"Les envahisseurs" : la vidéo du débat que Marine Le Pen préférerait oublier

"Les envahisseurs" : la vidéo du débat que Marine Le Pen préférerait oublier Alors que le second tour de la présidentielle a lieu dans quelques jours, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les deux finalistes, se préparent pour le débat d'entre-deux-tours du 20 avril au soir. Un débat que la candidate RN a bien préparé, pour ne pas reproduire sa performance bancale de 2017.

C'était un obstacle infranchissable pour Marine Le Pen. Le débat d'entre-deux-tours du 3 mai 2017 qui a opposé la leadeur du RN à Emmanuel Macron a marqué les esprits. La performance de la candidate, en demi-teinte, lui a coûté cher, contribuant à décrédibiliser son projet politique, si ce n'est son parti, au moment du vote du second tour de 2017. Son manque de préparation et sa fébrilité, la candidate les a reconnus à plusieurs reprises, notamment sur le plateau de BFMTV le 22 mars 2022, en pleine campagne. Lorsqu'il lui avait été demandé si elle se sentait prête pour une nouvelle confrontation avec Emmanuel Macron, elle avait reconnu. "Je me suis trompée de stratégie" en 2017. "J'ai beaucoup travaillé les cinq dernières années, je suis prête", avait-elle ajouté. Il faut dire que plusieurs séquences ont étonné les téléspectateurs lors de ce premier débat, à commencer par celle où Marine Le Pen, curieusement, a tenté une référence à un sketch des Inconnus sur les "envahisseurs".

En vidéo : "Les envahisseurs", moment fort du premier débat Macron - Le Pen

Cette fois, la confrontation Macron Le Pen est différente. Après avoir franchi la barre du premier tour en finissant en deuxième position avec 23,15% des voix, Marine Le Pen compte bien déjouer les pronostics et les sondages, qui la donnent pour le moment perdante face au président sortant, avec un duel qui s'annonce cependant bien plus serré. De fait, les intentions de vote pour la représentante du RN tournent cette année autour des 43 à 47%, bien plus que les 33,90% qu'elle avait récoltés au second tour de 2017. Elle est avantagée par ses années de politique, qui la placent en figure populaire en France. Surtout, elle fait face à un candidat LREM en difficulté face à son bilan et aux attaques qui fustigent sa "non-campagne".

Cette image d'une candidate confortée par son expérience et plus mature politiquement, Marine Le Pen l'a souvent revendiquée durant cette campagne 2022. Concourant pour la 3e fois au titre suprême, la leader de l'extrême-droite a cherché à se "dédiaboliser" en modérant ses prises de position et en tenant des propos moins tranchés que ceux de la ligne traditionnelle de son parti. Un exercice de communication qu'elle a maîtrisé tout au long de la campagne, notamment en s'opposant au ministère de la remigration, proposition d'Eric Zemmour, encore plus à l'extrême-droite qu'elle, ou en revenant sur son ambition d'interdire le port du voile (explicitée dans la  loi "visant à combattre les idéologies islamistes" présentée par la députée du Pas-de-Calais en janvier 2021) en se montrant très hésitante sur le sujet, notamment lorsqu'elle a été interrogée sur sa mesure durant un déplacement dans le Calvados à la mi-avril.

Le débat d'entre-deux-tours du 20 avril 2022

Ce débat, Marine Le Pen a tenu à le préparer en toute conscience, s'octroyant même deux jours de pause les 19 et 20 avril, alors même que le second tour a lieu le dimanche 24 avril et que la campagne s'arrête officiellement le vendredi 22 avril au soir. Elle est restée se préparer dans son bureau parisien, avec ses plus proches collaborateurs. A l'extrême-droite, chacun comprend l'enjeu de cette ultime confrontation qui sera probablement suivie par des millions de Français (en 2017, c'était 16 millions de téléspectateurs). Pour la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal, qui a rallié Reconquête!, le parti d'Eric Zemmour, au mois de mars, avant d'en devenir la vice-présidente, "Marine Le Pen peut encore gagner", comme elle l'a affirmé au micro de BFMTV.  Assurant qu'elle "espérait" que cette victoire se concrétise, elle a dit être confiante : "C'est la raison pour laquelle j'ai personnellement appelé à voter pour elle, y compris Eric Zemmour". A quelques heures du débat d'entre-deux-tours, elle s'est également montrée optimiste quant à la capacité de sa tante à tenir tête au président sortant : "Je pense qu'elle n'arrive pas dans les mêmes conditions, avec la même expérience. Je crois qu'elle a quand même retenu de ses erreurs, indéniablement. Je ne m'attends pas du tout à ce qu'il y ait ce soir un écart spectaculaire. Je pense qu'au contraire, elle sera capable de reprendre la main et probablement d'être mieux préparée que la fois dernière et moins fatiguée aussi qu'elle ne l'était en fin de campagne". Il en va de même pour Louis Aliot, le maire de Perpignan qui soutient la candidate et qui estime qu'incarner cette fonction présidentielle devrait être plus aisé cette fois : "Elle s'y prépare, elle a l'expérience maintenant, elle a beaucoup travaillé, elle maîtrise les sujets" (propos tenus le 19 avril sur France 2).

Un point de vue partagé par le plus proche conseiller de la candidate RN, à savoir Jordan Bardella, le président par intérim du parti durant cette campagne. Sur le plateau de France 2 le 20 avril au matin, et alors que le débat débutait le soir même, il a concédé de "l'appréhension" avant le débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, expliquant : "Il n'y a pas de stress mais il y a une forme d'appréhension, parce qu'on sait que beaucoup de Français vont se décider sur ce débat et que ce ne sera pas le même débat qu'il y a cinq ans (…) Peut-être l'erreur qu'on a faite en 2017, c'est de trop vouloir montrer aux Français la brutalité du projet d'Emmanuel Macron. Ce soir, je vous rassure, elle va beaucoup parler d'elle et de la vision qu'elle a pour le pays, non pas pour les cinq prochaines années mais pour les cinquante prochaines années", a-t-il développé. Les journalistes lui ont alors demandé si le débat serait moins agressif qu'en 2017, où les pics avaient fusés entre les deux candidats. "L'idée est d'avoir un débat serein et apaisé", a-t-il répondu. "Moi, je déplore que depuis le début de cette campagne on soit la cible d'anathèmes, de caricatures (…) Moi, je veux dire aux Français peut-être une chose avant ce soir : "N'écoutez pas les marchands de peur, ne vous fiez pas aux caricatures. Ecoutez ce que Marine Le Pen va vous dire ce soir et choisissez en votre âme et conscience", a-t-il conclue, se montrant ainsi plutôt confiant sur la capacité de la leader d'extrême-droite à faire mentir les sondages, qui la donnent pour l'instant derrière le président sortant.

"Des larmes impossibles à contenir"

Le débat d'entre-deux tours de l'élection présidentielle de 2017 restera dans l'histoire du Front national comme un séisme politique aux effets catastrophiques, poussant le parti au bord de l'implosion. Pour Marine Le Pen, ces deux heures de face-à-face constituent aussi un moment déterminant de sa carrière politique : c'est cet instant qui lui aura faire perdre, aux yeux de nombreux cadres et de militants FN, une partie de sa crédibilité comme leader présidentiable, capable de faire accéder le Front national, un jour, à l'Elysée. Et manifestement, la présidente du parti d'extrême droite a encore beaucoup de mal à s'en remettre. Valeurs Actuelles se fait d'ailleurs l'écho des états d'âme de celle qui tient encore la barre d'un parti en pleine convalescence.

Dans un reportage qui lui est consacré, l'hebdomadaire révèle que Marine Le Pen a été très affectée, personnellement, évoquant même des "larmes impossibles par instants à contenir, dans les jours qui ont suivi" ce débat. "Nous avons commis une erreur stratégique en choisissant l'offensive. Alors que Macron avait été beaucoup critiqué sur son "vide", nous voulions faire une critique du "plein", c'est-à-dire de son action s'il était élu. C'est apparu agressif, alors que les gens attendaient moins de contenu et plus d'image", analyse-t-elle aujourd'hui auprès des journalistes de Valeurs Actuelles. Et de considérer qu'elle n'a pas, certes, été à la hauteur de l'exercice "sur la forme" : "Je ne renie rien sur le fond, chacun peut aujourd'hui constater que j'avais raison, mais je n'ai pas répondu aux attentes sur les formes. Je suis profondément peinée pour ceux que ça a déçus. C'est aussi une leçon".

L'échec de Le Pen, à cause de Philippot ?

Pour autant, Marine le Pen ne semble pas de résigner. Indiquant n'avoir pas été, ce jour-là, dans une "forme optimale", elle relativise son échec : "Il est toujours facile de juger les erreurs a posteriori, mais j'en ai sûrement commis. Nul n'est infaillible", confie-t-elle encore. D'ailleurs, la présidente du FN ne semble pas s'inquiéter excessivement de la situation de son parti, et semble même se réjouir que le départ de Florian Philippot apaise les choses au sein du parti. Elle admet même désormais que sans cela, "le congrès de la refondation aurait tourné au bain de sang, au cauchemar" et que son ancien bras droit aurait "joué la tension". Mieux, la présidente du Front national va pouvoir s'appuyer sur le soutien renouvelé de tous ceux qui s'exaspéraient de la "ligne Philippot". Et profiter d'une nouvelle exégèse de la catastrophe de l'entre-deux tours de la présidentielle : et si finalement, la faute revenait à l'ancien vice-président déchu ? C'est bien ce qu'ont à l'esprit certains cadres du FN. L'un d'eux a même confié à L'Obs que par sa faute, un appel de Marine Le Pen aux électeurs de François Fillon, le candidat LR battu sèchement, n'a jamais vu le jour. "C'est l'erreur politique majeure de l'entre-deux tours", assure un lieutenant de Marine Le Pen à l'hebdomadaire. Marine Le Pen aurait songé à une vidéo, mais sa diffusion aurait été empêchée par Florian Philippot, qui l'aurait "caviardée", convaincu qu'il ne fallait parler "qu'aux électeurs de Mélenchon"...

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