L'Urban Dictionary, ce dictionnaire qui parle "jeune"

L'Urban Dictionary, ce dictionnaire qui parle "jeune" A l'heure où le langage "de la rue" est en constante évolution, un dictionnaire anglais en ligne propose de répertorier les différentes expressions argotiques employées par les jeunes d'aujourd'hui. Une initiative surprenante qui fait le buzz.

Adieu Larousse, Gaffiot, Collins, Duden et autres pavés constitués de quelques dizaines de milliers de mots ! A l'heure où l'Internet tue l'imprimerie à petit feu et où la révolution jeune prend le pas sur l'ancienne génération, les dicos classiques aux pages déchirées et dégageant cette traditionnelle odeur d'humidité peuvent aussi tirer leur révérence et laisser place à un petit nouveau. Mieux que le Wikitionnaire, plus complet que Reverso et Lexilogos, voici... l'Urban Dictionary !

Comment ? Quoi ? Qu'est-ce ? Jamais entendu parler. Et pourtant, l'Urban Dictionnary – traduisez le Dictionnaire Urbain – s'est imposé depuis quelques temps comme l'encyclopédie accréditée mais non-officielle du langage argotique dans le monde anglo-saxon. Créé en 1999 par Aaron Pekham, c'est très certainement le principe interactif et novateur du lexique qui en a fait toute sa renommée.

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Capture d'écran de la page d'accueil du site Urban Dictionary © Urban Dictionary

Explications : chaque internaute peut proposer un mot et sa signification gratuitement, sans avoir besoin de s'inscrire nulle part. Si le terme auquel on souhaite attribuer une définition est déjà cité dans l'Urban Dictionary, qu'importe ! Il est toujours possible de proposer sa propre description. Dans ce cas, les différentes significations du même mot sont soumises aux votes "pour et contre" des utilisateurs qui optent pour la meilleure. Autres particularité de ce Petit Robert de la rue : les définitions suggérées doivent répondre à un critère essentiel, l'humour – anglais de préférence.

En 2005, l'Urban Dictionary comptait déjà plus de 300 000 mots à son actif, à raison de 2 000 nouvelles entrées par jour, ce qui est considérable. Jaloux de nos cousins rosbifs, nous avons évidemment tenté de copier l'idée avec La Parlure et le Dictionnaire Urbain. Mais au vu du nombre de votes, on est en mesure de comprendre assez rapidement que la mayonnaise n'a pas franchement pris. 

Le marché Facebook

Toutefois, ce dico atypique qu'est l'Urban Dictionary a su séduire son public dont la moyenne d'âge n'atteint pas les 25 ans. Et si vous doutez encore, il suffit de cliquer sur la page Facebook de cet "argotionnaire" pour constater que les fans se comptent par millions et que ce nombre augmente de quelques dizaines à chaque nouvelle actualisation de la page.

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Capture d'écran de la fan-page d'Urban Dictionary sur Facebook © Facebook

Par ailleurs, Facebook s'est avéré très bénéfique en ce qui concerne la popularité de l'Urban Dictionary. Il y a quelques mois, on pouvait encore constater que le statut d'un proche ou d'une connaissance sur ce réseau social était plus ou moins énigmatique. "Rouge !", "Sprite !", "Chamallow !", lisait-on alors. Pour ceux qui cherchent encore, il s'agissait de crier au monde entier la couleur de ses sous-vêtements, son statut amoureux, ou encore son idéal masculin...

Une bêtise en engendrant une autre, l'Urban Dictionary s'est jeté dedans à corps perdu en proposant l'innovation du siècle : vous pouvez désormais trouver la signification de votre prénom sur l'Urban Dictionary et la poster sur Facebook pour vous amuser. "Hourra !", se sont alors écriés les 13-18 ans qui se sont empressés de chercher la plus belle définition correspondant à leur prénom avant de la poster sur leur profil virtuel. 

Cette pratique inutile a d'ailleurs un nom : "Urbaning - Chercher son propre nom sur Urban Dictionary, pour la définition ou pour utilisation sur myspace". Autant regarder "Les prénoms en musique" sur TF1, juste avant le Journal de 20h...

Un dictionnaire improbable au service de la psychiatrie

Malgré ce petit écart de jeunesse, l'Urban Dictionary amuse et demeure un bon moyen de répertorier les expressions argotiques propres à la jeunesse du XXIe siècle. Mieux, il a pu prouver son potentiel grâce à une étude du British Medical Journal en 2007 qui explique que "les jeunes utilisent parfois le langage de manière peu conventionnelle. Cela peut causer des problèmes de communication pour les docteurs âgés, en particulier quand ils cherchent à identifier le discours décousu [des schizophrènes]".Autrement dit, les poussiéreux médecins britanniques, étant complètement ignorants des évolutions de langage de la jeunesse, ont malencontreusement associé l'argot à une potentielle schizophrénie.


Un postier dépressif de 26 ans en a fait les frais en souhaitant consulter un psychiatre. Alors qu'il s'exprimait en argot, son médecin n'a pas su déceler les nuances de langage et a confondu le "parler charretier" avec de possibles troubles du comportement. Mais incertain du diagnostic, le psychiatre s'est décidé à aller vérifier le discours décousu de son patient dans... l'Urban Dictionary ! Ouf pour le jeune dépressif qui s'est sûrement vu prescrire des antidépresseurs à la place d'une carte de séjour d'internement.Comme quoi, il n'est pas toujours besoin d'être accrédité officiellement pour pouvoir faire de grandes choses !

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