Emilia Pérez : une course aux récompenses stoppée par plusieurs controverses D'abord favori des Oscars et largement nommé aux César, le film de Jacques Audiard fait les frais de plusieurs polémiques ces dernières semaines.

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16/9 | Interdit aux moins de 10 ans
Canal+ Cinéma(s) Vendredi 11 avril à 17h01
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De favori à paria, il n'y a qu'un pas. C'est le revers qu'a rencontré Emilia Pérez en quelques semaines à peine. Grand favori des Oscars (13 nominations) et des César (12 nominations) en janvier après avoir remporté deux prix à Cannes et plusieurs Golden Globes, le film de Jacques Audiard a perdu de sa superbe en quelques semaines à peine. En cause : plusieurs polémiques qui ont mis du plomb dans l'aile à la campagne de la comédie musicale en langue espagnole. Depuis, Emilia Pérez n'a plus remporté autant de prix qu'aux Golden Globes. Seule Zoe Saldaña a continué à être récompensée pour sa prestation dans le film.

C'est d'abord l'exhumation de tweets racistes écrits par l'actrice principale Karla Sofía Gascón qui a profondément enlisée la réputation du film. L'actrice transgenre y qualifie l'islam de "foyer d'infection pour l'humanité" ; se moque du mouvement anti-raciste qui a émergé aux Etats-Unis après la mort de George Floyd (un homme afro-américain tué par la police en 2020), qu'elle a décrit comme un "escroc accro à la drogue" ; ou encore critique la diversité aux Oscars (à propos de la cérémonie de 2021 : "Je ne sais pas si j'ai vu un festival afro-coréen, une manifestation de Black Lives Matter, ou une parade du 8 mars"). L'actrice s'est défendue d'être raciste dans une interview à CNN et refuse de se retirer de la course aux Oscars, assurant n'avoir commis "aucun crime". 

La question est désormais de savoir si la controverse dans laquelle est embourbée Karla Sofía Gascón aura un impact direct sur les chances du film aux Oscars. Netflix, distributeur du film aux Etats-Unis, a retiré la comédienne de toutes ses campagnes et images de promotion, rapportent les médias américains comme The Hollywood Reporter. Selon Variety, la plateforme de streaming refuse de couvrir les dépenses de l'actrice liées aux cérémonies de remise de prix, comme c'est traditionnellement le cas. Karla Sofía Gascón a toutefois fait savoir qu'elle sera bien présente aux Oscars.

Jacques Audiard, réalisateur de la comédie musicale, a désavoué publiquement son actrice. Le cinéaste français a fait savoir qu'il n'avait pas parlé à sa comédienne depuis que ses tweets controversés ont été déterrés, et il "n'a pas envie de le faire" : "Je ne vais pas la contacter parce que, pour le moment, elle a besoin de temps pour réfléchir et pour assumer la responsabilité de ses actes", a-t-il déclaré auprès du média spécialisé Deadline, le 5 février 2025. Il a condamné des "propos inexcusables", "absolument détestables et qui méritent d'être détestés". Il dit également penser "à la façon dont elle blesse les autres, à la façon dont elle blesse l'équipe et tous ces gens qui ont travaillé si dur sur ce film. Je pense à moi, je pense à Zoe (Saldana) et à Selena (Gomez) Je ne comprends pas pourquoi elle continue à nous faire du mal".

Le film Emilia Pérez était déjà très critiqué

Cette réaction a été accueillie en demi-teinte à l'international. En cause : une interview auprès de Konbini publiée en août dernier, dans laquelle le réalisateur qualifiait la langue espagnole de "langue des pays émergents, des pays modestes, des pauvres et des migrants". Il a clarifié ses propos dans cette même interview donnée à Deadline. Le réalisateur a tenu à rappeler qu'il a déjà fait des films en langue étrangère (en tamoul et en anglais) avant de louer la culture hispanophone : "L'espagnol est une langue riche qui dépasse les frontières. Ce que j'ai dit par le passé est totalement le contraire de ce que je pense."

Avant la controverse, Emilia Pérez était déjà largement critiqué par les communautés représentées dans le long-métrage, à savoir la communauté transgenre et mexicaine. Sur Rotten Tomatoes, le long-métrage décroche la note affligeante de 18% d'avis positifs, contre 73% de la part de la presse.

La communauté LGBT+ a déploré une image caricaturale véhiculée par la comédie musicale de Jacques Audiard. L'association américaine GLAAD dénonce d'abord un "portrait rétrograde de la femme trans". Ce qui est reproché au film, notamment, c'est que la transition de sa protagoniste implique une transformation morale totale de son personnage : "La transition de genre n'est pas une décision morale, et le fait de transitionner ne peut à lui seul vous absoudre de votre passé", écrit la journaliste trans Amelia Hansford sur le site PinkNews. "Ce n'est ni une mort, ni une renaissance".

Par ailleurs, au Mexique, on reproche à Emilia Pérez d'instrumentaliser de véritables drames qui frappent le pays, tout en proposant une vision "inauthentique" du pays. Le critique mexicain Gaby Meza déplore auprès de la BBC que la comédie musicale "exploite à des fins de divertissement la tragédie que vit le Mexique avec le trafic de drogue et les disparitions dans ce contexte de violence". Le long-métrage a effectivement été tourné en région parisienne et sans que  presque personne dans l'équipe ou presque ne soit d'origine mexicaine.

Et Jacques Audiard lui-même a admis en interview qu'il "n'a pas étudié [le Mexique tant que ça. Ce que j'avais à comprendre, je le savais déjà un peu". Auprès de Deadline, le réalisateur s'est défendu en assurant que la raison pour laquelle ils n'avaient pas tourné au Mexique relevait de motifs financiers. Quant au propos du film, il assure que ce qui l'intéressait réellement, c'était de réaliser "un opéra, ce qui demande une forte stylisation". Il assure n'avoir "jamais revendiqué vouloir faire quelque chose de réaliste ou de documenté. C'est un opéra, pas une critique du Mexique".

Synopsis - Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d'avocate au service d'un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu'à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s'ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu'il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu'il a toujours rêvé d'être.