Résultats des législatives avant 20h : que disent vraiment les fuites diffusées en pleine élection ?
Alors que des premiers chiffres commencent à sortir avant 20 heures, quel crédit faut-il leur accorder ? Sont-ils fiables quant aux résultats définitifs du 2nd tour des élections législatives ?
Les journées électorales se suivent et se ressemblent. Et comme la semaine dernière lors du premier tour des élections législatives, des résultats devraient fuiter avant 20 heures sur les réseaux sociaux et les sites de grands médias francophones, au nez et à la barbe du code électoral. Ce dimanche 7 juillet en effet, après l'annonce de la participation à midi puis à 17 heures par les services du ministère de l'Intérieur, d'autres chiffres vont commencer à circuler avant même la publication des premiers résultats à partir de 20 heures.
Depuis 2017 et le scrutin présidentiel de l'époque et malgré une vigilance des autorités renforcée, des informations plus ou moins fiables circulent abondamment sur les réseaux sociaux lors de chaque élection. On se souvient notamment du phénomène "RadioLondres" qui, à l'aide de messages codés et de métaphores souvent humoristiques, a pu donner des indications sur les résultats des scrutins lors des précédentes échéances. Des boucles clandestines suffisamment explicites pour suggérer très fortement (mais sans grande fiabilité) l'identité des candidats qualifiés au second tour.
Si le hashtag #RadioLondres a vécu et si les posts des réseaux sociaux ne convainquent plus grand monde en 2024, il y a des sources bien plus reconnues encore qui se laissent aller au jeu des fuites avant 20 heures depuis près de dix ans désormais et qui devraient continuer pour ces législatives anticipées : les médias francophones étrangers, en Belgique et en Suisse notamment, où les journaux ne sont pas soumis à la loi française. Des articles sur les résultats des élections en France sont en effet légion sur leurs sites Internet lors des grands rendez-vous électoraux français.
Lors du premier tour des législatives la semaine dernière, La Libre Belgique a ainsi diffusé des chiffres vers 17h45, présentés comme des estimations fiables, mais non sourcées. Ils donnaient le Rassemblement national à 34% des voix pour ce premier tour de scrutin, devant le Nouveau front populaire à 28,5%, la majorité présidentielle à 20,5% et Les Républicains à 10%. Des résultats très proches de ce qui sera annoncé à 20 heures sur les chaines de télévisions françaises.
Quelles sources pour les estimations avant 20 heures ?
Les sources de ces estimations de résultats avant 20 heures sont généralement gardées secrètes par les médias qui les publient et qui ont pourtant pour beaucoup le statut d'institution, comme la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF, un média public), de La Libre Belgique, du Soir, ou de la Tribune de Genève pour ne citer qu'eux. Si les sondeurs disposent évidemment d'estimations solides dès la fin d'après-midi, leur permettant de livrer des estimations nationales dès 20 heures sur les grandes chaînes de télévision, ils assurent pour la plupart ne pas les communiquer aux médias pirates concernés.
Pour autant, il faut bien comprendre comment sont élaborés ces chiffres. Les "sondages sorties des urnes", qui revenaient à interroger les votants toute la journée à la sortie des bureaux de vote, n'ont plus la côte auprès des sondeurs, cette méthode basée sur du déclaratif, étant porteuse de biais. Les instituts utilisent depuis des années un comptage "réel" des bulletins dépouillés dans un échantillon jugé représentatif de plusieurs centaines de bureaux de vote en France, dans les petites communes et les villes moyennes, où le scrutin s'achève dès 18 heures ou 19 heures et où les dépouillements sont bien plus précoces et bien plus rapides que dans les grandes métropoles.
L'institut Ipsos, comme l'indique Le Monde qui est son partenaire, a par exemple des enquêteurs dans un échantillon d'environ 600 bureaux de vote. Au moment de la fermeture, chacun transmet à l'institut le nombre de votants qui permettra d'établir une estimation de la participation. Les résultats basés sur les 200 premiers bulletins dépouillés font partie d'une deuxième vague de données, des résultats partiels déjà précieux qui sont immédiatement traités par un modèle statistique, tenant compte des particularités du bureau (taille de la commune, habitudes de vote du bureau notamment).
Une troisième vague de données arrive enfin avec l'ensemble des résultats à la fin du dépouillement, qui viendront consolider les estimations en cours de soirée. C'est à partir de cette masse de données que les sondeurs élaborent les scores et les fourchettes en nombre de sièges que vous verrez apparaitre à 20 heures sur les écrans de télévision (et non pas des sondages donc). Le tout avant que les résultats, partiels, puis définitifs du ministère de l'Intérieur prennent le relais.
Ces estimations arrivent-elles dans les rédactions belges et suisses d'une manière ou d'une autre avant l'heure officielle ? Difficile de l'affirmer. Ce qui est certain, c'est que la législation française s'arrête à nos frontières et ne peut empêcher la diffusion des résultats du scrutin avant 20 heures dans d'autres pays. La télévision, la radio et la presse belges et suisses sont ainsi coutumières de la publication précoce des premiers résultats électoraux, en particulier lors des présidentielles et des législatives. Vraisemblablement, elles devraient de nouveau s'emparer des premiers chiffres dès que possible pour ce second tour de l'élection législative 2024, qui s'annonce historique.