"Après ce que j'ai vu en mer, je ne mange plus de poisson"
La mer, source de vie, de beauté et de mystères, est aussi un formidable garde-manger pour ceux qui vivent sur la terre ferme. Et on vante régulièrement (ici aussi d'ailleurs) la consommation de poisson, jugée tantôt excellente pour la longévité de notre organisme, tantôt bonne pour la mémoire ou plus généralement le cerveau. Plusieurs connaisseurs de la mer et des fonds marins alertent pourtant sur la consommation de poisson depuis plusieurs années.
"J'ai toujours aimé la mer, depuis mon plus jeune âge. J'ai eu la chance de beaucoup voyager et j'ai vite compris que la santé des océans se détériorait partout", raconte par exemple Andrea Morello, président de l'ONG Sea Shepherd Italia. Ce témoin direct et avisé de ce qui est pêché dans les mers et les océans a pris une décision radicale sur le poisson : "Après ce que j’ai vu en mer, je n’en mange plus".
La pêche intensive est en effet la cible principale de la célèbre organisation créée par Paul Watson et la raison de ce choix de plus en plus courant. "Quand on voit de ses propres yeux les filets remplis de centaines de requins mutilés, quand on remonte des kilomètres de filets fantômes qui continuent à tuer pendant des dizaines d'années, ça vous change un homme", a récemment confié Andrea Morello au site Gambero Rosso. Actif depuis 2010 au sein de l'association vouée à la protection des écosystèmes marins, il parle par exemple de la Méditerranée comme "la mer la plus surexploitée au monde".
Le chalutage est un des principaux points noirs qu'il soulève : "Ces filets labourent littéralement les fonds marins, et tout ce qui est pris est rejeté à la mer, car il ne correspond pas aux objectifs du marché : jusqu'à 72 à 75% des prises sont rejetées, et les poissons, à ce moment-là, sont asphyxiés et ne peuvent même plus servir à nourrir d'autres poissons", a-t-il fustigé.
Autre raison de son dégoût : les méthodes utilisées toujours plus perverses. Sea Shepherd Italie a notamment récupéré en 2022 "près de 8 000 casiers à poulpes illégaux, un chiffre alarmant qui menaçait toute la population de ce magnifique animal". Il s'agissait "de faux abris qui tuent même les œufs". Ces pièges polluent également la mer : "On parle de centaines de mètres cubes d’équipements en plastique", a précisé Andrea Morello dans ce témoignage très lu de l'autre côté des Alpes.
"Ces dix dernières années, la demande de poulpe a explosé et les prix ont quadruplé. Il va sans dire que la pêche illégale a elle aussi augmenté, comme ce fut le cas pour le thon rouge, dont le prix a atteint des sommets exorbitants, générant un chiffre d'affaires presque équivalent à celui du trafic de cocaïne", estime-t-il.
Les élevages dans des fermes piscicoles n'ont pas non plus grâce à ses yeux : "En Antarctique, on pêche des micro-crevettes, appelées krill, qui servent à nourrir les saumons d'élevage en Norvège, faisant passer leur chair du gris à l'orange", indique-t-il, rappelant que "le krill représente pourtant une ressource irremplaçable pour les baleines".
Pour le président de Sea Shepherd Italie, il faut donc absolument réduire notre consommation de poisson. D'autant que rien n'est irréversible. "Contrairement à la terre, la mer a une capacité extraordinaire à se régénérer très rapidement", a aussi expliqué Andrea Morello. Par exemple l'aire marine protégée de Syracuse, Plemmirio, est devenue selon lui "une zone saine, une zone protégée" après une décennie de protection efficace.