Résultats des législatives : 3 tendances fortes (et nouvelles) qui devraient peser au 2e tour
Le deuxième tour des élections législatives se déroule ce dimanche 7 juillet. Après la poussée du Rassemblement national la semaine dernière, de grandes tendances peuvent déjà caractériser ce second tour de piste...
Un troisième tour de scrutin pour près de 50 millions de votants en un mois à peine... Les Français sont appelés aux urnes pour le second tour des élections législatives 2024, ce dimanche 7 juillet. Un nouveau rendez-vous qui suit le premier tour la semaine dernière et le tour unique des élections européennes qui avait eu lieu le 9 juin. Objectif cette fois : élire les quelque 510 députés qui restent après que 76 sièges ont déjà été pourvus dès dimanche dernier. Surtout, il s'agit de retrouver une majorité parlementaire pour le pays, après la dissolution de l'Assemblée, décidée par surprise par Emmanuel Macron au début du mois de juin, dans un souci de "clarification".
Les résultats des législatives ce dimanche soir seront normalement les fondations de cette nouvelle majorité et de cette "clarification" que le chef de l'Etat a appelé de ses voeux. Et pourtant, il y a fort à parier qu'aucune direction claire ne soit donnée à l'issue du scrutin, qui pourrait plonger la France un peu plus dans le brouillard, plus qu'il n'éclaircira la situation. Si le Rassemblement national a été donné vainqueur par de nombreuses études et projections ces dernières semaines, il devrait échouer à obtenir une majorité absolue. Face à lui, la gauche unie sous la bannière du Nouveau Front populaire et la majorité présidentielle déclinante n'auront pas plus les coudées franches pour gouverner seules. Et on voit pour l'instant mal une coalition de bonnes volontés émerger...
Mais une avalanche de sondages et deux tours de scrutin en une année, a fortiori en trois semaines, font immanquablement émerger des enseignements sur la situation politique d'un pays. Au-delà du résultat des législatives à 20 heures dimanche, c'est une nouvelle recomposition qui pourrait se confirmer, suivant trois grandes tendances.
1- Une tripartition de la politique française bousculée
On l'a répété plusieurs soirs de suite en mai puis en juin 2017, sans jamais vraiment hésiter et sans l'avoir réellement remis en cause depuis : la France était pour de bon entrée dans une "tripartition" du paysage politique. Autrement dit, un changement de logique la faisant passer de l'opposition historique entre la gauche et la droite, à un combat entre trois blocs ; un bloc "social" résultant des différentes composantes de la gauche, un bloc centriste incarné par l'émergence d'Emmanuel Macron et d'un mouvement libéral et progressiste, et enfin un bloc de droite radicale, conservatrice, souverainiste voire nationaliste.
Mais force est de constater que ce tripartisme est au mieux déséquilibré aujourd'hui, au pire en voie de disparition, sept ans à peine après son avènement. Car ce nouveau bloc centriste - de La République en Marche en 2017 à Renaissance et ses alliés au sein de la majorité aujourd'hui - n'aura jamais vraiment réussi à s'installer et à se maintenir à son niveau originel dans les urnes. Après un quinquennat et demi à la tête du pays, et alors qu'il ne disposait déjà plus que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale depuis les législatives de 2022, Emmanuel Macron voit son mouvement se recroqueviller et même se morceler entre ses composantes de gauche (Territoire de Progrès depuis absorbé dans Renaissance) et de droite (du Modem jusqu'à Horizons).
Les résultats des législatives 2017, au lendemain de la première élection d'Emmanuel Macron, lui assuraient une majorité absolue à l'Assemblée nationale avec 351 députés élus (49,11% des voix). L'Union de la droite et du centre, qu'on annonçait en voie de disparition, avait alors été créditée de 26,95% des suffrages, faisant élire 136 députés. Quant au Front national (ex-RN) et à La France insoumise, les deux partis devaient se contenter respectivement de 8 et 17 élus, les rendant quasiment inexistants au Parlement. Désormais, les macronistes espèrent conserver entre 118 et 148 sièges, contre un peu moins de 200 pour le Nouveau Front populaire et jusqu'à 250 pour le Rassemblement national et ses nouveaux alliés ciottistes.
De quoi s'interroger sur un éventuel retour d'une forme de bipartisme, qui tendrait désormais à répartir les équilibres entre, d'un côté, un bloc de droite radicale jusqu'à l'extrême droite et de l'autre, une gauche plus ou moins radicale elle aussi. Si "clarification" il y a, elle viendra peut-être de la prochaine présidentielle, en 2027.
2- Un barrage républicain en question
Vainqueur écrasant des européennes (31,37% des voix), puis du premier tour des législatives (33,15%), donné favori du second tour, le Rassemblement national a été confronté lors de la campagne de l'entre-deux tours, à un nouveau barrage républicain. Né dans les années 1980 après une première poussée du Front national et aux législatives (déjà), ce "barrage" contre l'extrême droite avait notamment eu raison des ambitions de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle de 2002, face à Jacques Chirac (82,21% des voix face à 17,79% des voix au second tour), après une semaine intense de manifestations.
La situation est radicalement différente plus de 20 ans plus tard et après l'activation de ce "barrage républicain" pendant toutes les élections nationales ou presque depuis. Une partie de la droite, notamment Les Républicains par l'intermédiaire de leur président Éric Ciotti, a commencé à se rapprocher du camp lepéniste de manière assumée, faisant sauter le "cordon sanitaire" qui existait entre les héritiers du mouvement gaulliste et le parti d'extrême droite, fondé par d'anciens Waffen-SS et des nostalgiques de l'Algérie française. L'annonce par le député sortant des Alpes-Maritimes d'un ralliement pour les élections législatives avait fait l'effet d'une bombe dans le parti de droite né de l'UMP. Lors de ces élections législatives 2024, ce sont 69 candidats LR qui figuraient sur la liste de départ au premier tour, avec l'étiquette "Union de l'extrême droite".
Certes, 221 candidats de gauche et de la majorité vont décider de se désister dans l'entre-deux tours, alors que plus de 300 triangulaires, favorables par définition au RN, étaient proposées aux électeurs. La stratégie s'avère d'ailleurs payante selon les projections publiées juste avant la fin de la campagne : la coalition d'extrême-droite peut ainsi seulement espérer une majorité relative à l'Assemblée nationale, contre une majorité absolue qui lui était promise au soir du premier tour. Pour autant, cette nouvelle victoire du "barrage républicain", mathématiquement efficace, aura été imposée par les candidats et les partis eux-mêmes.
Les résultats des sondages menés lors de la campagne des législatives vont quant à eux montrer un basculement de l'opinion sur ce "barrage républicain" si ancré dans les années 2000 et 2010. Fin juin, une étude Odoxa pour Public Sénat indiquait que 41% des sondés s'estimaient prêts à faire barrage au RN, contre 47% qui préféraient faire barrage au Nouveau Front Populaire. Ils étaient même 44% pour le bloc présidentiel. 42% des sondés jugeaient que l'arrivée de Jordan Bardella à Matignon serait une mauvaise chose. S'ils ne la souhaitaient pas, 29% des sondés assuraient même ne pas craindre l'arrivée de Bardella à la tête du gouvernement.
Quel que soit le résultat des législatives 2024, le parti d'extrême droite aura donc gagné au moins une chose : il s'est un peu plus débarrassé en 2024 de son statut de repoussoir absolu ou de menace pour le pays. Un succès de la stratégie de dédiabolisation et de professionnalisation lancée par Marine le Pen quand elle a pris les rênes du parti. A l'inverse, le rejet du Nouveau Front Populaire de la part des sympathisants de la droite, du centre et de l'extrême-droite est apparu comme conséquent.
3- Une instabilité politique qui pourrait durer
Une troisième tendance devrait elle aussi se confirmer dans les résultats des législatives : aucune majorité claire ne devrait se dégager à l'issue du second tour ce dimanche 7 juillet. Par conséquent, et sans majorité absolue acquise par l'un des trois blocs, difficile de savoir quelle politique va pouvoir être menée. Qui peut dans cette situation être nommé à Matignon en qualité de Premier ministre ? Sans majorité absolue, difficile en effet de pouvoir gouverner avec la pleine confiance du Parlement. Jordan Bardella a d'ores et déjà averti que dans le cas où son camp n'obtiendrait qu'une majorité relative, il refuserait le poste de Premier ministre.
Un macroniste aurait quant à lui peu de chances d'obtenir une nomination en cas de nouveau camouflet dans les urnes, le risque de voir renverser le gouvernement étant trop important. À gauche enfin, le nombre d'élus manquera aussi pour gouverner de manière autonome. Sans compter qu'aucune candidature crédible et consensuelle ne semble se dégager. Dans un scénario kafkaïen, faute de démissionner, le chef de l'État pourrait être tenté de dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale. Mais il ne pourra pas le faire avant l'année prochaine selon les règles établies par la Constitution. Selon un cadre politique allié à la majorité présidentielle, "une fenêtre de tir entre juin et décembre 2025" serait ainsi envisageable, rapporte Le Figaro. Reste néanmoins à savoir si un nouveau scrutin serait si différent de celui qu'on connaît aujourd'hui. Et si cette instabilité est de circonstance ou si elle s'annonce plus durable.