Mort de Gisèle Halimi : "Ne vous résignez jamais" martelait-elle aux féministes
L'avocate et militante féministe est morte à l'âge de 93 ans ce mardi 28 juillet. Elle restera, entre autres, comme une figure de proue du droit à l'avortement en France.
[Mis à jour le 28 juillet 2020 à 16h02] Gisèle Halimi est morte, ce mardi 28 août, à Paris, à l'âge de 93 ans. Elle restera comme l'une des figures féministes les plus engagées et médiatiques de France dans les années 1970, militante convaincue et avocate persévérante investie dans la lutte pour la législation de l'avortement et pour la reconnaissance du viol comme crime. En 1971, elle fut l'une des signataires du "Manifeste des 343" alors qu'elle était inscrite au barreau. "Cette bataille méritait bien de se mener sur plusieurs fronts : changer la loi, s'expliquer devant l'ordre, en cas de poursuite. La peine de suspension, ou de radiation, me semblait faire partie, à ce moment, de la logique de notre histoire de femmes. Je signai, je crois, en avocate solitaire", confiait-elle dans "Le Lait de l'oranger", un ouvrage autobiographique dans lequel elle se livrait sur ses combats féministes.
En janvier 1974, invitée sur un plateau de télévision, elle démontrait un sang froid saisissant face à une femme opposée à la loi Veil, lui demandant comment elle pouvait "donner l'absolution à une femme qui a tué son enfant". "Nous ne partons pas en croisade pour l'avortement. Nous nous battons pour que les femmes soient libres de choisir leur maternité. Ça c'est fondamental. Vous, comme moi, aurez le droit de choisir", défendait-elle.
Gisèle Halimi, avocate et figure du féminisme, vient de mourir à lâge de 93 ans. Signataire du manifeste des 343, elle défendait avec vigueur le droit à lavortement, comme en témoigne cet échange avec une opposante de la future loi Veil, en janvier 1974. pic.twitter.com/rjjcTFMJX3
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Gisèle Halimi, féministe jamais résignée
Dans un entretien au Monde accordé il y a moins d'un an, Gisèle Halimi qualifiait sa rencontre avec Simon de Beauvoir d'"essentielle". "J'avais lu Le Deuxième Sexe avec passion, je trouvais qu'elle y avait posé toutes les bases théoriques du féminisme. Il nous restait à en inventer les luttes. Et, quand je l'ai vu arriver avec Sartre, ce soir de septembre 1958, à un meeting soutenant le non au référendum de De Gaulle, j'étais terriblement impressionnée. Elle m'a glissé quelques mots gentils et suggéré que nous déjeunions ensemble. Quelle joie ! Dès lors, je l'ai beaucoup fréquentée et je n'ai cessé d'apprécier sa lucidité, sa rigueur, sa combativité. Elle restait ma référence", confiait-elle. Dans le même entretien, alors que l'on lui demandai ce qu'elle prône encore, passé les 90 ans, elle répondait : "La sororité ! Depuis toujours ! La solidarité ! Quand les femmes comprendront-elles que leur union leur donnerait une force fabuleuse ? Désunies, elles sont vulnérables. Mais, ensemble, elles représentent une force de création extraordinaire. [...] Et je dis aux femmes trois choses : votre indépendance économique est la clé de votre libération. Ne laissez rien passer dans les gestes, le langage, les situations, qui attentent à votre dignité. Ne vous résignez jamais !"
Une pluie d'hommages
Figure progressiste saluée désormais unanimement pour son combat féministe, Gisèle Halimi restera dans notre histoire récente comme une pionnière de la lutte pour l'égalité hommes femmes. A ce titre, de nombreux hommages ont émergé à l'annonce de sa mort. "Pour Gisèle Halimi, le féminisme était un humanisme. La France perd une républicaine passionnée qui, comme avocate, militante et élue, fut une grande combattante de l'émancipation des femmes", a rédigé Emmanuel Macron sur Twitter. Chritiane Taubira, garde des Sceaux sous le quinquennat de François Hollande, a eu ces mots : "Chère Gisèle Halimi, chère Maître, j'aimais par-dessus tout le timbre et la musique de votre voix, je suis heureuse de vous avoir dit quelle force et quelle limpidité l'un et l'autre ajoutaient à vos passions. Je chéris encore nos conversations vives et vos mots résolus." Le dessinateur Plantu a mis en ligne sur les réseaux sociaux un dessin paru dans Le Monde pour lui rendre hommage.
GISÈLE HALIMI. Disparition dune immense avocate et militante du féminisme. (dessin publié dans Le Monde). pic.twitter.com/5fvlSGNUkN
— PLANTU (@plantu) July 28, 2020
Ce mardi 28 juillet, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a tenu à saluer la mémoire de l'avocate devant les députés, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. "Toute sa vie elle aura combattu, elle aura milité, elle aura défendu. Son obsession était la justice pour tous, et je devrais dire peut-être la justice pour toutes".
.@E_DupondM rend hommage à "maître Gisèle Halimi, qui nous a quitté ce matin".
— LCP (@LCP) July 28, 2020
>> Les députés se lèvent pour applaudir.#DirectAN #QAG pic.twitter.com/rxxq4elE7a