L'Impératrice dévoile "Tako Tsubo" : un deuxième album à bouleverser les cœurs
INTERVIEW. Trois ans après "Matahari", le groupe français L'Impératrice a dévoilé le vendredi 26 mars 2021 son deuxième album, baptisé "Tako Tsubo".
"Tako Tsubo, c'est le syndrome des cœurs brisés, cette idée que parfois, une émotion, positive ou négative, arrive et bouleverse tout, même aussi des choses aussi en place qu'un cœur qui bat." Tako Tsubo, c'est aussi le nom du deuxième album de L'Impératrice, paru le vendredi 26 mars 2021. Le groupe français revenait alors après Matahari et trois ans d'absence, "il était temps !", résume Flore Benguigui, la chanteuse de L'Impératrice. Un disque de "rupture", porté par les singles Fou, Voodoo?, Peur des filles et Hématome.
"Il y avait une volonté de créer une rupture avec ce qu'on a fait avant, que ce soit dans la couleur, dans l'ambiance. Comparé à Matahari qui est un album très nocturne, là, on a vraiment voulu passer à quelque chose de plus coloré, d'aller un peu plus loin dans l'harmonie, de ramener beaucoup d'expériences, de vécu et de les intégrer dans nos morceaux", explique Charles de Boisseguin, leader de L'Impératrice, évoquant par exemple la tournée aux Etats-Unis, au Mexique ou en Turquie, "où on a un public vraiment présent".
Une rupture donc, d'abord dans les thèmes évoqués - résolument actuels quand les textes parlent des réseaux sociaux par exemple - mais aussi dans la musique. "Les structures des morceaux sont moins classiques, on est moins le modèle "couplet-refrain", il y a plus de relief, pour imager ce syndrome de Tako Tsubo." Un nom d'album certes, mais qui évoque une pathologie réelle, appelée syndrome des cœurs brisés, étudiée par des chercheurs japonais et, hasard de calendrier, qui a vu le nombre de cas exploser depuis la pandémie de Covid-19.
Bien loin de l'idée d'avoir envie de briser le cœur de son public, les six membres de L'Impératrice veulent avec Tako Tsubo montrer qu'ils sont aujourd'hui "beaucoup plus libres dans la manière de composer". "On assume beaucoup plus nos références, nos influences, ce qu'on aime et se faire plaisir", souligne Charles. Composé de treize morceaux, cet album est un concentré d'émotions. Les mélodies, mixées par le producteur américain Neal Pogue (qui a travaillé entre autres avec Outkast, Stevie Wonder, Tyler, The Creator, Kaytranada avec qui il a eu deux Grammy Awards, Earth, Wind and Fire…), sont sublimées par la voix de Flore Benguigui, qui en écrit les textes.
Les six membres du groupe, Charles de Boisseguin, Hagni Gwon, Flore Benguigui, David Gaugué, Tom Daveau et Achille Trocellier, font presque tout en équipe. "Un travail collégial, insiste Charles. S'il y en a un ou deux qui ne sentent pas trop le morceau, on va le mettre de côté tout de suite. Il y a un consensus qui est très important." Et Flore de compéter : "C'est sûr que tous les six, on a des goûts différents, même si on se rejoint sur la plupart des choses, il y a peut-être des morceaux où on n'est pas d'accord, mais s'il y a un vrai clivage sur un morceau, en général, on n'y va pas."
Hématome, le dernier single de L'Impératrice
Justement, voici un morceau qui aura fait l'unanimité dans le groupe, mais aussi au sein du public de L'Impératrice : Hématome, le dernier single dévoilé avant la sortie de l'album Tako Tsubo. Ce morceau, écrit en 2019, reflète l'envie de rupture de L'Impératrice. Co-écrit avec le rappeur Fils Cara, il évoque le paradoxe des réseaux sociaux, "qu'on ne peut pas fuir", souligne Flore. "Il y a quelque chose de désespéré, c'est quelqu'un qui a renoncé. Quand je chante 'Je voudrais m'en aller, mais je n'ai rien à fuir', c'est cette idée qu'avec les réseaux sociaux, on ne peut pas fuir. Aujourd'hui, on est complètement envahis, même si on en avait envie, on ne pourrait pas les éviter."
L'idée de cette chanson, qui évoque l'influence des réseaux sociaux et parfois leur nocivité, leur est venue après "une expérience assez désagréable". En 2019, L'Impératrice reprend pour Virgin Radio, puis pour Konbini, la chanson A l'ammoniaque du duo phénomène PNL. "On a eu le malheur de toucher à PNL, nous petits blancs français. Et on s'est fait allumer, lyncher sur les réseaux. Donc on s'est aperçu que les gens libéraient une certaine violence, sans filtre, sans retenue ni réflexion. Et c'est le piège des réseaux sociaux. J'ai eu l'impression d'avoir commis un blasphème", se souvient Charles. "Forcément, ça fait réfléchir, à l'heure où on est obligés de passer par les réseaux sociaux. Tout ça créé une sorte de dystopie et c'est de ça dont on a voulu parler à la base."
Pour mettre en images la chanson Hématome, L'Impératrice en a dévoilé le (superbe) clip animé, réalisé par Roxane Lumeret et Jocelyn Charles, mettant en scène une histoire d'amour confrontée au monde virtuel de la Toile, le tout illustré par une créature mouvante et totalement perdue dans un monde dont elle ne maîtrise pas les codes.
Peur des filles, le féminisme et L'Impératrice
Avant Hématome, L'Impératrice, pour annoncer la sortie de leur deuxième album, avait dévoilé un autre single, baptisé Peur des filles, ainsi qu'un clip à la Tarantino, où une femme aux ongles crochus et à la coiffure impeccable découpe à la tronçonneuse tout homme se trouvant sur son passage. "Je ne sais pas si s'appeler L'Impératrice a fait de nous un groupe féministe, mais l'idée, c'était d'écrire un morceau qui parle de ce sujet brûlant, en prenant un angle un peu plus léger et ironique et surtout de se moquer, de dénoncer tous ces stéréotypes un peu idiots qu'on colle aux féministes", souligne Flore. Peur des filles, morceau acidulé et disco, reflète, au-delà de son texte, la musique de L'Impératrice, dont les inspirations sont multiples, mais qui a fait son succès en France, comme à l'étranger.
L'Impératrice, héritière de la French touch
Avec sa musique pop-disco-cosmique, L'Impératrice a réussi à se faire un nom aux quatre coins du monde. "On a un côté un peu exotique, français, avec ce truc de la French touch, dans nos sonorités, on peut avoir cet héritage-là", souligne Charles. A propos de French touch, le musicien revendique clairement l'inspiration Daft Punk, duo pionnier du genre, récemment séparé. Une nouvelle qui a créé une onde de choc mondiale et, bien sûr, impacté le leader de L'Impératrice : "j'étais hyper triste, parce que je me sens tellement proche de leur musique, à un point où j'avais l'impression de les comprendre parfaitement quand ils sortaient un morceau."
Et d'analyser : "Y'a un truc un peu blessant de se dire que les mecs qui sont la raison pour laquelle t'as fait de la musique arrêtent tout, parce qu'à priori, ils sont fatigués, ils ont fait leur temps et qu'ils sont un peu déprimés de ce qu'il se passe aujourd'hui. C'est un message un peu fort, mais un peu déprimant. C'est des gars qui ont toujours montré l'exemple, qui ont toujours été novateurs… Une fois que t'as fini de montrer l'exemple, ou que tu considères que tu as fini de montrer l'exemple, il y a un truc un peu pessimiste et déprimant de se dire 'vas-y je me barre'."