Premier ministre : qui pour remplacer Borne à Matignon?

Premier ministre : qui pour remplacer Borne à Matignon? PREMIER MINISTRE. La Première ministre prend ses marques à Matignon... Mais l'opposition gronde et réclame sa démission depuis plusieurs jours. Peut-elle conserver son poste ? Qui la remplacerait ?

[Mis à jour le 24 juin 2022 à 10h43] "Je suis à l'action", affirmait hier soir la Première ministre sur le plateau de LCI. Interrogée quant au fait qu'elle serait "en sursis", elle a répondu: "Je ne suis pas en train de me poser ce genre de questions". A l'heure où l'opposition réclame sa démission, son séjour à Matignon semble se prolonger… Pour autant, l'exécutif ne s'est pas exprimé sur la question, et fait régner le suspens. Le 22 juin, Emmanuel Macron prenait la parole devant les Français, appelant au "dépassement politique" pour éviter le blocage institutionnel qui guette le pays. Mais il n'a pas pipé mot sur le sort réservé à l'équipe gouvernementale et à sa Première ministre en ce début de quinquennat. S'il a refusé la "démission de courtoisie" d'Elisabeth Borne le 21 mai, la locataire de Matignon est sur la sellette. La sévère désillusion d'Ensemble! aux législatives teinte son avenir politique d'incertitude. L'opposition gronde et s'indigne que ce désaveu électoral ne déclenche pas le départ d'Elisabeth Borne. Dans la majorité aussi, on s'inquiète de ce profil de Premier ministre qui n'a pas réussi à "imprimer" pendant la campagne en tant que cheffe de la majorité et semble trop "techno", pas assez "politique" pour fédérer en l'absence de majorité absolue. Selon l'AFP, François Bayrou, l'un des principaux alliés d'Emmanuel Macron, plaiderait lui-même pour un nouveau "Premier ministre politique" à la tête du gouvernement, regrettant que les Français puissent avoir le "sentiment que c'est la technique qui gouverne".

Depuis la désillusion électorale du 19 juin, le camp présidentiel réfléchit à la possibilité d'une alliance avec certains partis afin de gouverner sans blocages. En début de semaine, Emmanuel Macon rencontrait les chefs de file des formations de l'opposition à l'Assemblée. Ces rendez-vous ne semblent pas avoir été concluants, les patrons des partis répétant qu'ils ne sont "pas à vendre", à l'instar de Christian Jacob, qui représentait les Républicains. En outre, alors que le premier secrétaire du PCF Fabien Roussel révélait en sortant d'un entretien avec le chef de l'Etat à l'Elysée que ce dernier envisageait un "gouvernement d'unité nationale", Emmanuel Macron a démenti cette initiative lors de son allocution télévisée. Mais depuis, le président s'est envolé pour l'étranger... Laissant Elisabeth Borne prendre en main la recomposition de la vie politique. Elle s'entretient actuellement avec les représentants des différents groupes. "Les Français veulent qu'on dialogue davantage, le projet tiendra compte de ceux qui s'expriment à l'Assemblée nationale", expliquait-elle encore sur LCI. Une manière de s'affirmer dans son rôle de cheffe du gouvernement. Si elle n'y parvenait pas, le poste ne serait pas vacant longtemps... Plusieurs personnalités proches du président pourraient y prétendent.

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Qui pourrait prendre le poste de Premier ministre ?

Emmanuel Macron avait nommé Elisabeth Borne Première ministre car il cherchait à donner des gages à la gauche, qui avait permis sa réélection, après la présidentielle. Changement de braquet désormais : la personnalité qui pourrait la remplacer aujourd'hui serait plutôt à aller chercher à droite après les législatives. Après l'avènement de la Nupes comme principal adversaire, puis les revers électoraux des "macronistes de gauche" Richard Ferrand et Christophe Castaner lors de ces législatives, une clarification est attendue et les politologues spéculent en effet sur un changement de bord. "Pour elle, ça va être ingouvernable, le président doit au plus vite la remplacer par un Premier ministre très politique et issu de la droite", confiait un baron de la Macronie au Parisien dès lundi.

Les noms qui reviennent pour devenir Premier ministre sont en effet ceux de personnalités très ancrées politiquement, si possible avec un attachement à la droite républicaine. A ce titre, le profil de Bruno Le Maire est sur toutes les lèvres. Un haut fonctionnaire certes, mais avec des responsabilités éminemment politiques depuis une quinzaine d'année, du poste de directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon entre 2006 et 2007 à celui de ministre de l'Economie lors des cinq dernières années, en passant par un secrétariat d'Etat aux Affaire européennes. Dans son CV figurent également le ministère de l'Agriculture dans les gouvernements de François Fillon, des mandats de député, de Conseiller général et d'innombrables batailles au sein des Républicains, qui le mèneront à candidater à la primaire de la droite en 2016. Est-ce les 2,4% de voix recueillis lors de cette candidature qui le poussèrent à se tourner vers LREM? Quoi qu'il en soit, il a quitté LR en 2017, devenant alors ministre de l'Economie dans le premier gouvernement Philippe, un poste qu'il n'a pas quitté depuis lors et qui a progressivement été élargi aux Finances, à la Souveraineté industrielle et numérique... Certains se demandent si cette ascension progressive peut le propulser à Matignon.

Non loin derrière, on trouve le nom de l'ex-LR Catherine Vautrin qui était souvent revenu à l'aube de la nomination de la nouvelle locataire de Matignon, en mai dernier. Rejetée par l'aile gauche de la majorité à l'époque, cette option pourrait revenir en force alors que l'alliance la plus évidente pour le chef de l'Etat se situe désormais à droite. La présidente de Reims métropole et ex vice-présidente de l'Assemblée nationale, restée fidèle à la droite de 1980 à 2009, milite actuellement pour un rapprochement entre LR et majorité présidentielle, un soutien dont Emmanuel Macron a cruellement besoin en ces temps troubles. Alors qu'il demandait aux partis politiques de dépasser les clivages politiques et de lui indiquer "jusqu'où ils étaient prêts à aller" dans son allocution télévisée du 23 juin, Catherine Vautrin appelle la droite à 'participer au relèvement de la France" aux côtés du chef de l'Etat. "Réunir les formations conscientes que la France ne doit pas sombrer dans l'immobilisme", tel est le mantra de la proche de Nicolas Sarkozy qui signait même une tribune dans Libération pour l'occasion. Cette preuve de loyauté envers LREM sera-t-elle suffisante pour atterrir à Matignon, cette fois pour de bon ?

Le Monde cite également le reconduit Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur étant un proche collaborateur d'Emmanuel Macron et une figure de l'aile droitière du camp présidentiel. L'ex-ministre de l'Action et des Comptes publics sous le gouvernement d'Edouard Philippe a une longue carrière d'élu local dans les Hauts-de-France, durant laquelle il a toujours été affilié à la droite. Il fut tour à tour conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais sous l'UMP, conseiller régional des Hauts-de-France sous l'étiquette des Républicains, et vice-président du conseil régional des Hauts-de-France sous les ordres de Xavier Bertrand. Toutefois, un tel scénario semble peu probable. Les récents déboires des forces l'ordre, accusées de violences par une partie de l'opposition et en première ligne dans le fiasco de l'organisation de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, en pleine campagne, ont rejailli sur le "premier flic de France". Promouvoir un Gérald Darmanin qui a bénéficié en janvier d'un non lieu dans une longue procédure suivant des accusations de viol, en pleine affaire Abad, est aussi un risque politique que le chef de l'Etat pourrait éviter.

Elisabeth Borne déjà "enjambée" par Emmanuel Macron ?

Pour l'heure, "la Première ministre a plaidé pour rester afin d'avoir les outils pour faire face à la situation et aux urgences des Français, ce qu'on ne pouvait pas faire avec un gouvernement démissionnaire et en gestion des affaires courantes", écrivait Le Monde dans son direct le 21 juin. Elisabeth Borne souhaite donc se maintenir au pouvoir pour gérer les dossiers sur le feu. Mais le gouvernement ne pourra pas ignorer longtemps le mécontentement qui gronde à l'Assemblée. A ce titre, le conseil des ministres prévu mardi 21 juin a été annulé : à la place, le chef de l'Etat a reçu les chefs de partis qui représentent les nouveaux pôles d'opposition au Parlement. L'enjeu est de négocier des alliances pour ne pas se retrouver dans un immobilisme néfaste à une gouvernance active. En langage élyséen, cela donne : "les consultations politiques nécessaires (…) afin d'identifier les solutions constructives envisageables au service des Français", comme l'a annoncé la présidence.

Pourtant, un détail fait mouche : cette mission incombe en principe à la Première ministre, ce qui fait dire aux détracteurs du gouvernement qu'elle n'a d'autre choix que de suivre les indications du président. A ce titre, la LR Rachida Dati estime même qu'Elisabeth Borne est "sous tutelle" et "enjambée" par le chef de l'Etat qui gère la question des alliances à sa place. 

La Première ministre, Elisabeth Borne, contrainte à la démission ?

La Première ministre a remporté les élections législatives dans la 6ème circonscription du Calvados, obtenant la légitimité qu'elle était partie chercher dans ce scrutin. En outre, bien qu'elle soit relative, la majorité des sièges à l'Assemblée appartient toujours au camp présidentiel. Dans les faits donc, la nomination d'Elisabeth Borne à Matignon ne peut pas être remise en cause. Mais les législatives ont rebattu les cartes et redéfini les rapports de force en politique avec une montée de la gauche grâce la Nupes, premier groupe d'opposition, et celle de l'extrême droite qui a pu constituer un groupe de 89 députés derrière Marine Le Pen, du jamais vu.

C'est dans ces camps que l'appel au changement de Premier ministre se fait évidemment le plus entendre. "Madame Borne devrait partir. [...] Elle n'a plus la légitimité politique pour gouverner", estimait l'insoumis et député des Bouches-du-Rhône, Manuel Bompard sur BFMTV le 20 juin quand le maire RN de Perpignan, Louis Aliot, considérait sur France Inter qu'Elisabeth Borne était "trop affaiblie pour pouvoir rester. Il y a un choix de Premier ministre crucial à faire, qui permette une continuité politique et une stabilité politique qu'elle n'aura pas".

La Première ministre évincée par une motion de censure ?

En cas de maintien de la Première ministre, un rendez-vous majeur aura lieu le 5 juillet prochain, jour du discours de politique générale d'Elisabeth Borne à l'Assemblée. Lors de cette prise de parole traditionnelle, le Premier ministre vient présenter son programme de gouvernement devant les députés. Elisabeth Borne pourrait elle-même engager un vote de confiance à la suite de ce temps fort, pour s'assurer du soutien à ses réformes. Un vote réclamé par une partie de l'opposition, à commencer par Jean-Luc Mélenchon. Mais un votre non obligatoire et qui se révélerait à double tranchant néanmoins si elle était mise en minorité.

Un autre scénario  se profile pour la Première ministre en marge de ce discours de politique générale : celui d'une motion de censure. Les députés insoumis ont déjà annoncé qu'une motion de censure contre le gouvernement Borne serait déposée lors de la séance du 5 juillet à l'Assemblée. Si ce vote peut faire tomber le gouvernement, les choses ne seront pas si simples dans cette nouvelle Assemblée morcelée, où l'on voit mal la Nupes et le RN voter d'un seul bloc. Chez l'intergroupe Nupes, on peine à d'ailleurs déjà à s'accorder : cette proposition de motion de censure, évoquée par l'Insoumis Eric Coquerel, n'a pas semblé convaincre le premier secrétaire du PS Olivier Faure, artisan de la coalition de gauche ni les communistes, qui préfèrent attendre d'entendre le discours de politique générale.

Les Républicains se sont aussi opposés à cette motion de censure, comme Marine Le Pen. Un refus qui met déjà en péril ses chances d'aboutir. Pour être entendue, une motion de censure doit en effet être adoptée par la majorité absolue, soit 289 députés, ce qui sous-entend une alliance entre toutes les forces d'opposition.

Qu'est ce qu'une motion de censure ?

La motion de censure est une arme politique dont disposent les groupes parlementaires d'opposition d'au moins 58 députés, condition remplie par la Nupes, le RN et les Républicains après les dernières législatives. Il s'agit d'un vote de l'Assemblée nationale utilisé pour sanctionner le gouvernement et désapprouver la politique menée mais dans le pire des scénarios il peut aussi tenter de renverser le pouvoir en place et conduire à la démission du Premier ministre et du gouvernement. Pour cela il faut que la motion de censure soit adoptée par la majorité soit 289 députés de l'Assemblée nationale. Une fois la motion de censure déposée, le gouvernement a un délai de 48 heures pour convaincre les députés de ne pas voter en faveur de la motion. Dans l'histoire de la Vème République, un seul gouvernement a été renversé par la motion de censure, celui de Pompidou en 1962.

Un nouveau Premier ministre doit-il être nommé après les législatives ?

Après les élections législatives, le seul scénario qui contraint le chef de l'Etat à nommer un nouveau Premier ministre est une cohabitation, soit un groupe d'opposition majoritaire et supérieur en nombre de sièges au camp présidentiel. Or, au soir du dimanche 19 juin, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont conservé la majorité à l'Assemblée nationale. Ils peuvent donc décider de gouverner sans majorité absolue en concluant des accords au cas par cas ou des accords de législature avec certains députés de l'opposition. C'est là le chemin que semble vouloir prendre l'exécutif, la Première ministre ayant déclaré après l'annonce des résultats des législatives : "Nous travaillerons dès demain à construire une majorité d'action, il n'y a pas d'alternatives. [...] Nous allons œuvrer dans le dialogue".

La Première ministre se prépare donc à négocier l'ensemble des textes avec d'autres forces politiques. Une mission inconfortable, symptôme d'une défaite politique et d'une crise de confiance deux mois tout juste après une victoire d'Emmanuel Macron à la présidentielle, déjà en demi-teinte et sans triomphalisme. Les négociations seraient très fréquentes étant donné que dans le système parlementaire français, toutes les décisions doivent être adoptées à la majorité absolue. Ce sont 44 voix que la majorité présidentielle devra aller chercher pour chaque proposition, une situation qui risque d'aboutir régulièrement à un blocage politique.

Que dit la loi sur la nomination du Premier ministre ?

Ce qui est sûr c'est que le Premier ministre sera toujours nommé par le chef de l'Etat et qu'aucune opposition ne peut prétendre à choisir à la place d'Emmanuel Macron l'identité du locataire de Matignon. "Le président choisit la personne qu'il nomme premier ministre en regardant le Parlement. Aucun parti politique ne peut imposer un nom au Président", assurait Emmanuel Macron lui-même dans la presse régionale avant les législatives. S'il est d'usage que le président nomme un Premier ministre étant issu de la nouvelle majorité ou que le nom soit soumis par cette majorité de députés, rien dans la Constitution n'oblige le Président à agir de la sorte.

Toutefois, le président de la République, qui nomme le Premier ministre selon l'article 8 de la Constitution, pourrait voir son choix de personnalité écarté s'il ne choisit pas une candidature plébiscitée par la majorité parlementaire. D'après l'article 49 de cette même Constitution, le groupe politique qui possède une majorité de députés à l'Assemblée nationale a un avantage décisif dans le choix du Premier ministre grâce la motion de censure ou le refus de l'accord de confiance mentionnés plus haut dans cet article.

Quel est le rôle du Premier ministre ?

Chef du gouvernement, le Premier ministre partage le pouvoir exécutif avec le président de la République. Il dirige l'action du gouvernement et fixe les orientations politiques principales. Il a deux rôles principaux, celui de coordonnateur de l'action gouvernementale et d'exercice du pouvoir réglementaire.

En tant que coordinateur, il doit s'assurer de la cohérence du ministère en évitant que différents ministres prennent des initiatives allant dans des sens opposés. En outre, s'il n'est pas, dans la Constitution, le supérieur hiérarchique des autres ministres, il peut proposer leur révocation au président de la République en cas de faute grave. Il dispose d'un certain nombre de facilités et de prérogatives qui lui permettent de mener à bien son rôle de direction de l'action gouvernementale. Selon l'article 20 de la Constitution, il "dispose de l'administration", de services propres comme le Secrétariat général du gouvernement localisés à l'Hôtel Matignon et d'un grand nombre de services qui lui sont rattachés, à l'instar du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. 

Pour exercer le pouvoir réglementaire, il assure l'exécution des lois sous réserve de la signature des ordonnances et décrets délibérés en Conseil des ministres par le chef de l'État. Il peut, de manière exceptionnelle, remplacer le Président à la présidence du Conseil des ministres. Enfin, il est responsable de la défense nationale même si, nous dit le site de vie publique France, les grandes orientations sont généralement fixées par le président de la République.

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