Mariage homo : un papa et une maman pour être heureux, vrai ou faux ?
Pour la majorité des défenseurs du mariage et de l'adoption pour tous, l'essentiel pour les enfants adoptés est qu'ils grandissent dans un milieu aimant, quel que soit le sexe de leurs parents. Pour une partie des opposants au projet de loi actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, les enfants ont besoin d'un père et d'une mère pour se construire dans de bonnes conditions. Ce point particulier est une fracture prononcée entre les deux camps, particulièrement visible dans les slogans utilisés lors des manifestations pro et anti-mariage gay. Un point qui divise également les pro et anti-PMA (procréation médicalement assistée) pour les couples homosexuels.
Que pensent les experts de l'enfance de la construction familiale père-mère-enfant ? Est-ce forcément le meilleur modèle possible ? Les couples de même sexe, les parents célibataires, les familles recomposées font-elles forcément moins bien que ce modèle traditionnel ? Pour Christian Flavigny, psychanalyste et pédopsychiatre qui a signé une tribune dans Le Monde en novembre dernier, l'adoption du projet de loi, entrainerait des situations où l'enfant pourrait mal vivre le fait d'être privé d'un père et d'une mère. "L'enfant délaissé par son père éprouve déjà une déception intense qu'il tend à attribuer à quelque défaut de sa part ; l'épreuve de l'enfant qui n'a jamais eu père et mère est d'une intensité bien plus vive, à la limite de l'inexprimable".
Plus loin, celui qui est directeur du département de psychanalyse de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital de la Salpêtrière, va jusqu'à dénoncer une "figure factice" pour le co-parent. Si le conjoint du parent était présenté comme un deuxième parent à l'enfant, cela "comporterait une confusion nuisible à l'équilibre de toutes les familles. Il amènerait à faire disparaître les père et mère du fondement de la vie familiale, l'état civil les remplaçant par les notions indifférenciées de "parents" déclinées en 1 et 2 ou A et B. Cette indifférenciation dissipe le principe fondateur de la vie familiale : l'interdit de l'inceste. Le père, c'est la figure qui intime au garçon l'interdit de ses voeux incestueux à l'égard de la mère. Il ne peut jouer ce rôle que d'avoir été le fils de son père et d'avoir porté l'enfantement dans son union avec la mère, conditionnée par son lien marital qui a célébré son propre renoncement à ses voeux incestueux de jadis à l'endroit de sa mère."
Mais tous les psychanalystes ne partagent pas le même avis. Pour la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, interrogée par L'Humanité, "le modèle familial père, mère, enfant, le modèle PME, est bien une construction culturelle". Celle qui accompagne parents hétéros et parents homos dans l'adoption ou la PMA, s'appuie sur l'anthropologie pour étayer ses propos. "Des anthropologues comme Françoise Héritier confirment qu'il s'agit de quelque chose de culturel, qui n'est pas un modèle général dans toutes les cultures et dans tous les temps. Mais ce qui fait famille, c'est l'arrivée d'un enfant." Tandis que des opposants pointent des familles "contre-nature", un père et une mère étant une "structure naturelle", la sociologue Dominique Mehl, qui œuvre au CNRS, défend une position claire : "Toute la médecine est contre-nature : elle empêche les microbes, les épidémies."
Comme dans les rangs des anti et pro-projet de loi, les experts apparaissent divisés.
EN VIDEO – Selon Jean-Marc Ayrault, une large majorité devrait se dégager sur le projet de loi sur le mariage pour tous.