Médine : pourquoi Nicolas Bay est mis en examen sur une plainte du rappeur

Médine : pourquoi Nicolas Bay est mis en examen sur une plainte du rappeur MEDINE. Nicolas Bay, vice-président de Reconquête !, le parti d'Eric Zemmour, a été mis en examen pour diffamation envers le rappeur Médine.

[Mis à jour le 18 mai 2022 à 15h10] Médine face aux politiques, acte 2. Le vice-président du parti Reconquête! d'Éric Zemmour, Nicolas Bay, est mis en examen pour diffamation après une plainte déposée par le rappeur Médine, rapporte ce mercredi 18 mai 2022 France Bleu Normandie, qui cite l'entourage de l'artiste. En 2021, lors de la campagne des élections régionales, Nicolas Bay avait accusé Médine d'être proche de "la mouvance islamiste" dans l'un de ses tracts. Il avait également dénoncé l'aide financière accordée par la région Normandie pour la production du documentaire Médine Normandie, qui retrace la vie de l'artiste.

"Je m'attacherai à démontrer sans difficulté lors du procès la réalité de ce que j'ai dit à savoir que Médine s'est caractérisé par des liens biens réels, publics et qu'il a lui-même reconnu avec des associations et des personnalités de cette mouvance", a déclaré Nicolas Bay à France Bleu Normandie après avoir confirmé sa mise en examen pour diffamation. Et ce n'est pas la première fois que Médine se frotte à des politiques. 

Médine VS Nicolas Bay, les origines du conflit

Tout commence en juin 2021, en pleine campagne pour les élections régionales et alors que Nicolas Bay est le candidat RN en Normandie. Le 23 juin, Médine annonce avoir engagé une procédure judiciaire contre la tête de liste du parti de Marine Le Pen pour diffamation après des propos tenus à son encontre sur les réseaux sociaux. Au coeur de la polémique, le documentaire Médine Normandie, en partie subventionné par la région Normandie et projeté dans une salle de cinéma du Havre le 24 juin 2021.

Médine accusé d'être "proche de la mouvance islamiste"

Sur Twitter, le 22 juin 2022, Nicolas Bay qualifie dans un message posté sur Twitter, le documentaire Médine Normandie comme étant "un biopic pour encenser la carrière 'artistique' du rappeur havrais Médine. Ce proche de la mouvance islamiste des frères musulmans n'avait pas hésité à nommer un de ses albums 'Jihad'." Médine avait alors reproché à Nicolas Bay sa méconnaissance du documentaire.

"En réalité, tout ce dont il m'accuse est entièrement déconstruit dans le documentaire. Il m'accuse de proximité avec le terrorisme et les extrémistes, alors que je suis le premier à les combattre au sein de ma région, au travers d'actions concrètes, comme mon soutien à des associations locales ! Je n'accepte aucune leçon de ce Normand au domicile fictif. Et je veux me battre contre ce montage honteux fait à mon encontre. Il s'agit d'un simple rappel à l'ordre républicain", déclarait alors Médine, interrogé par France 3 Normandie.

Médine et sa plainte contre Aurore Bergé

Le 23 février 2021, Médine annonçait avoir déposé une plainte contre la députée LREM Aurore Bergé pour diffamation au tribunal judiciaire de Paris. En cause ? Les propos tenus par l'élue en Marche dans une interview accordée à LCI le 18 février 2021, évoquant une conférence donnée Aurore Bergé à l'Ecole normale supérieure (ENS). "Ce rappeur islamiste Médine, vous savez, celui qui disait qu'il fallait tuer les laïcards, est-ce légitime qu'une école aussi prestigieuse que l'ENS donne la parole à celui qui appelle au meurtre ?", lançait-elle.

Déjà pris pour cible par des élus de droite et d'extrême droite en 2018, Médine expliquait à Médiapart les raisons de son dépôt de plainte. "C'est la fois de trop. J'assiste au revirement médiatique de cette frange du gouvernement qui est en train de se radicaliser en adoptant un discours plus à droite, voire à l'extrême droite. J'ai l'impression que le temps du dialogue est révolu. Toutes ces personnes ne prennent pas le temps de lire notre travail", expliquait alors le rappeur du Havre, qui disait souhaiter "faire valoir [s]es droits", se disant victime de "fausses accusations."

Selon le rappeur, Aurore Bergé lui "colle une idéologie qui n'est, bien sûr, pas la [s]ienne." Si la députée faisait en partie référence à la chanson Don't Laïk, qui évoque une crucifixion des laïcards, pour Médine, ce "morceau est une succession d'absurdités, d'oxymores", et dont l'élue a sorti une citation de son contexte. "La méconnaissance d'Aurore Bergé en matière de rap et de style est flagrante. Je l'invite à faire ce qu'elle aurait dû faire avant de s'exprimer sur LCI", lançait l'artiste dans les colonnes de Médiapart. Il souhaitait alors "une condamnation et des excuses publiques", mais aussi des "dommages et intérêts". "C'est mon honneur qui est en jeu", concluait-il.

Les paroles de Don't Laïk au coeur de la polémique

En 2018, Médine devait se produire au Bataclan, à Paris les 19 et 20 octobre. Programmés depuis plusieurs mois, ces concerts, prévus dans l'un des lieux théâtres des attaques terroristes du 13 novembre 2015, avaient suscité à l'époque une vaste polémique liée aux paroles du rappeur. Des associations de victimes avaient tout de suite exprimé leur volonté de faire interdire sa venue. Des élus de droite, d'extrême-droite et du parti La République en Marche s'étaient indignés contre les paroles de ses chansons Jihad ou Don't Laïk, qu'ils estimaient déjà, comme Aurore Bergé et Nicolas Bay, aller dans le sens des doctrines des djihadistes islamistes.

Dans Don't Laïk, Médine déclare notamment : "Crucifions les laïcards comme à Golgotha". Des paroles qui ne sont pas passées inaperçues. "Un appel au meurtre" avait déjà jugé Aurore Bergé à l'époque. Médine s'était alors rapidement expliqué face à ces accusations. "Je voulais absolument parler de la façon dont est manipulée aujourd'hui une valeur républicaine comme la laïcité alors que, dans son esprit et sa lettre, la laïcité est faite pour réunir les gens", avait-il fait savoir.

"Don't Laïk est aux fondamentalismes laïques ce que les caricatures de Charlie Hebdo sont aux fondamentalismes religieux", s'était-il défendu un peu plus tard dans une tribune publiée dans L'Obs. Une pétition avait même vu le jour sous l'impulsion de Grégory Roose, ancien délégué départemental du FN. Le concert au Bataclan avait finalement été annulé, face aux pressions et même si la salle de concert évoquait une annulation "par respect des victimes des attentats du 13 novembre 2015 et de leurs familles." Médine, lui, justifiait cette décision autrement : "Certains groupes d'extrême-droite ont prévu d'organiser des manifestations dont le but est de diviser, n'hésitant pas à manipuler et à raviver la douleur des familles des victimes."

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