Mort de Jérémie Cohen : qui sont les suspects qui se sont rendus et mis en prison ?

Mort de Jérémie Cohen : qui sont les suspects qui se sont rendus et mis en prison ? Le 16 février dernier, Jérémie Cohen était percuté par un tramway à Bobigny, après avoir été violemment agressé par plusieurs personnes. De confession juive, ce trentenaire a succombé à ses blessures le lendemain de l'accident. Deux mois après les faits, deux hommes ont été placés en garde à vue après s'être rendus au commissariat le 15 avril. On vous explique l'affaire.

[Mis à jour le 15 avril 2022 à 16h23] Ce vendredi 15 avril, le procureur de Bobigny a annoncé que deux hommes avaient été mis en examen dans l'enquête sur la mort de Jérémie Cohen. Ils étaient déjà placés en garde à vue après s'être rendus d'eux-mêmes au commissariat le mardi 12 avril. Quels sont les chefs d'accusation? L'enquête est ouverte pour "violences volontaires en réunion" et pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", comme l'indique le communiqué du procureur de Bobigny. 

Lorsque ces deux hommes, âgés de 27 et de 23 ans, se sont rendus au commissariat le 12 avril, ils ont fait des confessions très utiles à l'avancée de l'enquête. De fait, ils ont décrit deux scènes de violences successives, des violences qu'ils ont mis en lien avec le "comportement de la victime" (Jérémie Cohen). Mais le procureur a précisé que les motifs de ces deux agressions "restent à déterminer". Ils ont depuis été placés en détention provisoire.

Le drame en question est survenu le 16 février. La mort de Jérémie Cohen, due à son passage sous un tramway, à Bobigny en Seine-Saint-Denis, a rapidement fait l'objet de l'ouverture d'une enquête, pour "homicide involontaire" : le jeune homme, handicapé, a été très violemment agressé quelques instants avant de percuter le tramway, dans une volonté manifeste d'échapper à ses agresseurs. La victime étant de confession juive, le caractère discriminatoire et antisémite de l'agression a mainte fois été questionné par les enquêteurs, les médias, mais aussi par une part de classe politique. "Pourquoi aucun média, ni aucun politicien, ni aucun membre du gouvernement ne parle de la mort de Jérémie Cohen, tabassé par des racailles ?", s'indignait par exemple le 4 avril le président du parti Reconquête!, Eric Zemmour, sur Twitter. Le polémiste fait depuis de cette affaire judiciaire un sujet politique, accusant à demi-mot les médias et la classe politique de vouloir passer sous silence l'agression du jeune homme. Le communiqué du procureur de Bobigny, diffusé le 15 avril, n'a pas donné d'informations supplémentaires sur la question : "à ce stade, il n'existe toujours aucun élément objectif permettant de caractériser un motif discriminatoire, en particulier antisémite, à l'origine des violences", a-t-il expliqué. 

Eric Zemmour contacté par le père de Jérémie Cohen

Le père de Jérémie Cohen s'est exprimé sur BFMTV le 4 avril au soir, aux côtés de son avocat. Il a fait savoir qu'il ne souhaitait pas que la vidéo de l'agression soit diffusée. Et d'ajouter qu'il ne comprenait pas les lenteurs de la justice : "On s'est retrouvé dans une situation un peu difficile. On s'est retrouvé dans le vide au niveau de l'enquête. J'ai demandé de l'aide à ceux qui pouvaient m'aider. Et j'ai demandé effectivement à Eric Zemmour s'il pouvait m'aider dans le cadre de l'enquête. Je lui ai demandé s'il pouvait faire quelque chose pour notre fils pour faire en sorte que l'enquête ne soit pas étouffée. Il a bien voulu le faire, de ça je voudrais le remercier".

L'avocat de la famille Cohen a tenu sur le même plateau à remettre le dossier sur des rails clairement judiciaires : "Ce ne peut être un homme politique qui peut régler ce problème. Seule l'autorité judiciaire peut apporter des réponses. Je n'ai rien contre monsieur Zemmour, la récupération politique ne vient pas que de lui, à l'approche de l'élection présidentielle. [...] La famille Cohen et leurs avocats n'ont qu'un objectif, c'est de traiter avec la seule autorité compétente : l'autorité judiciaire".

La vidéo de l'agression de Jeremie Cohen

Au début du mois d'avril, une vidéo est devenu virale sur les réseaux sociaux. C'est celle de l'agression du jeune Jérémie Cohen, qui s'est déroulée le 17 février 2022. On y voit une dizaine d'individus rassemblés au pied d'un immeuble à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Ils rouent de coup Jérémie Cohen, manifestement seul et sans défense. On le voit ensuite s'effondrer derrière une voiture, puis se relever et se diriger vers les voies du tram de la ville. Un tramway qui passait à ce moment-là le heurte de plein fouet. S'en suivent des hurlements, puis la vidéo est coupée. Toutefois, cette vidéo, très floue, ne permet pas de détenir tous les paramètres et le contexte de l'agression : de fait, la famille de Jérémie Cohen affirme qu'il portait une kippa ce jour-là, son frère, Raphael Cohen, déclarant même dans une interview accordée à Radio Shalom le 31 mars : "Il y a une kippa qui a été retrouvée, ça, je peux vous l'affirmer". En outre, son père a confié que son fils agressé le 17 février souffrait d'un handicap "qui n'était pas visible physiquement", un autre aspect dont la vidéo ne peut pas témoigner. 

Il est important de noter que la famille de la victime n'est pas à l'origine de la diffusion de cette vidéo. De fait, selon les informations de i24NEWS, via le tweet de la journaliste Néomie Halouia, le père de Jérémie Gérald Cohen, s'est dit "très choqué par la diffusion de la vidéo à laquelle la famille était opposée". Néomie Halouia rajoute qu'il "juge la diffusion des images de la mort de son fils d'une violence inouïe et regrette que sa dignité n'ait pas été respectée".

Jéréme Cohen percuté par un tramway : ce qu'il s'est passé

Qu'est-il arrivé à Jérémie Cohen le 16 février 2022 ? Après avoir été violemment agressé par une dizaine d'individus (comme le prouve la vidéo), il s'est dirigé, sonné, vers les voies du tramway de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, sans qu'on ne sache s'il comptait se rendre à la station de tram la plus proche pour s'éloigner de ses agresseurs ou s'il marchait sans but, sous le choc. Toujours est-il qu'il a été heurté par un tramway de la ligne 1 (qui traverse la ville de Bobigny), au niveau de l'avenue Jean-Jaurès. La RATP a affirmé qu'il a "traversé la plate-forme des voies en dehors des traversées piétonnes" : puisqu'il est mort lors du passage du train et qu'il était seul à ce moment-là, l'enquête ouverte par le parquet de Bobigny fait état d'un "homicide involontaire".

Seulement, puisque l'agression a eu lieu quelques instants avant que Jérémie ne passe sur les rails et soit heurté par un tramway, sa famille estime qu'elle a un lien avec sa mort, et s'est donc indignée que cette première enquête n'ait fait état d'aucune agression avant l'accident mortel. En effet, cette enquête du Parquet de Bobigny a conclu à un "accident de circulation", alors même que les enquêteurs n'avaient pas encore visionné les "caméras du tram", comme l'expliquait le frère de Jérémie Cohen, toujours au micro de Radio Shalom. Raoult Cohen s'est ainsi indigné d'avoir à "mener sa propre enquête" sur le décès de son fils, rappelant que s'il n'avait pas pris l'initiative de "passer un appel à témoins", l'enquête serait "passée à la trappe".

Quelle a été la progression de l'enquête?

Dans un communiqué de presse envoyé le lundi 4 avril à la presse, le parquet de Bobigny a indiqué qu'une information judiciaire avait été ouverte le 29 mars pour "violences volontaires en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Le parquet affirme que les éléments recueillis lors de la première enquête ont permis d'établir que la victime "avait subi des violences quelques instants avec l'accident", ce qui va dans le sens des propos de la famille de Jérémie Cohen, mais qui s'appuie également sur la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Le communiqué indiquait qu'une seconde enquête avait été ouverte pour "violences volontaires en réunion" : deux enquêtes parallèles sont ainsi en cours.  Après l'appel à témoins et les prises de parole de la famille de Jérémie Cohen, les éléments du drame ont été recueillis peu à peu par les enquêteurs, jusqu'à ce que ces deux hommes se rendent au commissariat le 12 avril dernier. Leurs révélations sur le déroulé de l'agression et sur les actions et "comportements" antérieurs de Jérémie Cohen sont de précieux renseignements qui permettront peut-être de rendre justice plus rapidement. Pour le moment, ni le motif discriminatoire ni les auteurs de ce drame ne sont identifiés, comme l'indique le procureur de Bobigny dans un communiqué ce 15 avril.

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