Homosexualité : de la "case prison" à la salle des mariages

Homosexualité : de la "case prison" à la salle des mariages Alors que l'homosexualité était encore condamnée pénalement il y a moins de 60 ans dans certains pays d'Europe, les manifestations pro-gays sont de plus en plus nombreuses et témoignent d'un changement de mentalité.

Le 24 juin 2011 est une date qui entrera sûrement dans l'histoire des communautés gays américaines. Alors que les Etats-Unis ne comptaient encore que 5 Etats ayant légalisé le mariage homosexuel, un 6ème, et de loin le plus grand, est venu s'ajouter à cette courte liste "révolutionnaire" : New York.

Un mois plus tard, les premiers mariages ont enfin été célébrés avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Mais qui aurait cru à une telle folie des unions ? Car la ville a reçu près de 1 730 demandes de mariage de la part de couples homosexuels pour le 24 juillet 2011 seulement ! Il semble loin le temps où l'homosexualité était encore condamnée, et pourtant...

Un parcours chaotique

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Intérieur d'une coupe attique à figures rouges, v. 480 av. J.-C. © Jastrow

Si l'homosexualité semble toujours avoir été persécutée, il faut savoir qu'elle a néanmoins connu des périodes d'acceptation ponctuelles. L'ère la plus réputée en termes de reconnaissance gay correspond d'ailleurs à l'Antiquité grecque. Il était dans les mœurs de se prêter à ce que l'on appelle la pédérastie : les hommes mûrs entretenaient une relation amoureuse, parfois sexuelle, avec de jeunes garçons à peine pubères dans le but de les élever au rang d'élite. Il s'agissait donc d'un mode d'éducation poussée, prôné et légiféré par la démocratie, à ne pas confondre avec la pédophilie.

Mais cette pratique est finalement mise à mal, puis interdite par l'Empire romain, à l'heure où le christianisme est érigé en religion d'Etat. Dès lors, et surtout durant le Moyen-Âge, les relations entre personnes du même sexe sont considérées comme des crimes contre la dignité et contre l'ordre naturel établi par Dieu. Définis en tant que fervents hérétiques, les homosexuels sont traqués par l'Inquisition à l'échelle européenne, et rares sont ceux qui échappent au bûcher.

C'est finalement en 1791 que l'homosexualité est complètement dépénalisée en France. En Angleterre, même si la peine de mort n'est plus de rigueur, l'uranisme et le lesbianisme demeurent cependant passibles d'une peine de prison pouvant s'élever jusqu'à 10 années d'incarcération.

A partir des années 1900 naît une sorte de culte de la virilité et de la beauté plastique masculine en Allemagne, entretenu ensuite par l'idéologie nazie. Machisme et homoérotisme étaient alors à l'ordre du jour, même si l'homosexualité n'avait encore jamais été dépénalisée. Toutefois, les homosexuels n'en seront pas moins déportés pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors que les Juifs portaient l'étoile jaune, gays et lesbiennes arboraient le triangle rose inversé. 

En 1934, Staline fait également voter une loi imposant l'emprisonnement et la déportation des homosexuels au goulag. Cette persécution à l'encontre de la communauté homosexuelle s'est effectuée dans un contexte de durcissement général des régimes autoritaires et totalitaires du moment vis-à-vis des "déviances morales". 

Une histoire de fous

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"Trois essais sur la théorie du sexuel", Sigmund Freud © La Transa

Puis l'homosexuel est devenu "un cas". Les premières théories selon lesquelles l'homosexualité était une pathologie psychiatrique remontent au XIXe siècle. Mais c'est Freud qui s'empare réellement du sujet et en permet sa diffusion massive.

Selon le psychanalyste, il s'agit d'une "variation de la fonction sexuelle". En d'autres termes, les homosexuels sont des pervers, au sens psychologique et non au sens moral. Il est donc possible de soigner l'homosexualité. Néanmoins, Freud affirme qu'il n'est pas nécessaire de guérir un homosexuel "heureux", donc assumé, étant donné qu'il n'y a pas de honte à éprouver de l'attirance pour une personne du même sexe, de même qu'il ne faut pas non plus considérer l'homosexualité comme une maladie mais davantage comme la conséquence d'un développement psychique perturbé. En tant que bon psychanalyste, il faut donc remonter aux sources du traumatisme pour comprendre l'orientation sexuelle du patient.

"L'homosexualité n'est pas un avantage mais ce n'est pas non plus quelque chose dont [on] doit avoir honte, ce n'est ni un vice ni une dégradation et on ne peut pas non plus la classer parmi les maladies", explique-t-il à la mère d'une de ses patientes en 1919.

Il n'empêche que les psychiatres n'ont pas toujours été aussi compréhensifs, au même titre que certaines lois européennes. Un homosexuel était un malade mental qu'il fallait guérir à coup de séances de psy, de castrations, de lobotomies, de thérapie par aversion – type Orange Mécaniqueou encore d'électrochocs. Autant dire que le cas de l'homosexuel est devenu une sorte de dada pour la médecine expérimentale.

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La Gay Pride à Paris en 2011 © Nicolas MOLLO - Galerie photo

L'avancée vers la reconnaissance

Il n'en faut pas plus pour que commencent à naître différents groupes de lobbying gays qui multiplient les opérations coups de poing à l'encontre des psychanalystes et psychiatres qui tentent d'assimiler l'homosexualité à une maladie, ou encore à une tare génétique. Pour parodier Simone de Beauvoir, on ne naît pas homo, on le devient.

Petit à petit, les militants gays et lesbiens parviennent enfin à se faire accepter au même titre que les hétérosexuels. Il faudra quand même attendre 1973 pour que l'Association américaine de psychiatrie retire l'homosexualité de la liste des maladies mentales. En 1990, c'est au tour de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) d'admettre l'homosexualité comme un choix et non une perversion. La France, quant à elle, n'interviendra qu'en 1992.

 

En parallèle de ce litige, la communauté gay a également dû affronter les retombées du SIDA. En effet, la maladie encore inconnue dans les années 1970 a fait couler beaucoup d'encre, et les homosexuels sont apparus comme les boucs-émissaires idéaux.

Mais avec la recherche, l'évolution des mentalités et la prolifération d'associations gays, les homosexuels sont de plus en plus considérés comme des êtres humains et des citoyens qui ont autant le droit de vivre leur vie comme ils l'entendent que les autres ! Plus besoin de vivre caché pour vivre heureux !

Néanmoins, les clichés et autres idées préconçues s'imposent encore bien trop souvent dans les esprits et déclenchent régulièrement des vagues d'homophobie, notamment dans les vestiaires. Aujourd'hui, l'homophobie est condamnée par la loi en Europe comme en Amérique du Nord. Malheureusement, les pays sanctionnant toujours l'homosexualité sont encore trop nombreux.

MAJ du 10/05/2012
Le président Barack Obama a apporté publiquement son soutien au mariage homosexuel, mercredi 9 mai. Il devient ainsi le premier président des Etats-Unis à soutenir le mariage gay. Au Stonewall Inn, café emblématique de la communauté homosexuelle de New York, l'heure est à la fête.


"A New York, les homosexuels applaudissent le choix d'Obama"