"Dans ma peau" : les secrets de notre plus vaste organe
Territoire très disputé, ivre de sang à ses heures, capable d'entendre ou encore plus grand producteur d'hormones du corps... Notre peau ne chôme pas ! Ce plus vaste de nos organes, près de deux mètres carrés au total, joue un rôle combiné d'antenne et de barrière face au monde extérieur. Nous avons tous une peau mais connaissons mal son fonctionnement. Avec l'ouvrage "Dans ma peau - Une enveloppe moins superficielle qu'elle n'en a l'air", la dermatologue, phlébologue et nutritionniste Yael Adler propose de lever le voile sur les secrets cutanés. Découvrez notre sélection en cliquant sur l'image ci-dessous :
"Dans ma peau" est le premier ouvrage traduit de la dermatologue berlinoise Yael Adler. Interview traduite.
Linternaute.com : Vous cumulez plusieurs casquettes (dermatologue, phlébologue, nutritionniste). Comment cela affecte-t-il la façon dont vous voyez la peau ?
Yael Adler : La peau est un organe de réseau. Il est lié à tout ce qui se trouve en nous et autour de nous. Aux organes, au sang et à ses nutriments, à la flore bactérienne dans l'intestin, aux nerfs, aux hormones et, bien sûr, à notre environnement. Si nous mangeons sainement et fournissons les micronutriments nécessaires à notre organisme à travers notre régime alimentaire, la peau est elle-même plus saine et le métabolisme peut fonctionner harmonieusement. Les micronutriments sont comme des engrenages qui s'accrochent et tournent les uns dans les autres. Si l'un d'entre eux est rouillé ou manquant, les autres engrenages ne peuvent pas tourner. Les maladies de la peau telles que le psoriasis, l'eczéma atopique, les infections cutanées, l'acné et diverses irritations cutanées peuvent être fortement influencées par le régime alimentaire.
Je traite les maladies de la peau non seulement de l'extérieur et de l'intérieur, mais aussi de façon globale
Par ailleurs, une flore intestinale saine, qui peut être influencée favorablement par les fibres alimentaires et les prébiotiques [des nutriments présents dans l'ail, les asperges, les artichauts, les oignons, les bananes, le seigle et le blé selon l'agence Science-presse], aide à lutter contre la rosacée, les allergies et l'eczéma. Je traite les maladies de la peau non seulement de l'extérieur, avec des crèmes et des onguents, ou de l'intérieur avec des comprimés ou des seringues, mais aussi de façon globale, en prenant en compte la flore intestinale et les micronutriments, sur la base des connaissances scientifiques réelles. La situation hormonale, le mode de vie et la psyché sont également considérés.
Saviez-vous que la capacité à traiter des affections du pied comme la maladie du pied d'athlète [des champignons entre les orteils souvent attrapés dans les vestiaires] et l'infection fongique des ongles, les échardes ou les problèmes de croissance des ongles, ainsi que les problèmes d'eczéma et de cicatrisation des plaies, dépend aussi du fait que les veines des jambes fonctionnent bien et transportent correctement le sang utilisé du pied vers le coeur ? Si les veines sont défectueuses, le sang s'accumule, le fluide est comprimé dans les tissus, le parcours de l'oxygène devient trop long, l'inflammation se propage, le système immunitaire du pied est en danger et les maladies du pied peuvent difficilement être gérées.
Il est donc important de reconnaître les connections, pour traiter de manière holistique.
Linternaute.com : Comment vos patients ou le public de vos conférences voient-ils leur peau ?
Yael Adler : lls sont nombreux à penser qu'on doit faire beaucoup de choses pour la peau. Ils utilisent de nombreux produits et je constate un excès d'hygiène. Mais : pour la peau, moins c'est plus. Elle est capable de se lubrifier toute seule avec du "gras" physiologique auto-fabriqué et des lipides-barrières. La peau peut aussi se protéger elle-même des agents pathogènes grâce à son manteau de protection acide. Trop de crèmes, savons ou désinfectants détruisent les propres mécanismes de protection de la peau et favorisent les maladies de peau. En outre, beaucoup de gens sont mécontents d'eux-mêmes, de leur peau et de leur apparence. Ils pensent qu'ils doivent ressembler à un mannequin sur un magazine, qui a été modifié par Photoshop.
Trop de crèmes, savons ou désinfectants détruisent les propres mécanismes de protection de la peau
J'essaie d'expliquer que nous ne sommes pas des poupées. Que les vergetures, la graisse, la cellulite, les taches, les rides et les cicatrices sont humaines. J'annonce alors ce qu'on peut faire à ce sujet, mais aussi quand des limites de faisabilité existent. L'illusion de la beauté est un phénomène problématique. J'essaie de montrer que nous pouvons également être reconnaissants de ce que la nature nous a fourni.
Linternaute.com : Dans votre livre, vous dites que notre peau peut parfois "entendre". Nous ne savons pas encore tout de la peau, quelle(s) recherche(s) suivez-vous en ce moment ?
Yael Adler : Sur notre peau, il y a des récepteurs d'odeur. Si on les stimule avec un arôme de bois de santal, alors les cellules se divisent et les blessures peuvent se guérir. Il se trouve que l'arôme de santal est libéré en parallèle du musc dans la sueur masculine, lorsqu'on la décompose par bactéries. Donc si vous avez une blessure, vous pouvez faire transpirer un homme et appliquer sa sueur...
Les développements les plus récents disent que la flore bactérienne présente sur la peau n'est alors pas simplement mieux préservée, mais que les bactéries perdues ou manquantes s'y réinstallent également. Les bactéries favorables à la santé nous protègent des agents pathogènes, des mauvaises odeurs, de l'eczéma, des allergies mais aussi sans doute du cancer de la peau, en raison de leur importance pour le système immunitaire de la peau. A l'avenir, les infections ne seront peut-être plus traitées avec des antibiotiques, mais avec de sympathiques souches bactériennes qui chasseront la maladie.
Linternaute.com : Quels sont vos prochains projets ?
Yael Adler : Je voudrais continuer à expliquer les sujets autour de notre corps, les rendre intelligibles, faire le ménage dans les mythes et éliminer les tabous inquiétants. Comme je le fais tous les jours à travers ma pratique et régulièrement à la télévision. Je travaille aussi sur l'écriture d'un autre ouvrage.
Pour découvrir encore plus de choses sur la peau, sans tabous, vous pouvez vous procurer l'ouvrage de Yael Adler, qui signe ici son premier livre traduit en français. La praticienne a travaillé plusieurs années dans la recherche avant l'ouverture de son propre cabinet de dermatologie, en 2007, à Berlin. Désireuse de vulgariser son savoir sur l'élément essentiel de notre corps qu'est la peau, elle donne aussi des conférences. Retrouvez ici l'une d'elles, qui a eu lieu en février 2017.

"Dans ma peau"
Auteur : Yael Adler
Traductrice : Catherine Weinzorn
249 pages
12,99 euros
Solar, 2017
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