Sortie de l'Union européenne : toujours au programme de Marine Le Pen ?

Sortie de l'Union européenne : toujours au programme de Marine Le Pen ? SORTIE UE. La sortie de l'UE n'est plus au programme de Marine Le Pen pour la présidentielle 2022. Mais plusieurs mesures, dont l'"Europe des Nations" et la révision de certains traités, pourraient conduire à des sanctions de l'Union européenne contre la France voire à un "Frexit"...

[Mis à jour le 20 avril 2022 à 21h55] La sortie de l'Union européenne et la fin de l'euro, vieille antienne du Front national, avaient fait l'objet de flottements lors de la dernière présidentielle, Marine Le Pen ayant fait machine arrière sur son référendum sur le "Frexit" dans l'entre-deux-tours de sa campagne, pour ne pas effrayer les électeurs. Pour cette présidentielle 2022, le divorce formel avec l'UE ne fait clairement plus partie du programme de la candidate du RN. Une clarification qui n'est pas sans soulever des questions, plusieurs observateurs ayant souligné pendant la campagne que certaines mesures aboutiraient, de fait, à une rupture.

Lors du débat de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle 2022, ce mercredi 20 avril, la question de l'UE a été abordée d'entrée, Marine Le Pen affirmant sa volonté de sortir du marché européen de l'énergie, pour protéger le pouvoir d'achat des Français. Elle a donné lieu à un moment de tension quand Emmanuel Macron a accusé Marine Le Pen de ne pas tenir un projet cohérent sur le maintient dans l'UE, avec son concept d'"Europe des nations" et de préférence nationale. Alors où en est la candidate du RN sur la sortie de l'UE ?

Ce qu'en dit Marine Le Pen : dans son programme, la candidate du RN dit vouloir constituer "une Alliance européenne des Nations qui a vocation à se substituer progressivement à l'Union européenne", mais ne livre pas de mode opératoire concret pour y parvenir ni de méthode pour la négocier avec nos actuels partenaires européens. Un des éléments concret du programme en revanche est un référendum visant à modifier la constitution en vue, entre autres mesures, de faire prévaloir le droit français sur le droit européen. Le texte est même déjà présenté in extenso sur le site Internet de la candidate, dans un livret consacré à l'immigration.

Ce projet de loi référendaire dit "Citoyenneté, identité et immigration" regrette notamment, dans l'exposé des motifs, qu'"en France, l'immigration est régie principalement par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, du Conseil d'État, de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour européenne des droits de l'homme". "Cette situation découle du fait que la Constitution est muette sur la question du statut des étrangers, à l'exception du droit d'asile consacré par le préambule de 1946. Elle découle également de la primauté du droit européen sur le droit français", est-il expliqué. Il est ainsi jugé "indispensable de modifier la Constitution pour y intégrer des dispositions portant sur le statut des étrangers et la nationalité et pour faire prévaloir le droit national sur le droit international".

Un référendum synonyme de "Frexit" ?

Le référendum est, en pratique, censé permettre d'instaurer plusieurs mesures clés du programme de Marine Le Pen, impossibles sans réforme de la constitution : la fin du droit du sol, la possibilité d'interdire ou de limiter par la loi le regroupement familial ou les conditions de présentation des demandes d'asile. Il doit aussi ouvrir la voie à la priorité nationale "pour l'emploi et le logement" ou encore au fameux "principe de supériorité de la Constitution sur toute autre norme, même internationale".

Ce qu'il faut savoir : plusieurs articles de presse documentés et faisant appels à des spécialistes du droit international et constitutionnel (comme celui publié en avril par Les Décodeurs du Monde) ont mis en cause la faisabilité de ce projet. Changement de la constitution ou non, le principe de supériorité des lois françaises sur les lois européennes, notamment, ne pourra passer que par une renégociation des traités européens, ce qui suppose un accord unanime des 26 autres Etats membres de l'UE. Faute d'obtenir cet accord très improbable, la France ne pourra que s'affranchir unilatéralement du droit européen, s'exposant ainsi à des poursuites de l'UE et donc à d'importantes sanctions financières.

Il en va de même du contrôles des personnes aux frontières (nécessitant une renégociation des accords de Schengen) ou de la réduction de notre contribution au budget européen (renégociation du plan de financement pluriannuel). Quant au principe de priorité nationale, autrement dit de réserver aux Français certaines allocations, certains emplois et logements, il ne sera possible qu'en quittant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH) ou, comme le propose le RN, de ne plus tenir compte de ses avis. Un choix qui isolerait lui aussi immanquablement le pays.

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