Mort d'Yvan Colonna : la prison d'Arles mise en cause, qui est responsable de l'agression ?
COLONNA. Un agent et l'ex-directrice de la prison d'Arles sont accusés de "manquements" et tenus en partie responsables de l'agression mortelle d'Yvan Colonna survenue en mars 2022 selon un rapport de l'inspection générale de la Justice.
[Mis à jour le 29 juillet 2022 à 14h08] A qui revient revient la responsabilité de l'agression d'Yvan Colonna détenu à la prison d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône, en mars dernier ? En partie au centre pénitentiaire selon le rapport de l'Inspection générale de la Justice (IGJ) publié hier. L'attaque mortelle de l'indépendantiste corse a suscité l'émoi et la colère sur l'île de beauté, où ils sont nombreux y compris parmi les élus à chercher un coupable. Un agent de surveillance et l'ancienne directrice de la prison sont accusés de "manquements" selon le rapport et vont faire l'objet de "procédures disciplinaires" sur la décision de la Première ministre.
Dans l'agression d'Yvan Colonna, l'IGJ note d'abord "net défaut de vigilance" de la part du surveillant qui était chargé de veiller sur l'aile du bâtiment où s'est déroulé l'attaque. L'agent serait "resté, sans aucun motif, éloigné du couloir menant au lieu des faits", détaille le rapport qui dénonce une "routine conjuguée à une proximité avec les protagonistes" altérant la qualité de son travail et donc de sa surveillance des détenus. Le rapport s'attaque aussi à la "mauvaise exploitation des images des caméras de vidéosurveillance" en plus de leur utilisation "parcellaire" qui n'ont pas permis d'intervenir à temps. "L'agent [...] n'a pas disposé des images qui lui auraient permis de donner l'alerte dès le début de l'agression d'Yvan Colonna", insiste le document.
Le surveillant n'est pas le seul mis en cause car le rapport de l'IGJ reproche à Corinne Puglierini, directrice de la prison jusqu'à 10 jours avant l'attaque, "une insuffisance du management" et la présence de l'agresseur d'Yvan Colonna, Franck Elong Abé, en "détention ordinaire" alors que l'individu notamment inculpé pour "association de malfaiteurs terroristes" aurait dû, selon les inspecteurs, se trouver dans un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER). Le 30 mars, soit trois semaines après l'agression, Corinne Puglierini s'était défendue devant la commission des lois expliquant que le prisonnier n'était pas "en capacité de participer à cette évaluation" et du fait ne pouvait pas être placé au QER. La cheffe d'établissement avait également mentionné une évolution positive du comportement du détenu qui avait permis à Franck Elong Abé d'obtenir un poste d'"auxiliaire" pour faire le ménage dans les salles de sport de la prison.
Des "procédures judiciaires" prises après l'agression d'Yvan Colonna
Dès sa publication le 28 juillet 2022, le rapport sur l'agression de l'indépendantiste corse Yvan Colonna a été remis à Matignon. La Première ministre a, après la lecture du document, annoncé le déclenchement de "procédures disciplinaires" à l'encontre de l'agent de surveillance et de l'ex-directrice de la prison, responsables des "défauts de vigilance active". Selon le communiqué, la cheffe du gouvernement a aussi "décidé de suivre l'intégralité des recommandations". Au total, le rapport de l'IGP en précise douze dont la moitié vise à "renforcer […] la surveillance des salles d'activités" de la prison et à améliorer le dispositif de vidéosurveillance. Une autre recommandation retient l'attention, celle qui suggère la tenue d'une "mission d'inspection sur l'évaluation des quartiers d'évaluation et de prise en charge de la radicalisation", un dispositif vieux de cinq and sur lequel "il apparaît nécessaire de dresser un bilan". Elisabeth Borne a également tenu l'engagement pris en annonçant la publication du rapport de l'IGJ dans une version anonymisée pour ne pas exposer les personnes concernées.
Si c'est à la Première ministre Elisabeth Borne qu'il revient de prendre ces décisions c'est d'une part par l'importance et la sensibilité de l'affaire mais aussi et surtout parce que le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, était à l'époque du procès sur le meurtre du préfet Erignac l'avocat d'Yvan Colonna. Le garde des Sceaux doit donc, pour éviter le conflit d'intérêt, se tenir à l'écart de ce qui concerne l'affaire de l'agression d'Yvan Colonna.
L'Etat en partie responsable de la mort d'Yvan Colonna ?
Le rapport de l'Inspection générale de la Justice est censé apporter des réponses et faire la lumière sur les conditions qui ont rendu possible l'agression d'Yvan Colonna en prison. Il pointe les fautes d'un agent pénitentiaire, du dispositif de surveillance et même de la gestion des détenus par l'ancienne directrice de la prison. Mais la publication du rapport ne satisfait qu'à moitié les avocats d'Yvan Colonna qui dénoncent toujours le rôle de l'Etat dans l'agression mortelle du détenu corse. C'est une nouvelle fois le refus de l'Etat de transférer l'indépendantiste et assassin du préfet Erignac dans la prison corse de Borgo qui est critiqué. "Les responsabilités individuelles des surveillants ne sauraient masquer celle, fondamentale, du pouvoir politique qui a délibérément empêché Yvan Colonna de purger sa peine près de chez lui, en violation des règles pénitentiaires, par vengeance d'État", déclarait jeudi 27 juillet Emmanuel Mercinier-Pantalacci, l'un des avocats d'Yvan Colonna.
Les avocats ne sont pas les seuls à se montrer insatisfaits. Le président du conseil exécutif corse, Gille Simeoni, a indiqué ce vendredi 29 juillet devant l'Assemblée corse que les annonces de la Première ministre et les conclusions du rapport "ne peuvent suffire à combler notre quête, notre exigence de vérité et de justice". Il a assuré que cet "assassinat est un fait politique et pas un fait divers" affirmant que "tous les éléments n'ont pas été fournis". Jeudi 28 juillet, le député nationaliste de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva a de son côté annoncé l'ouverture prochaine d'une "commission d'enquête" parlementaire pour "faire la lumière sur les dysfonctionnements" ayant mené à la mort d'Yvan Colonna.
Yvan Colonna violemment agressé en prison
Mercredi 3 mars, dans la matinée, Yvan Colonna, emprisonné à Arles depuis 2013, a été violemment agressé par un autre détenu. C'est au cours d'une séance sportive, dans la salle de musculation du centre pénitentiaire avance Le Figaro, qu'Yvan Colonna a été pris à partie et étranglé par un homme, pour des raisons qui n'ont pas encore été déterminées. Le Corse était seul dans la pièce, en train d'effectuer une séance d'exercices physiques, lorsqu'un autre détenu pénètre dans la pièce pour y faire le ménage, selon le récit du Monde. Le sexagénaire a, semble-t-il, été étranglé et étouffé avec un sac plastique après s'être fait piétiné et tabassé par ce co-détenu. Il a rapidement été transféré en urgence à l'hôpital d'Arles en fin de matinée, admis en réanimation et placé sous respirateur. Son pronostic vital était par ailleurs engagé dès son arrivée au centre hospitalier. Il a ensuite été transféré du côté de Marseille.
Qui est l'agresseur d'Yvan Colonna ?
Selon plusieurs médias, Yvan Colonna a été attaqué par Franck Elong-Abé, un détenu de nationalité camerounaise, condamné pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et ancien djihadiste en Afghanistan. France 3 Corse précise qu'il s'agit d'un homme de 36 ans, connu pour radicalisation islamiste. Avant d'être incarcéré à Arles, Franck Elong-Abé l'était à Condé-sur-Sarthe (Orne), dans une prison où il a été condamné à de multiples reprises pour plusieurs incidents, dont une prise d'otage en 2019 et une mise à feu de sa cellule.
Yvan Colonna condamné pour l'assassinat du préfet Claude Erignac
Le 6 février 1998, le préfet de Claude Erignac est abattu de trois balles de calibre 9mm dans le dos, tirées par un homme depuis un pistolet volé à des gendarmes quelques mois plus tôt. Dénoncé par les personnes avec qui il avait co-organisé son entreprise meurtrière, Yvan Colonna prend la fuite et est en cavale jusqu'au 4 juillet 2003, date à laquelle il est arrêté. Après un procès en première instance, un appel et un pourvoi en cassation, Yvan Colonna est définitivement condamné pour "assassinat en relation avec une entreprise terroriste". Il a toujours réfuté les accusations prononcées à son encontre.