Brésil : Jair Bolsonaro responsable des assauts du Congrès et du palais présidentiel ?
Ce sont des assauts que le Brésil redoutait depuis l'élection de Luiz Inacio Lua da Silva en tant que président. Il a fallu attendre le 8 janvier 2023, une semaine après l'investiture officielle du chef d'Etat et deux mois après sa victoire dans les urnes, pour que les opposants contestent le pouvoir. Des centaines de militants pro-Bolsonaro se sont introduits de force dans le palais présidentiel du Planalto, au Congrès qui regroupe le Sénat et la Chambre des députés, et la Cour suprême fédérale, à Brasilia. Après avoir défait sans difficulté les barrières de sécurité, pendant quatre heures les militants ont saccagé les trois lieux de pouvoir de la capitale brésilienne pour faire entendre leur opposition à la politique de Lula.
Le calme est de retour dans la capitale brésilienne ce lundi 9 janvier et le président Lula qui est rentré en urgence de son déplacement à Sao Paulo a assuré reprendre le travail au lendemain des émeutes. En défenseur de la démocratie, le politique de gauche a également assuré sur Twitter que "les putschistes qui ont promu la destruction des propriétés publiques à Brasilia sont en train d'être identifiés et seront punis" de même que "ceux qui ont financé ces manifestations". Si le chef d'Etat juge avec fermeté les "vandales, fascistes fanatiques" qui ont mené les tentatives d'invasion dans les institutions politiques et juridiques, il tient aussi son prédécesseur responsable de ces assauts "sans précédent dans l'histoire du Brésil". Des accusations niées par l'ancien président brésilien malgré ses nombreux discours remettant en cause la victoire de Lula à la présidentielle. Des discours auxquels s'ajoute l'absence de reconnaissance par l'homme d'extrême droite de sa défaite face à Lula le 31 octobre dernier.
URGENTE: Invasores quebram vidraças da chapelaria do Congresso e invadem a Câmara dos Deputados. Extremistas já estão no Salão Verde e nos anexos do prédio. Também houve invasão ao Palácio do Planalto. Presidente Lula não está no local. pic.twitter.com/lP91pLqTuf
— Renato Souza (@reporterenato) January 8, 2023
Si Jair Bolsonaro a pu influé la tenue des assauts dans les lieux de pouvoir les plus importants du Brésil, une enquête est en cours pour trouver les responsables de ces invasions que certains considèrent comme des tentatives de coup d'Etat. En parallèle de l'enquête, le présidence a chargé l'armée des missions de sécurité dans la capitale et aux abords des institutions attaquées jusqu'au 31 janvier 2023. Car outre la responsabilité de l'ancien président dans ces assauts, la complicité des forces de l'ordre avec les partisans pose question.
Comment les assauts au Brésil ont-il eu lieu ?
Les militants de Jair Bolsonaro campaient depuis plusieurs jours, et certains depuis l'élection de Lula da Silva à la tête du pays, devant les institutions que sont le palais présidentiel, le Congrès et la Cour suprême, plus haute juridiction brésilienne. Dimanche 8 janvier 2023, beaucoup se sont précipités vers les bâtiments brisant facilement les lignes défensives et cordons de sécurité formés par les forces de l'ordre. Des dizaines puis des centaines de personnes habillées de jaune et de vert, les couleurs nationales et symboles du camp bolsonariste, ou portant le drapeau du Brésil ont réussi à accéder aux édifices. Pénétrant les locaux par les fenêtres brisées et allant jusque sur le toit du Congrès, les militants ont saccagé les lieux en signe de protestation contre la politique de Lula da Silva.
Alors que les forces de l'ordre fédérale sont été dépassées et repoussées par les violentes manifestations des émeutiers pro-Bolsonaro, plusieurs membres de la police militaire - laquelle est majoritairement favorable à Jair Bolsonaro - ont été vus sur des vidéos passifs et parfois complices des militants. Devant ces failles sécuritaires, le président brésilien a mobilisé l'armée pour venir à bout des manifestations et déloger les militants. L'armée doit rester dans les rues de Brasilia jusqu'au 31 janvier 2023. Après l'évacuation des militants pro-Bolsonaro, au moins 300 personnes ont été arrêtées le 9 janvier.
O ministro da Secom, Paulo Pimenta, mostrou os estragos dentro do Palácio do Planalto e do seu gabinete após invasão golpista #CNNBrasil360 pic.twitter.com/faPDsbx1LC
— CNN Brasil (@CNNBrasil) January 8, 2023
Policiais militares do DF tiram foto e batem papo com manifestantes enquanto vândalos invadem Congresso Nacional. Reparem a conversa sobre invadir o #STF #brasilia pic.twitter.com/33HNDKN8yo
— Ana Flor (@Ana_Flor) January 8, 2023
Un putsch derrière les assauts au Brésil ?
Le caractère putschiste des assauts au palais présidentiel, au Congrès et à la Cour suprême ne fait pas de doute aux yeux des spécialistes comme l'historienne Armelle Enders et le sociologue Erwann Lecoeur, invités au micro de Franceinfo le 9 janvier. Les journalistes sur place ont expliqué que sur les réseaux sociaux les informations relatives aux tentatives d'invasion des lieux de pouvoir circulaient dans les boucles bolsonaristes notamment pour coordonner les assauts sur les trois lieux de pouvoir visés. Surtout, c'est le comportement de certains élus bolsonaristes - le gouverneur de Brasilia Ibaneis Rocha et le secrétaire d'Etat du Service public Anderson Torres - et de Jair Bolsonaro lui-même, qui poussent les experts à voir une tentative de coup d'Etat. Depuis le 31 décembre, veille de la prise de fonction de Lula, Jair Bolsonaro s'est réfugié dans son domicile de Miami aux Etats-Unis. Ce déplacement est vu comme un signe annonciateur d'une insurrection et une mise à l'abri de l'homme d'extrême droite avant les tentatives de putsch. L'homme est aussi accusé d'avoir tout au long de la campagne et depuis sa défaite face à Lula encouragé les impulsions putschistes de ses militants. Des accusations qu'il juge "sans preuve" et dément fermement.
Policiais militares do DF tiram foto e batem papo com manifestantes enquanto vândalos invadem Congresso Nacional. Reparem a conversa sobre invadir o #STF #brasilia pic.twitter.com/33HNDKN8yo
— Ana Flor (@Ana_Flor) January 8, 2023
Jair Bolsonaro est-il responsable des assauts au Brésil ?
La réaction de Jair Bolsonaro était très attendue pendant et après les assauts menés au Brésil. L'homme politique a tout de même mis six heures avant de s'exprimer sur les violentes émeutes pour les condamner mais sans fermeté. L'ancien chef de l'Etat a simplement rappelé sur Twitter que "les déprédations et les invasions de bâtiments publics telles qu'elles se sont produites" n'entrent pas dans le cadre de la démocratie. Surtout, il a nié toute responsabilité dans l'organisation des assauts en réponse aux accusations de Lula.
Mais le rôle de Jair Bolsonaro pose question dans ces invasions qui ne sont pas sans rappeler l'assaut du Capitole survenu aux Etats-Unis exactement deux ans plus tôt, après la défaite de Donald Trump à la présidentielle 2020. Un détail qui interroge d'autant plus au vu de la proximité entre les deux politiques d'extrême droite. Jair Bolsonaro s'est d'ailleurs installé en Floride, bastion de la famille Trump. Fait auquel il faut ajouter les informations du Monde qui rapporte les liens politiques entre les deux camps. L'ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, aurait notamment encouragé Jair Bolsonaro à ne pas reconnaître les résultats de l'élection présidentielle en novembre d'après le journal. Lequel précise qu'après la défaite de son père dans les urnes, Eduardo Bolsonaro s'était entretenu avec le milliardaire américain.
Qui des élus proches de Jair Bolsonaro après les assauts au Brésil ?
Si l'ancien président est jugé responsable, le gouverneur de Brasilia et allié de Jair Boslonaro Ibaneis Rocha a été suspendu de ses fonctions pour 90 jours à causes des failles sécuritaires. Pourtant l'élu avait présenté ses excuses à Lula pendant le mouvement d'insurrection se désolidarisant du camp bolsonariste comme d'autres politiques proches de l'ex chef d'Etat. "On surveillait avec le ministre (de la Justice, ndlr) Flavio Dino tous ces mouvements (...) À aucun moment on a pensé que ces manifestations prendraient de telles proportions", a indiqué Ibaneis Rocha rapporte l'AFP. Avant d'être démis de ses fonctions, l'élu a d'ailleurs limogé le chef de file de la police fédérale Anderson Torres. Certains membres des forces de l'ordre fédérales ont été accusés de complicité avec les manifestants pro-Bolsonaro.