Ce que le Conseil constitutionnel peut supprimer dans la loi immigration

Ce que le Conseil constitutionnel peut supprimer dans la loi immigration D'après la Première ministre Élisabeth Borne, plusieurs points sont contraires à la Constitution dans le projet de loi immigration fraîchement voté...

Tout juste votée au Sénat et à l'Assemblée nationale, la loi immigration a été transmise au Conseil constitutionnel hier, mercredi 20 décembre, par le président de la République en personne. Pour rappel, le Conseil constitutionnel est une institution chargée, entre autres, de contrôler la conformité de la loi à la Constitution et aux droits et libertés qui en découlent. Il est composé de neuf membres surnommés les Sages, trois nommés par le chef de l'État, trois par le président de l'Assemblée nationale et trois par le président du Sénat. Laurent Fabius (président du Conseil constitutionnel) et Alain Juppé font notamment partie de ces neuf membres. Les anciens présidents de la République, eux, ont la possibilité de siéger en tant que membre de droit à vie. 

Et le projet de loi immigration pourrait connaître de nouvelles turbulences avec l'examen du texte par le Conseil constitutionnel. En effet, certains points jugés contraires à la Constitution pourraient tout simplement être retoqués par les Sages. "On a fait part de nos doutes sur certaines dispositions avec Les Républicains avec qui on a discuté" déclarait la Première ministre Élisabeth Borne hier au micro de France Inter. Les Sages, eux, ont la possibilité d'opérer une censure totale du projet, au même titre qu'une censure partielle qui paraît davantage probable pour ce projet de loi immigration porté par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Les quotas d'immigration et le durcissement de l'accès aux aides sociales menacés

La première mesure menacée par le Conseil constitutionnel est l'instauration de quotas annuels d'immigration. Autrement dit, un nombre de personnes étrangères autorisées à séjourner en France pendant trois ans sur des motifs économiques. La mesure prévoit également la tenue obligatoire de débats à ce sujet au Parlement chaque année. Cette mesure pourrait constituer une "injonction" du Parlement à l'exécutif (qui irait à l'encontre de la séparation des pouvoirs) et une discrimination entre deux étrangers dans une situation similaire.

Le texte du projet de loi immigration pourra également être revu sur le point concernant le versement des APL. Le nouveau texte prévoit de conditionner l'accès à toutes les aides sociales à cinq ans de résidence en France pour les étrangers en situation régulière qui ne travaillent pas, y compris les APL. Les étrangers qui travaillent pourront bénéficier des prestations sociales au bout de 30 mois passés en France. Le délai de carence sera plus court uniquement pour les ALP qui leur seront accessibles après trois mois de présence. Des mesures reposant sur le principe de "préférence nationale" cher au Rassemblement national (RN) et qui pourraient être perçues comme inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel, sur le principe d'une rupture d'égalité devant la loi.

Enfin, les sages devraient également se pencher sérieusement sur une nouvelle obligation pour les étudiants étrangers, celle de payer une caution pour venir étudier en France. Le projet de loi immigration prévoit que le ministre chargé de l'enseignement supérieur puisse en dispenser "à titre exceptionnel" les étudiants bénéficiant de revenus modiques et dont l'excellence du parcours scolaire ou universitaire le justifie. Poussée par la droite, cette proposition de "titre de séjour étudiant" pourrait constituer une rupture d'égalité aux yeux du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel dispose d'un mois pour statuer

La saisine du Conseil constitutionnel implique le choix d'un ou plusieurs rapporteurs pour examiner les recours. Le jour J, un rapport est présenté avec une proposition de décisions. Un vote a lieu avec en cas d'égalité, une voix prépondérante pour le président de l'institution, Laurent Fabius. Le Conseil constitutionnel dispose d'un mois pour statuer (la décision interviendra sûrement en janvier 2024) sauf dans le cas où le gouvernement demande l'examen du texte en urgence (article 61 alinéa 3 de la Constitution). Le Conseil constitutionnel doit alors se prononcer dans les huit jours de la saisine. Une fois les mesures contraires à la constitution révoquées, la loi peut être promulguée par le chef de l'État.