Décompte des manifestants : comment la police et les syndicats apprécient les mobilisations ?
Combien de manifestants ont battu le pavé le 31 janvier 2023 ? La mobilisation sera-t-elle plus forte que lors de la première grève contre la réforme des retraites ? La question du nombre de participants aux manifestations est toujours celle qui revient après un mouvement social, mais souvent la réponse s'apparente à une large fourchette entre les estimations des syndicats et celles de la police. Illustration avec les manifestations du 19 janvier pendant lesquelles 2 millions de personnes se sont mobilisées selon le décompte de l'intersyndicale contre 1,12 million pour le ministère de l'Intérieur. Il y a fort à parier que l'écart sera tout aussi important pour la grève du 31 janvier, pour preuve les estimations données villes par villes : à Marseille les syndicats ont compté 205 000 manifestants contre 40 000 pour la police, à Toulouse les estimations passent de 80 000 pour les syndicats à 40 000 pour la police, même constat à Nantes avec 65 000 personnes selon les syndicats contre 28 000 pour les autorités. Et la liste est longue.
Les décomptes des syndicats et de la police pour la journée du 31 janvier s'accordent toutefois pour dire que la mobilisation est plus importante dans les rues. Mais une question reste : pourquoi un tel fossé entre les deux décomptes ? Est-ce dû aux méthodes de calcul ?
Le comptage par ligne chez les syndicats
Lors des grèves et des manifestations tous les syndicats envoient certaines de leurs forces aux abords des cortèges pour compter les manifestants. Tous, ou presque, procèdent de la même façon et recourent au comptage par ligne. A ces points de passage les syndicalistes contre le nombre de personnes sur une ligne puis le nombre de lignes qui passent devant eux. Il suffit ensuite d'une simple multiplication pour obtenir un résultat qui n'est qu'une "estimation". Exemple : si 1000 lignes passent devant les militants et que 10 personnes tiennent sur une ligne, le nombre de manifestants est estimé à 10 000. Chez la CGT ou FO, la méthode est utilisée depuis des années.
Le comptage étant manuel et réalisé par l'humain, tous les syndicats regroupent et comparent leurs estimations pour arriver à un nouveau chiffre moyen du nombre de manifestants. Ce résultat peut être quelque peu "remonté" par les syndicats qui cherchent à donner du poids à leur mobilisation. A noter que les syndicats attendent toujours de disposer des chiffres des préfectures ou du ministère de l'Intérieur avant d'annoncer leur propre décompte.
Pour les policiers, un comptage similaire mais plus fiable ?
Les forces de police calculent également le nombre de manifestants manuellement sans drone ni vue aérienne et avec une méthode et des règles de comptage bien définies. "Pour faire un comptage équilibré, nous prenons position sur des points en hauteur et nous établissons des lignes", expliquait la police à BFMTV en 2018. Chaque ligne équivaut à dix personnes et le nombre de lignes est comptabilisé à plusieurs points du cortège. A chaque passage, les policiers, qui surplombent la foule de manifestants en étant placé dans un appartement par exemple, actionnent un compteur qui s'occupe des calculs. Les données des différents compteurs permettent ensuite d'obtenir une moyenne. Une méthode pas si éloignée de celle des syndicats, mais qui "rend la chose très fiable" aux yeux des policiers. Une fois le nombre de manifestants arrêté c'est au préfet ou au ministère de l'annoncer.
Quel décompte est le plus fiable ?
Le décompte des manifestants par la police semble avoir l'avantage auprès des institutions. En avril 2014, une commission d'experts chargés de réfléchir à de nouvelles techniques de comptage avait conclu dans un rapport que "les méthodes de la police sont bonnes et sont les seules possibles", comme le rapportait Le Figaro.
Le fait que le décompte des policiers se fasse en hauteur offre effectivement un meilleur visuel que le comptage réalisé à hauteur d'homme par les syndicats. Les autorités peuvent se faire une idée plus juste de la mobilisation selon que le cortège de manifestants est compacte ou clairsemé. La méthode de la police prévoit également une révision des chiffres jugée plus fiable que le calcul de la moyenne des moyennes fait par les syndicats.
Les chiffres de la police ne sont toutefois par parfaits non plus puisqu'ils restent des estimations et surtout les mobilisations changent de morphologie avec parfois plusieurs cortèges organisés ou des rassemblements de manifestants qui s'ajoutent dans les rues adjacentes au parcours de la manifestation. Des heurts qui désorganisent le cortège et créent des attroupements peuvent aussi induire des erreurs dans les calculs.