Mort de Peter Lindbergh : la photo perd un ambassadeur féministe

Le photographe allemand Peter Lindbergh est mort, a-t-on appris ce mercredi. Il aura marqué le monde de la photo de ses célèbres portraits en noir et blanc et par sa vision singulière qu'il avait de son métier.

[Mis à jour le 4 septembre 2019 à 14h11] Peter Lindbergh est mort mardi à l'âge de 74 ans, a annoncé aujourd'hui sa famille à l'AFP. Le photographe était devenu une véritable icône dans le monde de la mode, pour ses clichés, souvent en noir et blanc, des plus grandes mannequins, depuis les années 1980. Il a collaboré avec les plus grands journaux féminins - dont Vogue - et les plus grandes stars de ces dernières années -top modèles, actrices, chanteuses notamment. Peter Lindbergh apportait une vraie singularité dans un milieu extrêmement sexiste, considérant que l'industrie du luxe et de la mode était encore terriblement destructrice pour l'image de la femme.

Lors de la grande rétrospective à Rotterdam en 2016, qui consacrait 40 ans de travail, Peter Lindbergh confiait au Monde : "Je répète très souvent que nous, les photographes, sommes là pour libérer les femmes de la dictature de la perfection et de la jeunesse. L'industrie fait son boulot, elle a des produits à vendre, mais tout le monde n'est pas obligé de suivre". Il ajoutait aussi : "L'image que l'on renvoie aux femmes aujourd'hui est épouvantable. Avec Photoshop, on en fait des robots, comme si c'était un avantage de faire 1,80 mètre et 45 kilos. Pour moi, cette norme signe la fin de la civilisation".

La reconnaissance avait apporté, au fil des années, un certain confort à Peter Lindbergh dans le choix de ses sujets et une vraie liberté : le photographe ne craignait pas les rides, les poses naturelles, loin des expressions figées si diffuses dans les clichés à visée commerciale ou publicitaires. "J'ai besoin de temps pour faire une photo, elle se construit progressivement. Pour moi, les images sont plus intéressantes quand on crée une intimité", disait-il encore il y a 3 ans au Monde. A Vogue, la même année, l'artiste renchérissait : "L'émergence des tops dans les années 80 répondait au besoin de changer l'image des femmes dans les médias en général et les magazines de mode en particulier. Ce qui a parfaitement marché : en quelques mois l'évolution a été spectaculaire. Aujourd'hui, les intérêts commerciaux ont perverti la définition de la beauté. On brandit jeunesse et perfection alors qu'à mon sens, la beauté est indissociablement liée à la notion de vérité. C'est pour ça que Photoshop ne produit que du vide".

Depuis l'annonce de sa disparition, les hommages du monde de la mode se multiplient. Vogue, notamment, salue le travail d'un de ses plus importantes contributeurs, en publiant ses plus belles photos.