
Mais les craintes qui l'ont tenu éloigné du gouvernement ces derniers mois sont toujours présentes et les risques peuvent être plus grands en cas de nouvel échec. L'élu de Haute-Loire place tout de même ses pions en affirmant que "la situation suppose des compromis" et que "nul ne peut prétendre plaider pour un gouvernement chimiquement pur". Il a même demandé un "contrat de gouvernement" dans une tribune qu'il voulait faire circuler au Parlement soulignant qu’il faudrait "accepter des compromis", "dégager des convergences plutôt que de s’enfermer dans des divergences en brandissant sans cesse des lignes rouges".
12:58 - "Hors de question" que des socialistes rejoignent le gouvernement prévient François Hollande
Il est "hors de question" que des ministres socialistes rejoignent le futur gouvernement de Sébastien Lecornu a déclaré François Hollande, député PS de la Corrèze, sur BFMTV. De telles nominations reviendraient à construire une "logique de coalition" avec le camp présidentiel et ce n'est pas la volonté du PS explique l'ancien chef de l'Etat. L'élu ajoute ne pas donner grande importance au casting, dont il n'attend pas de grande surprise, et s'intéresser surtout au fonds : "Il y a une équipe gouvernementale, elle sera certainement très proche de celle qui existait avec François Bayrou, et ça n'est pas une question de personne mais une question de contenu. Est-ce que la politique va changer ou va rester la même ? Si elle reste la même, il est sûr qu'on aura les mêmes causes qui produiront les mêmes effets". Si le député PS ne veut pas voir sa famille au gouvernement, il demande un "changement de politique" et des concessions à la gauche.