Marlène Schiappa dans Playboy : des photos et une double polémique

Marlène Schiappa dans Playboy : des photos et une double polémique Présente sur la une du Playboy du jeudi 6 avril 2023, Marlène Schiappa est au cœur de deux polémiques : celle concernant les photos accordées au magazine de charme et les révélations sur le fonds Marianne. La première servirait-elle à faire diversion ?

[Mis à jour le 6 avril 2023 à 13h30] Le suspense n'est plus mais la polémique, elle, continue de faire couler de l'encre. Les photos de Marlène Schiappa en couverture et dans les pages de Playboy ont été publiées dans l'édition du jeudi 6 avril 2023, seulement les clichés de la ministre mise en scène en Marianne moderne et décomplexée ne sont plus l'objet d'une surprise, car dévoilés deux jours plus tôt par Paris Match. Reste l'interview longue de douze pages qui est enfin accessible aux lecteurs. Dans ces colonnes, Marlène Schiappa défend sa présence en une de Playboy comme un acte militant censé défendre l'émancipation et la liberté sexuelle des femmes.

Un avis loin d'être partagé par le gouvernement. "Playboy ne sera jamais l'allié [des femmes]", a assuré l'actuelle secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes Isabelle Rome, celle qui a succédé à Marlène Schiappa à ce poste, auprès du Figaro. La ministre dit respecter le choix de sa collègue mais ne comprend pas comment cette interview peut participer à la lutte contre le sexisme : "Pourquoi avoir choisi Playboy pour faire avancer le droit des femmes alors que ce magazine est un condensé de tous les stéréotypes sexistes ? Nous sommes en plein dans la culture de la femme-objet" . Comme la Première ministre avant elle, Isabelle Rome juge la présence de Marlène Schiappa dans le magazine de charme "inappropriée". 

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En réponse aux critiques et, peut-être, en anticipant de nouvelles remontrances, Marlène Schiappa a déclaré dans la magazine au lapin : "Il ne faut pas juger les femmes mais les soutenir quel que soit leur choix". Sur ce point, Isabelle Rome rétorque que la ministre est bien "libre de faire ce qu'elle veut de son corps", mais pointe un non-sens : "Prétendre que poser dans Playboy fera avancer la liberté des femmes, j'en doute sérieusement".

Les photos de Marlène Schiappa dans Playboy dévoilées

Marlène Schiappa dans une robe moulante couleur chair et à moitié couverte d'un épais tissu rouge sur un fond bleu nuit. Marlène Schiappa en robe bouffante blanche et cocarde tricolore sur le cœur. Marlène Schiappa drapée façon Marianne, drapeau Français en main. Et enfin, Marlène Schiappa dans une robe moulante bleue et brillante, cape bleue nuit sur le dos toujours accompagnée du drapeau tricolore. Telles sont les légendes que l'on pourrait accoler aux photos de Marlène Schiappa qui seront publiées dans le magazine Playboy  jeudi 6 avril et que Paris Match a dévoilé dès mardi. Objectif ? Symboliser une Marianne décomplexée, rapporte l'hebdomadaire.

12 pages d'interview sur l'égalité hommes femmes

Indéniablement, la condition féminine est au cœur de l'entretien de Marlène Schiappa dans Playboy. Si la ministre a été la figure gouvernementale de cette lutte de 2017 à 2020, aujourd'hui ce n'est plus d'elle dont dépend ce portefeuille mais de la secrétaire d'Etat, Isabelle Rome. La voix de Marlène Schiappa est-elle donc toujours aussi légitime ? Assurément pour l'interviewée qui soutient que "faire en sorte que femmes et hommes aient les mêmes droits" est son combat politique. Si l'engagement est justifiable, ses liens avec l'Economie sociale et solidaire et la Vie associative ministère, auquel Marlène Schiappa a été nommé en août 2022, sont flous.

A plusieurs reprises, la ministre a rappelé son investissement dans la cause de l'Egalité entre les femmes et les hommes notamment son intervention à l'Onu en mars 2023 à l'occasion de la 67e session de la Commission de la condition de la femme. Sujet sur lequel "la France est leader", souline Marlène Schiappa. Laquelle ajoute défendre un "féminisme universel" qui considère "intolérable pour les filles des autres ce qu'on trouve intolérable pour nos propres filles" et ce sur toute la surface du globe.

"Jai vécu des agressions"

Le discours de la ministre fait aussi un détour sur "la protection des femmes face à la violence [qui est] fondamentale", que les atteintes aient lieu dans la sphère professionnelle ou soient conjugales. "'Chez soi' est supposé être l'endroit où l'on est à l'abri, en relâche, pas en vigilance. Or, c'est là que l'on recense le plus de violence", a insisté la ministre. Ces violences parfois banalisées, Marlène Schiappa confesse ne pas y avoir échappé sans vouloir s'y attarder : "J'ai évidemment et comme beaucoup de femmes vécu des comportements déplacés et même des agressions ou des violences de la part d'hommes. Je n'ai jamais souhaité le raconter en détail, parce que ça ne regarde que moi et parce que je ne veux pas faire de la victimisation. Je suis engagée aujourd'hui non pas par rapport à ce que j'ai pu vivre, mais par rapport à ce qui doit bénéficier à toutes les autres femmes en termes de protection et de droits."

Marlène Schiappa dans Playboy, des photos qui embarrassent l'exécutif

Près d'une semaine après l'annonce de la présence de Marlène Schiappa dans le magazine Playboy, l'interview et les clichés font toujours autant parler. Même au sein de la majorité, malgré la volonté d'être discret et de ne pas jeter l'opprobre sur la ministre, il est clair que l'initiative a déplu à un grand nombre et jusqu'à Matignon. Des membres de la majorité et même du gouvernement ont même décrite la ministre "en roue libre" ou responsable d'un "vrai problème de messages qu'on fait passer" selon les informations de RTL. et BFMTV.

L'interview de Marlène Schiappa dans Playboy a pris de court l'exécutif puisque personne à l'Elysée, ni à Matignon n'était au courant de cet entretien, d'après RTL. Pourtant, comme le rappelle la radio, les entretiens réalisés dans les médias par les différents membres du gouvernement sont habituellement validés auparavant au sommet de l'Etat. Désormais c'est une petite polémique que doit gérer le gouvernement et une grande discrétion est demandé à Marlène Schiappa. Le mercredi 5 avril, la secrétaire d'Etat chargée de l'Economie sociale et solidaire a du renoncer à sa venue sur le plateau de l'émission C à vous sur France 5, laquelle "ne semblait pas opportune" au vu de l'actualité selon les explications de son cabinet à BFMTV.

Le ton et la communication de Marlène Schiappa trop "disruptifs" ?

Marlène Schiappa est coutumière des coups médiatiques. Un stratégie de communication qui répond à "l'authenticité, la sincérité et [au] fait d'être cash" qui la caractérisent de ses propres aveux dans Playboy. Mais si ces choix de communication étaient pensés pour faire entendre son discours ? "C'est parfois un peu frustrant, j'ai passé plusieurs jours à l'ONU à défendre la condition des femmes dans le monde et très peu de gens en parlent, d'ailleurs merci Playboy d'en parler ! En revanche, si je crée un buzz ou une polémique, tout le monde va en parler", a-t-elle fait remarquer au magazine de charme, comme en écho à la polémique que suscite sa photo en couverture du magazine au lapin dans l'édition du 6 avril.

A en croire Marlène Schiappa, sa communication est surtout du fait de sa personnalité : "Je suis assez naturelle, ceux qui me connaissent, qui m'aiment ou qui ne m'aiment pas, me reconnaissent tous le fait d'être sincère et authentique dans ce que je dis", sans oublier la manière ou le support dans lequel cela est dit. Une sincérité qui s'avère être un "atout" même si la ministre reconnait que "c'est assez difficile quand on est une femme politique de trouver le bon dosage". Comme solution, l'interviewée dit jouer la carte du naturel : "Je ne cherche pas à ressembler à qui que ce soit, je suis déjà Marlène Schiappa et c'est assez difficile comme ça".

Une diversion après la révélation du fonds Marianne ?

La polémique autour de Marlène Schiappa en une de Playboy, intervient seulement quelques jours après des révélations de France Télévisions et de Marianne à propos d'un fonds contre la radicalisation, lancé en 2021, dont les résultats sont remis en cause. Ce fonds avait été créé à la suite de l'assassinat de Samuel Paty par un islamiste radical. Marlène Schiappa,  alors ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, avait lancé ce fonds, appelé "Marianne", pour financer des associations afin qu'elles mènent un combat républicain et une campagne d'information à destination des jeunes sur Internet. Mais, d'après une enquête de franceinfo, sur les 17 associations retenues, quelques-uns ont reçu des centaines de milliers d'euros pour des résultats décevants. L'une d'entre elles, l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation au service militaire (USEPPM), a ainsi reçu 355 000 euros (sur les 2 millions d'euros du fonds) et a finalement produit une dizaine de vidéos qui n'ont pas dépassé les 50 vues.

Lors de leur enquête, les journalistes de franceinfo et de Marianne ont également révélé que cette même association avait employé seulement deux personnes pour réaliser ces tâches. Elles auraient reçu 120 000 euros. Depuis février 2023, un contrôle est effectué pour vérifier si les fonds publics distribués contre la radicalisation ont bien été utilisés. Ces éléments, qui mettent en cause Marlène Schiappa, ont été révélés mercredi 29 mars 2023 dans la presse. La secrétaire d'Etat n'a pas réagi à cette affaire, mais pour de nombreuses personnes, l'annonce de la couverture du magazine Playboy est une stratégie pour tenter de faire diversion. Une chose est sûre, la ministre passe le suet sous silence dans son entretien à Playboy.

Marlène Schiappa pourrait devoir, après sa séance photo remarquée, revenir sur l'affaire des fonds Marianne car la famille de Samuel Paty, dont l'assassinat a été la pente de lancement au projet de la ministre, s'est fendue d'un communiqué le 4 avril et refuse que le nom de professeur défunt soit associé au fond Marianne : "Aujourd'hui symbole des valeurs républicaines et de la nécessaire lutte contre l'islamisme radical et la désinformation, le nom de Samuel Paty ne peut en aucun cas et en aucune manière être l'instrument de tels agissements". Le journal Marianne rapporte également qu'un courrier a également été adressé à Marlène Schiappa pour demander des réponses à "diverses interrogations", qui "intéressent nécessairement l'ensemble des Français et des victimes de terrorisme".

Une nouvelle ligne chez Playboy

Magazine qui a vu le jour aux États-Unis, Playboy a débarqué en France en 1973. À l'époque, des actrices françaises telles que Jane Birkin ou Romy Schneider y posent en une. Les ventes se poursuivent dans les années 1980, avant une chute au cours des années 1990, et l'édition française se rapproche de ce qui paraît outre-Atlantique. Le magazine vivote et cesse de paraître en janvier 2011. Cinq ans plus tard, une nouvelle édition est mise à la vente. Depuis décembre 2016, Playboy est désormais trimestriel, avec une nouvelle ligne "sans nudité frontale", comme l'avait indiqué à l'époque David Swaelens-Kane, un des repreneurs de la publication, au Point. Le dernier numéro est paru en janvier 2023.

"Playboy n'est plus un journal de fesses comme avant, mais un mook (mi-livre, mi-magazine) trimestriel intello et branché de presque 300 pages", a déclaré ce samedi 1er avril Jean-Christophe Florentin, éditeur de Playboy, admettant tout de même qu'on y trouve "encore quelques filles déshabillées". Marlène Schiappa "a bien compris que Playboy n'est plus une publication de vieux machos, mais pouvait au contraire être un instrument de la cause féministe", a-t-il poursuivi. Des propos rapportés par BFMTV.

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