Des créatures massives chassent les requins au large du Mexique et sèment la peur, alertent des experts
Au large des côtes mexicaines, dans le golfe de Californie, le parc national de Cabo Pulmo est un joyau de biodiversité marine s'étendant sur près de 70 kilomètres carrés. Depuis l'interdiction de la pêche dans cette zone en 1995, ce sanctuaire a vu sa vie sous-marine prospérer, attirant des plongeurs du monde entier venus admirer ses eaux cristallines grouillant de poissons multicolores mais aussi de nombreuses espèces de requins comme les requins bouledogues, requins bordés ou à pointes noires.
Mais depuis peu, une ombre plane sur ce paradis aquatique. Des groupes de prédateurs ont été repérés, chassant activement les nombreux requins qui peuplent la zone. Un comportement inédit et potentiellement lourd de conséquences pour l'équilibre de cet écosystème unique, alertent les experts.
C'est en janvier 2022 qu'un drone a capturé pour la première fois des images de ces prédateurs marins prenant en chasse un requin bordé, une espèce pouvant atteindre tout de même 2,5 mètres de long. Fuyant ses assaillants, le squale s'est réfugié en eaux profondes. Les images ont permis de confirmer la présence d'orques dans cette zone. Quelques jours plus tard, des plongeurs ont été témoins d'une scène similaire, deux orques attaquant de façon coordonnée un requin bouledogue de plus de 3 mètres. Acculé, le prédateur marin a tenté de se protéger derrière un bateau, avant que ses poursuivants ne finissent par abandonner.

Si la prédation des requins par les orques est un phénomène connu et documenté depuis plus d'un demi-siècle, c'est la première fois qu'elle est observée dans le périmètre protégé de Cabo Pulmo. Les orques semblent attirés par la haute valeur nutritive du foie et des viscères des squales. Mais l'impact à long terme de ces nouveaux chasseurs sur la population de requins et l'écosystème dans son ensemble reste incertain.
Car les requins jouent un rôle clé dans l'équilibre de la vie marine. Prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire, leur présence régule les espèces situées plus bas et façonne la biodiversité. Leur disparition pourrait ainsi avoir des répercussions en cascade sur tout l'écosystème.
C'est ce que redoutent les experts qui ont publié leurs observations dans la revue Frontiers in Marine Science début juin. Selon eux, les orques sont peut-être en train de créer un véritable "climat de peur" dans le parc, poussant les requins à se réfugier dans des zones inaccessibles à leurs prédateurs comme les récifs profonds. Un déplacement massif qui pourrait s'avérer dramatique pour la région tant pour sa biodiversité que pour son économie. L'observation des requins est aussi un des principaux attraits touristiques du parc national.
Les scientifiques notent cependant qu'il est difficile de savoir depuis combien de temps les orques chassent réellement les requins dans le golfe de Californie. Ces mammifères marins sont encore mal connus et leur impact sur les populations de squales a probablement été sous-estimé par le passé. L'augmentation récente des observations pourrait simplement refléter les progrès technologiques, l'essor des drones et des caméras sous-marines permettant de mieux détecter ces rencontres et attaques.
Le mystère demeure sur les conséquences à long terme que pourrait avoir ce "climat de peur" sur l'équilibre délicat de ce sanctuaire marin. Les requins décideront-ils de quitter définitivement la zone pour échapper à la menace des orques ? Quelles espèces profiteront de leur départ et comment la biodiversité extraordinaire de Cabo Pulmo s'en trouvera-t-elle affectée ? Autant de questions auxquelles seul un suivi scientifique sur la durée permettra de répondre.