The Apprentice : le film sur Donald Trump est-il fidèle à la réalité ? A un mois de l'élection présidentielle américaine, le cinéaste Ali Abbasi peint un portrait corrosif de l'ascension de Donald Trump, incarné par Sebastian Stan. Mais tout est-il vrai dans le film ? Décryptage.

A  seulement un mois de l'élection présidentielle américaine, un film s'interroge : comment Donald Trump est devenu l'homme que l'on connaît aujourd'hui ? C'est tout le propos de The Apprentice, qui sort dans les salles françaises ce mercredi 9 octobre, deux jours avant qu'il n'arrive sur les écrans américains. Réalisé par Ali Abbasi (The Border, Les nuits de Mashhad), ce biopic se focalise sur l'ascension de l'homme d'affaire (Sebastian Stan), qui grâce à l'avocat Roy Cohn (Jeremy Strong) qui lui a enseigné ses méthodes controversées dans les années 1970 et 1980, est devenu le magnat des affaires qui n'hésite pas à tordre la vérité dans son intérêt, tel qu'on peut le connaître aujourd'hui.

Pour écrire le scénario de The Apprentice, le journaliste Gabriel Sherman a lu des biographies des deux protagonistes, a décortiqué les images d'archives, et a également interviewé d'anciens proches de Donald Trump ou d'anciens collègues de Roy Cohn. Pour autant, lors de sa projection au Festival de Cannes en mai dernier, les équipes de Donald Trump s'insurgent contre certaines scènes et crient à la diffamation. Ali Abbasi lui-même assure qu'il ne s'agit pas d'un biopic dans le dossier de presse, assurant qu'il ne se focalisait que sur un événement précis de sa vie. Revenons dans le détail sur le propos du film, sa fidélité à la réalité historique, et notamment sur ces scènes qui sont particulièrement controversée. Attention, la suite de cet article peut contenir des spoilers sur le film.

The Apprentice est-il fidèle à la réalité ?

Quelle était la relation entre Donald Trump et Roy Cohn ?

The Apprentice se focalise entièrement sur la relation entre Donald Trump et Roy Cohn, pour montrer comment ce dernier a forgé le premier en lui inculquant ses méthodes (attaquer, ne rien reconnaître et revendiquer la victoire quoi qu'il arrive) pour en faire le personnage que l'on connaît aujourd'hui.... Jusqu'à ce que l'élève dépasse le maître.

Associé de McCarthy dans "la chasse aux sorcières" dans les années 1950, décrié pour ses méthodes (et ses liens avec la mafia) à tel point qu'il était surnommé "l'avocat du diable", Roy Cohn a en effet représenté Donald Trump et son père devant les tribunaux, dans les années 1970. Ils se rencontrent dans un club privé de New York en 1973, alors que le jeune Trump cherche un avocat : l'entreprise de son père était accusée de discrimination envers les minorités. "Si vous avez besoin de quelqu'un qui peut devenir vicieux contre vos opposants, vous faites appel à Roy", a déclaré Trump en 1979 dans une interview à Newsweek

Publiquement, Roy Cohn condamnait l'homosexualité, alors qu'il avait lui-même des relations avec des hommes. Il meurt du sida en 1986, alors qu'il a affirmé jusqu'au bout souffrir d'un cancer du foie. "Quand Donald a appris que Roy était malade, il l'a laissé tomber comme une vieille chaussette", a raconté auprès de Vanity Fair la secrétaire personnelle de l'avocat, Susan Bell. Donald Trump a démenti cette accusation.

Donald Trump a-t-il violé sa première épouse ?

C'est l'une des scènes les plus choquantes et controversée de The Apprentice, et les équipes de Donald Trump se sont rapidement insurgés pour la démentir : après qu'elle l'ait insulté sur son physique, Donald Trump apparaît forçant sa femme Ivana (Maria Baklova) à avoir un rapport sexuel contre son gré et malgré ses nombreuses protestations. Une scène choquante pour ce qu'elle représente mais qui résonne également lorsque l'on sait qu'au moins 26 femmes ont accusé Donald Trump de viol, agressions sexuelles ou harcèlement sexuel depuis les années 1970. Des accusations qui, on le rappelle, ont toujours été démenties par l'ex-président américain.

Si on ne sait évidemment pas si cette agression a bel et bien eu lieu, la scène de The Apprentice fait référence à une déposition d'Ivana Trump faite en 1990, au cours de son divorce avec le futur président américain. Elle y décrit une agression similaire, qui se serait produite peu de temps après que Donald Trump ait fait une opération de réduction du cuir chevelu (dans le film, cela se produit avant). Alors qu'elle décrit cet événement comme un viol, elle rétropédale 3 ans plus tard, assurant qu'elle "s'est sentie violée en tant que femme. J'ai qualifié cet événement de viol, mais je ne veux pas que mes mots soient interprétés dans leur sens littéral ou criminel". De son côté, au cours de la procédure de divorce, Donald Trump a assuré que cet incident rapporté par son épouse était "évidemment faux".

Après leur divorce en 1990, Donald Trump a eu deux autres épouses : Marla Maples, de 1993 à 1999, et Melania Trump, qu'il a épousé en 2005. Ivana Trump est décédée en 2022, après une chute d'escaliers dans sa résidence de Manhattan

Donald Trump a-t-il fait des opérations de chirurgie esthétique ?

Dans The Apprentice, on peut voir Donald Trump faire des opérations de chirurgie esthétique, notamment une liposuccion et une opération de réduction du cuir chevelu. Dans la réalité, cette dernière a été mentionnée par Ivana Trump dans sa déposition dans le cadre de son divorce, en 1990. Elle a également dit qu'il a fait de la liposuccion au niveau du menton et des hanches. En revanche, ces opérations n'ont jamais été adressées publiquement par le principal intéressé et ont uniquement fait l'objet de spéculations.

Faut-il voir The Apprentice ? Notre critique

Magnat des affaires, président américain, figure controversée, personnalité fantasmagorique... Donald Trump semble rassembler plusieurs personnages en un homme, et tous ont profondément bouleversé l'histoire américaine de la dernière décennie. Il fallait donc un angle bien précis pour le capter au cinéma, et Ali Abbasi a fait un choix malin : raconter son ascension et sa transformation à travers sa relation avec l'avocat amoral et controversé Roy Cohn. Non pas pour dédouaner Trump (le portrait est assassin à mesure qu'il progresse), mais pour montrer que l'élève ambitieux mais maladroit, timide et presque touchant, a brillamment dépassé le maître en devenant un milliardaire monstrueux, produit de son époque et d'un système américain.

C'est presque un Frankenstein moderne qu'offre le cinéaste dano-iranien, puisque dans l'histoire de Trump comme dans celle de Mary Shelley, la créature échappe au créateur. Alors qu'il aurait été facile de faire un film à charge et d'attaquer, attaquer, attaquer le président américain, Ali Abbasi fait le contraire : il montre, sans asséner mais de manière implacable comme le jeune Donald devient le terrifiant Trump, un arriviste qui humilie et trahit à mesure qu'il monte, qu'il monte, aussi haut que la Trump Tower qui sert de file rouge à l'intrigue. 

Pour dénoncer sans marteler, il fallait des acteurs capables de se mouvoir dans leurs personnages sans tomber dans la caricature. Dans le rôle de "l'Apprenti", Sebastian Stan disparaît derrière le personnage, le transforme petit à petit, mais ne tombe pas dans les moqueries du Saturday Night Live, ce qui le rend encore plus terrifiant dans les scènes finales, qui préfigurent le personnage que l'on connaît aujourd'hui. Face à lui, Jeremy Strong est impérial et magnétique et lui vole presque la vedette. Alors oui, l'équipe de campagne de Donald Trump a de quoi s'inquiéter de la sortie d'un tel film à un mois de l'élection présidentielle américaine.

Synopsis - Zoom sur l'ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l'avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.