"La France en décrochage avancé" dans ce secteur décisif, un ministre alerte

"La France en décrochage avancé" dans ce secteur décisif, un ministre alerte Un ministre regrette le sous-investissement de la France dans un secteur pourtant stratégique, dans lequel le pays était une référence il y a quelques décennies.

Auditionné la semaine dernière au Sénat, Philippe Baptiste, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a détaillé sa "feuille de route" en matière de recherche, technologie et innovation. Des "éléments essentiels pour la croissance et la compétitivité de notre économie" d'après Dominique Estrosi Sassone, qui préside cette audition filmée et diffusée en direct sur le site du Sénat et dont le compte-rendu est disponible en ligne

Ancien président du Centre national d'études spatiales (Cnes) de 2021 à décembre 2024, le ministre a lancé un signal d'alarme sur le secteur spatial : "Nous sommes en position de décrochage avancé sur la question du spatial sur le plan budgétaire." a-t-il affirmé, comme le rapporte La Tribune. Un avertissement fort alors que 2025 constitue "une année charnière."

Sous le gouvernement Borne, un "réel effort" a été consenti avec un investissement de 9 milliards d'euros sur 2023-2025, soit trois milliards par an. "Cela peut sembler important", a admis le ministre, mais reste dérisoire face aux 70 milliards de dollars investis chaque année par les États-Unis, ou aux 15 milliards pour l'ensemble de l'Europe. 2025 constitue "un moment déterminant, et ce à double titre" d'après lui. D'un côté, l'UE a commencé à préparer son budget 2028-2034 (14,8 milliards entre 2021-2027). De l'autre, l'Agence spatiale européenne (ESA) s'apprête à fixer, lors de la conférence ministérielle en fin 2025, son enveloppe pour 2026-2028. "Un moment clé", a-t-il jugé.

Mais au delà du budget, Philippe Baptiste pointe "une difficulté structurelle" : la fragmentation du pilotage spatial. L'Union européenne définit les grands programmes, l'Agence spatiale européenne les mènent. Une dispersion qui "nuit gravement à l'efficacité de notre politique spatiale" puisque "la coordination reste difficile" entre les deux établissement. Elle est néanmoins "perfectible" selon lui, ajoutant qu'il y a "un vrai travail à mener" sur ce sujet.

Il "faut surmonter" les tensions croissantes

Autre obstacle : les rivalités entre les pays européens. "Notre capacité aujourd'hui à agir en européens est également obérée par des dissensions stratégiques internes au sein de l'Union, en particulier avec nos grands partenaires, qui n'ont pas exactement la même vision que nous sur l'industrie spatiale européenne, sur les priorités et sur la manière dont on doit coopérer dans le spatial", a martelé l'ancien président du Cnes. L'arrivée d'un nouveau gouvernement en Allemagne peut toutefois constituer "une ouverture" pour "reconstruire une Europe du spatial".

Le ministre souhaiterai "resserrer les liens entre la France et l'Allemagne et aussi l'Italie si c'est possible" tout en restant lucide : il serait "naïf de sous-estimer les tensions existantes" entre États membres et entre industriels, qui "faut impérativement surmonter". "Il s'agit donc de revitaliser la voie européenne sans pour autant s'y enfermer", a-t-il affirmé. Si cela s'avérait impossible, "il faudra se tourner vers d'autres alliées", avec qui ils ont des coopérations "très fortes", notamment les États-Unis, le Japon, l'Inde, aujourd'hui "un partenaire stratégique majeur", et les Émirats arabes unis.

Autre source d'inquiétude pour le ministre : l'instabilité des coopérations avec les États-Unis. "Nous faisons face à une difficulté sans précédent : des pans entiers de programmes scientifiques, y compris spatiaux, sont arrêtés de manière brutale." Il a cité le programme Space Launch System (SLS), un lanceur lunaire sur lequel la France était associé. Mais le plus préoccupant, selon lui, concerne "l'observation de la Terre", domaine "absolument crucial pour la compréhension du climat". Le GIEC dépend à 60% de données spatiales.