Préparation des examens : les conseils concrets d'un spécialiste pour réviser son bac sereinement
Comment réussir à rester le plus serein possible pendant la préparation d'un examen aussi crucial que le baccalauréat ? Linternaute.com a posé la question au psychiatre Frédéric Chapelle, expert des situations de stress.
Comment ne pas craquer à l'heure de la préparation des examens du baccalauréat ? En plus des révisions de dernière minute, il faut savoir gérer le stress, la fatigue, le sommeil et la concentration, quatre éléments de plus en plus cruciaux à mesure que le jour-J approche. Pour Frédéric Chapelle, psychiatre au Centre de Thérapie Comportementale et Cognitive de Toulouse, il est possible de faire de ces sensations, y compris les plus négatives, des alliées en vue des épreuves du baccalauréat. Spécialiste du stress et de la préparation aux examens de fin d'année, il est notamment l'auteur de "Traiter l'anxiété - 11 cas pratiques enfants et adultes en TCC" (ed. Dunod). Dans cette période intense pour les lycéens, il a accepté de nous répondre. Voici comment mettre toutes les chances de son côté pour réviser plus sereinement.
En résumé :
- Pour gérer le stress : se dire que le stress est normal face à l'enjeu, et que ce stress nous aide à la base à affronter la situation. Apprendre à s'arrêter de travailler une demi-heure pour s'aérer et/ou se défouler (appel à un ami, footing...). Se rappeler, enfin, qu'on a déjà fait la plus grosse partie du travail en suivant les cours pendant l'année.
- Pour gérer le sommeil : éviter de décaler ses heures de coucher et de lever de plus d'une heure par rapport à celles qu'on a les jours où l'on va en cours. Dormir au minimum sept heures par nuit : le cerveau travaille pendant la nuit, ce n'est donc pas du temps perdu, au contraire. Arrêter les écrans et le travail maximum une demi-heure avant le coucher (dans l'idéal, une heure avant).
- Pour gérer la mémoire : répéter pour mémoriser (en récitant par coeur, en faisant des fiches, en réécrivant ce qu'on a retenu après avoir relu ses fiches...). Réviser entre amis de cette façon : je t'explique ce que j'ai compris du cours que je viens de réviser et tu m'expliques ce que tu as compris d'un autre cours que tu viens de réviser. Ludique, convivial et... efficace !
- Pour gérer la concentration : faire des pauses. Recentrer son attention quand c'est nécessaire. Se répéter que ces révisions ne dureront qu'un temps. Penser aussi à laisser son cerveau se reposer (en regardant des épisodes de série par exemple). Se souvenir qu'on travaille de toute façon mieux quand on s'accorde aussi des temps de détente. Et surtout, continuer à passer du temps, ne serait-ce que les repas, avec sa famille et/ou ses amis.
Découvrez l'interview détaillée ci-dessous par catégorie (Stress, sommeil, mémoire et concentration).
LE STRESS
Frédéric Chapelle, psychiatre - "Se sentir un peu tendu, inquiet, anxieux par rapport à un examen est en fait un phénomène normal, et qu'on va considérer en tant que spécialiste comme quelque chose d'adaptatif. Toute personne, lycéenne ou adulte, quand elle est confrontée à une situation ou à enjeu particulier, va avoir une réaction de stress. A la base, cette réaction de stress permet de mettre en place des comportements, raisonnements ou émotions qui doivent nous aider à affronter la situation rencontrée".
Que faire ? "L'idée, avant tout, c'est de se dire que si on est stressé, ça peut avoir un certain côté bénéfique, mais qu'il faut arriver à l'utiliser, et pas à le subir. Le stress va en effet être problématique quand il devient trop intense, quand la personne devient par exemple trop anxieuse pour se concentrer. A ce moment-là, il faut pouvoir gérer d'une manière ou d'une autre l'émotion qui monte. Il y a plusieurs façons de le faire. Parfois, il vaut mieux s'arrêter, car de toute façon ce qu'on est en train de faire est inefficace, prendre une paire de tennis et aller courir pendant une demi-heure ; ou faire une pause, appeler une copine, se défouler un peu, bref se décharger l'esprit... et seulement après, revenir sur le travail qu'on est en train de faire".
Parfois, il vaut mieux s'arrêter, car de toute façon ce qu'on est en train de faire est inefficace
"Il faut vraiment voir le stress comme quelque chose qui nous entraîne, une décharge d'énergie, mais qui doit nous aider à nous motiver. Il ne faut pas non plus que l'enjeu de passer son bac entraîne trop d'angoisse. C'est vrai que beaucoup de choses vont se jouer le jour du bac, mais il faut que les jeunes se souviennent que tout ce qu'ils ont acquis auparavant leur permet d'arriver au jour du bac dans de bonnes conditions. Autrement dit, tout ne se fait pas au dernier moment, l'année scolaire leur a permis de toute façon d'acquérir des compétences qu'ils vont pouvoir réutiliser. Il est évident que si l'on est en terminale et qu'on n'a rien fait de toute l'année, c'est plus compliqué que pour l'étudiant qui a travaillé de manière plus régulière. Mais dans l'enjeu qu'il y a, il faut pouvoir redescendre la pression en ayant conscience qu'on a déjà fait la plus grosse partie du travail. Cela permet de se rassurer et de revenir dans la réalité. Il faut se dire : 'Ce que je suis en train de faire dans mes révisions, c'est que je viens conforter mes acquis'".
LE SOMMEIL
Frédéric Chapelle, psychiatre - "Le sommeil est très important pour les adolescents. Il va être facilement perturbé si l'on est stressé. Il peut se mettre en place une sorte de cercle vicieux qui fait qu'on dort mal, dans la journée on a l'impression qu'on est fatigué et qu'on ne va pas réussir à récupérer donc on se sent stressé... et quand on se sent stressé, on dort mal !
Que faire ? "Déjà, il faut garder à l'esprit que l'on a eu pendant toute l'année un certain rythme et que ça n'a pas de sens de se lever à 10h dans le cadre des révisions alors qu'on se lève à 7h le matin pour aller en cours : notre organisme est habitué à avoir des horaires et on a besoin d'une certaine régularité, y compris le week-end. Si par exemple, on est habitué à se coucher à 22h et à se lever à 7h, on continue (éventuellement, on peut se lever à 8h, mais sans décaler plus son heure de lever). De plus, on sait que pendant le sommeil il y a des moments où le cerveau continue à travailler de toute façon. Donc se dire 'Je ne vais dormir que 6 heures par nuit', c'est une aberration la plus totale".
- "Des conseils simples d'hygiène de vie sont à respecter pour être en forme, notamment le soir. Faire des repas légers ; éviter de prendre des stimulants avant de se coucher (tabac, café) ; ne pas faire d'activités sportives cardio après 18h (footing, tennis, football) car le sport entraîne une élévation de la température corporelle qui fait qu'on a du mal à dormir. La marche est en revanche possible si l'on s'arrête trois heures avant de dormir. Il vaut mieux que la température de la chambre soit entre 19°C et 20°C, éviter d'avoir du bruit. Chose importante aussi, c'est préférable de dormir sans le chien ou le chat, qui risquent de perturber la nuit des ados".
- "Les écrans sont à bannir idéalement une heure avant le sommeil, et a minima une demi-heure avant. Pour pouvoir se mettre en sommeil, le cerveau a besoin qu'une hormone, qui s'appelle la mélatonine, soit sécrétée. La luminosité va empêcher ce processus en stimulant la rétine, ce qui va retarder le moment de l'endormissement. Un autre point important, c'est d'éviter d'avoir toutes ces lumières qui donnent une luminosité importante dans la chambre, la nuit. Vous savez, les radios-réveils avec les lumières rouges, vertes, bleues. Idéalement, pour dormir dans de bonnes conditions, on prend une demi-heure pour réaliser un rituel du coucher (brossage de dents, mise en pyjama, lecture, conversation avec les parents si on en a l'habitude...). Il faut aussi arrêter de travailler au moins une demi-heure avant d'aller se coucher, pour ne pas s'endormir dans un contexte de travail".
- Et si l'on se réveille en pleine nuit ? "On a tous des micro-réveils dans la nuit et à ce moment-là, si on ouvre un peu les yeux, on voit la lumière et paf, ça peut nous activer. On conseille d'éviter de regarder l'heure si l'on se réveille dans la nuit. Parce que si on fait ça, on va commencer à se dire : 'Waow, j'ai pas suffisamment dormi' ; 'Oh là là, il me reste pas longtemps pour dormir', ou 'Je vais pas réussir à me rendormir', et en commençant à s'angoisser par rapport à ça, on va avoir plus de mal à dormir ! Dans ce cas-là, on conseille plutôt de se retourner et d'attendre que le sommeil revienne, et aussi de s'interdire de penser à tout ce qu'on a à faire le lendemain".
- Faut-il faire une sieste dans la journée ? "Pourquoi pas, mais il ne faut pas que cette sieste soit longue et qu'elle dure une ou deux heures. Parce que là, on déstructure complètement le sommeil et la nuit suivante sera très compliquée. Si le jeune est vraiment très fatigué, il peut faire une sieste mais qui dure 20 minutes maximum. S'il n'a pas l'habitude, il doit mettre un réveil pour être sûr de ne se reposer que 20 minutes. Une sieste de 15-20 minutes peut être très utile, surtout si les nuits sont compliquées. Mais quand on dort bien, faire la sieste n'a pas spécialement d'intérêt et cela peut nous isoler. Mieux vaut profiter de 20 minutes de pause pour aller sur Facebook, appeler un ami, marcher dans la nature si on aime cette activité, lire un bouquin qu'on aime, faire les magasins, un peu de sport...".
LA MÉMOIRE
Frédéric Chapelle, psychiatre -"La mémoire, ça se travaille. Donc, pour pouvoir enregistrer ses cours, c'est comme pour apprendre un mouvement ou faire un travail manuel : le cerveau enregistre des notions. L'apprentissage, c'est la répétition. Notre mémoire fonctionnera d'autant plus facilement que l'on répète".
Que faire ? "Lire un cours une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois, va entretenir le processus de la mémoire. On peut réciter son cours par coeur, se faire des fiches, le réécrire. Ce qui peut être intéressant aussi, c'est 'J'apprends un cours, je ferme les pages, puis je remets sur une fiche à côté tout ce que j'ai retenu'".
Je t'explique ce que j'ai compris du cours. Et puis tu m'expliques ce que tu as compris d'un autre cours.
"Sur le plan technique, il y aussi quelque chose de très intéressant que les jeunes qui préparent leur bac peuvent faire, et qui peut avoir un côté ludique, c'est de s'entraîner par petits groupes ou en binôme à expliquer à l'autre le cours. Cela nous oblige à la fois à acquérir la connaissance, et à l'organiser dans notre esprit pour pouvoir la recracher. Cette forme de répétition active renforce notre mémoire du cours. Et puis la personne en face va pouvoir poser des questions, et donc renforcer encore plus ce qu'on est en train d'expliquer. Concrètement, cette mise en situation se passe comme cela : on est en train de bosser un cours, je t'explique ce que j'ai compris du cours. Et puis tu m'expliques ce que tu as compris d'un autre cours. Et ainsi de suite. C'est une forme d'apprentissage différente, qui permet aussi de casser le rythme de la journée de révision passée à réviser ses cours tout seul".
LA CONCENTRATION
Frédéric Chapelle, psychiatre -"Se concentrer, c'est pareil que pour la mémoire, c'est un entraînement. Le but, c'est d'arriver progressivement à rester focalisé un certain temps sur son cours. On peut avoir besoin de faire des pauses. Dès qu'on se rend compte qu'on a l'esprit qui vagabonde un peu (cela arrive à tout le monde), hop, on revient à ce qu'on est en train de faire dans l'instant présent, en se disant : 'Je suis sur la préparation du bac, je me refocalise sur ça'. L'idée est aussi de se rassurer en se disant 'Ok, c'est un temps qui n'est pas définitif, je sais que ça va durer quinze jours et qu'après, je pourrais faire autre chose. Ce n'est pas comme quand on se dit 'Ah, ça va tout le temps être comme ça...'".
Que faire (d'autre) ? "Quand on se concentre, on maintient son attention, et il y a un moment donné où le cerveau, de toute façon, a besoin de se poser. Il faut utiliser ces moments-là pour se reposer et pour faire des choses qu'on aime. Je peux bouquiner, je peux appeler des copains ou aller sur Facebook, je peux regarder un épisode de série américaine. Il faut trouver le juste équilibre, et que le temps de pause soit un peu la récompense du temps de travail. Toute notre vie on va fonctionner comme ça, de toute façon.
- Programmer des pauses : "Ce temps de déconnexion, il faut le programmer un peu, parce qu'il n'est pas question de se mettre à regarder les douze épisodes de sa série préférée à la suite. Autrement dit, il faut avoir déterminé à l'avance ce que je m'autorise à faire, se donner des limites. L'idée, c'est d'établir en amont une sorte de planning qui permet d'élaborer comment va se dérouler la journée. Quand on commence la journée, on se dit 'Voilà, j'envisage que ma journée va se passer comme ça. Le matin, je vais faire tel cours ; puis après je ferais une pause d'une petite demi-heure pour m'aérer ; puis je re-travaillerais ; puis, en début d'après-midi j'aime bien faire une petite pause après manger, alors je me prévois trois quart d'heure pour regarder un épisode d'une série que j'aime bien, c'est tout'. Etc.
Il faut, encore une fois, s'autoriser aussi à avoir des temps de repos, pour que la pression ne soit pas trop forte. C'est comme pour la gestion du stress, il s'agit de trouver le juste équilibre : il faut que je sois stressé, mais il ne faut pas que je sois trop stressé. Si je sais que j'ai des temps de pause, je vais pouvoir souffler et récupérer". - Se faire plaisir : "Trouver quelque chose à faire qui détend, qui permet de ne pas être simplement sur le registre "Travail, travail, travail..." est très important. Je sais bien que certains jeunes ont un niveau d'exigence très élevé et qu'ils se mettent une pression très forte par rapport aux études qu'il visent, ce qui peut largement se comprendre. Donc ils vont travailler énormément... Mais il ne faut pas oublier qu'avoir un juste équilibre entre l'activité scolaire et les moments de plaisir permet d'être bien dans sa peau. Et là, on va travailler de façon beaucoup plus efficiente, on va être beaucoup plus concentré, on va apprendre plus facilement. De toute façon, à un moment donné, le cerveau décroche, il en a marre de bosser. Et si l'on est sans arrêt en train de s'angoisser en se disant 'Je vais pas y arriver, c'est super compliqué' et qu'on a pas de temps de pause, on va plus se desservir qu'autre chose. Il y a vraiment cet équilibre à avoir entre 'J'ai besoin de travailler, c'est important, il faut que je le fasse. Ça a une valeur' et 'Si je fais des choses qui me permettent d'être détendu, je vais encore mieux travailler'".
- Voir ses amis et sa famille : "Point très important enfin, ce n'est pas parce qu'on est en train de préparer ses examens qu'il faut se désocialiser. Par exemple, les temps de repas familiaux sont à préserver. Les jeunes l'oublient mais c'est important d'avoir ce moment où l'on mange avec ses parents ou avec ses copains, et qui est généralement un moment de détente. 'L'homme est un animal social', pour reprendre le concept d'Aristote".