Financement de campagne : plafond, contrôles, remboursement... Combien coûte une campagne ?

Financement de campagne : plafond, contrôles, remboursement... Combien coûte une campagne ?

FINANCEMENT DE CAMPAGNE. Une campagne présidentielle a un coût et les comptes de campagne font l'objet de nombreuses règles : du plafond imposé, à l'origine des recettes en passant par les sources de dépenses et le remboursement par l'Etat. Toutes les règles à suivre.

[Mis à jour le 7 mars à 16h18] Pour être qualifié au second tour ce dimanche et remporter l'élection présidentielle le 24 avril 2022, les candidats redoublent d'efforts et ne regardent pas les dépenses. Etre visible, se déplacer auprès des électeurs, organiser des meetings... Faire campagne a un prix et ces prestations généralement coûteuses sont financées par les candidats et leur parti. Seulement, le financement d'une campagne doit répondre à plusieurs règles et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) veille au grain. Comme pour le temps de parole lors dans la campagne officielle, tous les prétendants à l'Elysée sont logés à la même enseigne et soumis aux mêmes règles strictes. Le moindre manquement au protocole peut priver le candidat du remboursement d'une partie de ses frais et donner lieux à des sanctions pécuniaires et pénales. De la tenue des comptes de campagne au remboursement des dépenses, on vous explique tout ce qu'il faut savoir sur le financement des campagnes politiques et en l'occurrence présidentielles.

Quelles règles encadrent le financement de la campagne ?

Plusieurs règles encadrent le financement de la campagne d'un candidat à la présidentielle mais la principale obligation est de tenir un compte de campagne répertoriant en détail l'origine des recettes et la nature des dépenses à compter du 1er juillet précédant l'élection présidentielle, soit le 1er juillet 2021. Les dépenses réalisées en vue de la participation à une primaire doivent également être renseignées dans le compte de campagne du candidat. Bien sûr, par souci de transparence il est impossible pour le prétendant à l'Elysée de tenir lui-même les comptes. Un mandataire financier doit être nommé conformément avec ce qui est prévu dans les textes de loi. Il faut noter qu'à partir du sixième mois précédent l'élection certaines dépenses deviennent interdites comme la publicité par voie audiovisuelle ou dans la presse. A l'issue de la campagne, tous les candidats ont jusqu'au neuvième vendredi suivant le second tour de l'élection présidentielle pour faire certifier leur compte de campagne par un expert comptable et le transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nouveauté en 2022, la transmission des documents à la CNCCFP se fait de manière dématérialisée.

En plus du détail des finances du candidat, la loi organique du 25 avril 2016 prévoit que le compte de campagne comporte "en annexe une présentation détaillée des dépenses exposées par chacun des partis et groupements politiques qui ont été créés en vue d'apporter un soutien au candidat ou qui lui apportent leur soutien, ainsi que des avantages directs ou indirects, prestations de services et dons en nature fournis par ces partis et groupements." Cette annexe en rendue publique dans son intégralité en même temps que le compte.

L'autre règle primordiale concerne le plafond imposé au financement de la campagne présidentielle. Pour réaliser leur campagne, les candidats, quels qu'ils soient, doivent se plier à une somme limite fixée à 16 851 millions d'euros pour tous les prétendants au premier tour de l'élection et à 22 509 millions pour les deux candidats qualifiés au second tour comme indiqué dans un décret du 30 décembre 2009.

Où trouver des financements ?

Malgré les plafonds imposés aux dépenses des campagnes présidentielles, les candidats ont une marge de manœuvre confortable d'autant que trouver des financements n'est pas toujours évident surtout quand, une fois encore, plusieurs règles sont édictées. Les candidats peuvent recourir à des financements privés provenant de leurs moyens personnels ou des recettes et contributions du parti qu'il représente ou encore des dons de particuliers. Attention sur ce dernier point : les prêts de particuliers aux candidats sont strictement interdits, seuls les dons sont autorisés dans la limite de 4 600€ et tous les dons supérieurs à 150€ doivent obligatoirement être faits par chèque, virement ou carte bancaire. Dernière précision, les dons ne sont possibles que pour les personnes physiques de nationalité française ou résidant en France depuis l'entrée en vigueur de la loi pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017. Les candidats peuvent aussi contracter des prêts mais uniquement auprès de banques ayant leur siège social dans l'Union européenne, une condition posée par la même loi du 15 septembre 2017.

Cette nouveauté a compliqué la recherche de financement pour certains candidats en particulier Marine Le Pen qui avec son parti du Rassemblement national lourdement endetté a eu toutes les peines du monde à trouver un prêteur. C'est finalement auprès d'une banque hongroise que la candidate à contracter un emprunt de plus de dix millions d'euros pour sa troisième campagne présidentielle, après avoir essuyé les refus de nombreuses banques françaises. La présidente du RN s'est plainte de ce système très encadré sur Franceinfo dans les premiers jours du mois de février : "Il ne faut pas laisser aux banques et à l'exécutif le soin de décider qui peut être candidat ou pas." Pressentant des difficultés, Marine Le Pen avait écrit à Emmanuel Macron en septembre 2021 pour demander au Parlement l'ouverture de nouvelles possibilités de financement en vain. Elle avait été renvoyée vers le "médiateur de crédit", une personne chargée de favoriser les interactions entre les banques du territoire national et les candidats.

Peut-on se faire rembourser une partie de ses frais de campagne ?

L'Etat prend en charge une partie des frais de la campagne notamment les frais inhérents à la campagne officielle qui débute deux semaines avant le premier tour. Ainsi ce sont les diffusions télévisuelles et radiophoniques mais aussi l'impression des professions de foi et la fabrication en plus de la pose des affiches de campagne aux emplacements officiels qui sont financés par les fonds publics. Avec ce geste les candidats font d'importantes économies mais la loi prévoit en plus le remboursement d'une partie de leur frais de campagne. D'office tous les candidats se voient rembourser de 4,75% du plafond des dépenses, soit 800 423€. Il faut ensuite atteindre des seuils électoraux pour prétendre à de plus grosses sommes. Le premier pallier est l'obtention d'au moins 5% des suffrages exprimés lors du premier tour, pour tous les candidats qui dépassent ce cap le remboursement s'élève à 47,5% du plafond de financement : 8 004 225€. Les deux personnalités qualifiées au second tour sont légèrement avantagées puisqu'elles bénéficient aussi d'un remboursement de 47,5% mais calculé sur le plafond des dépenses du second tour, soit 10 691 775€.

Il y a une autre limite au remboursement car la loi dispose que la somme perçue par le candidat ne peut excéder le montant des dépenses engagées dans la campagne. C'est la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui encadre ces dépenses. Certains candidats se sont déjà vus refuser le remboursement de leur campagne après avoir commis des infractions comme le dépassement du plafond. En 2012, Nicolas Sarkozy n'a pas eu droit au remboursement de sa campagne pour avoir dépassé de 2,1% le plafond imposé. En plus d'être privé du remboursement, le candidat qui dépasse le plafond doit reverser le montant de dépassement au Trésor public.

Depuis quand les comptes de campagne sont-ils encadrés ?

Les comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle sont encadrés depuis la publication au Journal officiel des lois du 11 mars 1988 et du 15 janvier 1990. Ces deux lois de fonctionnement de la vie démocratique disposent que les campagnes de chaque candidat doivent être organisées par une association de financement électorale. En 2013, des lois relatives à la transparence de la vie publique sont venues renforcer le dispositif. Enfin, les lois pour la confiance dans la vie politique entrée en vigueur en 2017 ont achevé d'encadrer les comptes de campagnes des candidats à la présidentielle.

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