Affaire Tapie : Bernard Tapie doit-il rendre l'argent de l'Etat ?

Affaire Tapie : Bernard Tapie doit-il rendre l'argent de l'Etat ? L'affaire Tapie-Adidas a pris une nouvelle tournure. L'un des juges qui a décidé d'accorder 403 millions d'euros à Bernard Tapie est mis en examen. L'homme d'affaires sera-t-il amené à rendre l'argent ?

Bernard Tapie va-t-il devoir rendre les 403 millions d'euros qui lui avaient été octroyés en 2008 ? Si l'hypothèse était encore invraisemblable il y a quelques semaines, la mise en examen d'un des juges arbitres, chargé de trancher le litige entre l'ancien ministre et le Crédit Lyonnais, rend cette éventualité plausible. Alors que l'ancienne ministre Christine Lagarde a été placée sous le statut de témoin assisté et que l'avocat de Bernard Tapie a été mis un temps en garde à vue, l'affaire prend une nouvelle dimension, avec en toile de fonds des suspicions de graves conflits d'intérêts, voire d'escroquerie en bande organisée.

Il y a 5 ans, la décision prise par le tribunal arbitral était pourtant claire : les juges estimaient que Bernard Tapie avait été lésé lors de la vente d'Adidas en 1993 par l'intermédiaire du Crédit Lyonnais. L'ancien ministre avait donc reçu 285 millions d'euros d'indemnités du CDR (l'organisme chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais), dont 45 millions d'euros à titre de préjudice moral. Avec les intérêts, cette somme s'élevait à 403 millions d'euros.

Quels liens entre l'avocat de Bernard Tapie et le juge mis en examen ?

Les enquêteurs soupçonnent Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard Tapie, d'avoir entretenu des liens avec Pierre Estoup, le juge dans le viseur de la justice. Des documents, dont une facture entre les deux hommes, auraient été découverts par la police, ce qui viendrait consolider la thèse du conflit d'intérêts. La mise en examen du juge Estoup pour "escroquerie en bande organisée" est la preuve que les enquêteurs suspectent l'ancien magistrat de faits bien plus graves. Pierre Estoup est ainsi soupçonné d'être activement intervenu, avec d'autres personnes, pour favoriser la remise d'une somme d'argent considérable à Bernard Tapie.

 Lire : Maurice Lantourne et Pierre Estoup : avocat et juge de Bernard Tapie en garde à vue

L'Etat se constituera partie civile

C'est pour "veiller à ce que les intérêts patrimoniaux de l'Etat ne soient pas lésés" que l'Etat va se constituer partie civile, dans "les meilleurs délais". Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a déjà fait savoir qu'un "recours en révision" contre l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie n'était "pas exclu, mais pas en cours". En clair, si des éléments venaient démontrer que le tribunal arbitral n'a pas été impartial en 2008, les pouvoirs publics pourraient lancer une procédure pour que la décision des juges soit remise en question.

Bernard Tapie devra-t-il rendre l'argent ?

Si le recours aboutit à l'annulation de la décision, l'homme d'affaires pourrait être contraint de rembourser les millions octroyés. Il devra aussi probablement se soumettre à une nouvelle décision judiciaire concernant le litige l'opposant au Crédit Lyonnais si l'Etat dépose un recours en révision. Mais une nouvelle décision sera-t-elle aussi "généreuse" à l'égard de Bernard Tapie ? Pour l'ancien patron du Crédit Lyonnais, Jean Peyrelevade, l'escroquerie était déjà manifeste en 2008 : "Je suis heureux de voir que la justice commence à se poser des questions sérieuses sur un arbitrage dont j'ai toujours dit qu'il était premièrement illégal, et deuxièmement, à mes yeux, le résultat d'une gigantesque manipulation" a-t-il estimé.
Pour Bernard Tapie, qui tente de calmer le jeu, une nouvelle décision de la justice lui imposant de rendre l'argent est "irréaliste". Pourtant, l'affaire prend une tournure que l'homme d'affaires ne s'explique pas. La mise en garde à vue de Pierre Estoup est "incompréhensible" selon lui : "Il y a forcement dans ce dossier des choses que j'ignore pour que les motifs de la mise en examen soient si graves" a-t-il déclaré.

EN VIDEO : Bernard Tapie a été auditionné en septembre 2008 par la commission des finances de l'assemblée nationale. Il donnait alors sa version de l'affaire Adidas aux côtés de son avocat :

"Affaire Adidas : la version de Bernard Tapie"