Détournement de fonds européens : de quoi est accusée Marine Le Pen ?
Pas une campagne présidentielle sans ses affaires. Et l'élection 2022 ne fait pas exception. Après l'affaire dite McKinsey qui a empoisonné la campagne d'Emmanuel Macron, voilà que Marine Le Pen est rattrapée elle aussi par une affaire portant cette fois sur un détournement de fonds présumé, remontant à l'époque où elle siégeait au Parlement européen. Le dossier a été médiatisé au beau milieu de l'entre-deux-tours par Médiapart, qui a eu accès à un rapport l'Office anti-fraude de l'Union européenne (Olaf) envoyé à la mi-mars à la justice française. Le rapport soupçonne la candidate du RN d'avoir détourné plus de 135 000 euros d'argent public du Parlement européen lorsqu'elle était eurodéputée, entre 2004 et 2017. Le document est étudié depuis le 11 mars par le parquet de Paris. Et cette analyse pourrait aboutir à un remboursement voire à des poursuites pénales.
Qu'est-il reproché à Marine Le Pen ? Le rapport de l'Olaf, selon ce qu'en a extrait Médiapart, évoque l'usage 136 993,99 euros très exactement, issus des fonds censés aider les députés européens à assumer leurs frais de mandat. Au lieu de les dépenser pour ses fonctions européennes, Marine Le Pen est soupçonnée de les avoir détournés pour financer des opérations politiques du Front national puis du Rassemblement national, en France. Il est notamment question de 5000 euros de frais d'hôtel et de voyage de 13 militants pour une réunion intitulée "Les régions et l'Europe face à la crise financière". Un rendez-vous organisé alors par le FN qui aurait en réalité servi de "préparation de l'élection interne pour la présidence du FN" selon les aveux d'un des participants.
Marine Le Pen n'est pas la seule visée par cette affaire, puisque trois autres proches ayant siégé au Parlement européen, à commencer par son père Jean-Marie Le Pen, sont visés. Ce dernier est pour sa part soupçonné d'avoir détourné plus de 300 000 euros. L'ancien compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot, et Bruno Gollnisch, ancien cadre du FN, sont aussi visés. Le total des fonds détournés s'élèverait à 617 379,77 euros.
Parmi ces sommes, Médiapart évoque 23 100 euros ayant servi à financer des objets promotionnels qui "semblent avoir été achetés pour le congrès du FN à Lyon" en 2014, des factures remboursées pour la création de sites web fantômes aux noms de Marine Le Pen et son père et d'autres "services fictifs". Comme on le lit régulièrement dans ce genre d'affaire, des factures ont aussi pu être artificiellement gonflées pour obtenir un remboursement plus généreux du Parlement européen et des marchés publics biaisés par de "fausses offres concurrentes".
Que dit Marine Le Pen ? La candidate du Rassemblement national pour cette présidentielle 2022 a dénoncé un "coup fourré", au beau milieu de l'élection. "Je conteste évidemment absolument ces accusations dont je n'ai pas eu connaissance, ce qui pose un problème en termes d'Etat de droit", a-t-elle indiqué cette semaine lors d'un déplacement en Normandie, assurant n'avoir obtenu "aucune preuve, aucun élément" et ce "malgré les demandes" qu'elle a pu faire. "J'ai une grande habitude de cela et je pense que les Français ne sont absolument pas dupes", a-t-elle ajouté.
L'avocat de la candidate s'est aussi exprimé, se disant "consterné" de l'accusation portée par l'Olaf, "sans caractère contradictoire" et sur des "faits anciens de plus de dix ans" pour certains. Il a lui aussi questionné le "timing toujours fort à propos de la révélation" et sa possible "instrumentalisation". Me Rodolphe Bosselut a précisé que Marine Le Pen n'avait pas été convoquée "par quelque autorité judiciaire française que ce soit" à ce stade.