La Tribune de Genève, Le Temps : de nouvelles fuites des résultats des élections ?

La Tribune de Genève, Le Temps : de nouvelles fuites des résultats des élections ?

Moins précoces que les médias belges lors du premier tour de la présidentielle, les sites et journaux suisses comme La Tribune de Genève ou Le Temps diffuseront-ils des résultats anticipés du 2e tour de l'élection présidentielle ce dimanche 24 avril 2022 ? Ce n'est pas sûr...

Les résultats de la présidentielle près de chez vous

[Mis à jour le 24 avril 2022 à 18h11] Ce dimanche 24 avril, les Français sont de nouveaux appelés aux urnes pour élire leur président ou leur présidente de la République. Et comme il y a quinze jours, on s'attend à ce que les sites suisses et belges publient des estimations du 2e tour de la présidentielle bien avant l'heure l'égale en France, autrement dit à 20 heures. En Suisse, La Tribune de Genève, mais aussi Le Temps et de nombreux autres médias consacrent une couverture conséquente à l'élection présidentielle, avec des "lives" sur la moindre actualité de la journée. Et ils peuvent y dévoiler, parfois bien avant 20 heures, des "premières tendances", libérés qu'ils sont de la contrainte française qui oblige les médias hexagonaux à respecter une "période de réserve" tant que le vote est en cours. Il faut en cela distinguer deux méthodes employées par les sondeurs : les sondages dits "sortie des urnes" et les estimations extrapolées à partir des premiers résultats.

La Tribune de Genève avait participé au grand déballage il y a deux semaines délivrant dès la fin d'après-midi des informations dans son live, sur son site Internet, ainsi que sur Twitter. Sur son fil, on retrouve notamment une "estimation" datée de 19h45 où Emmanuel Macron est donné largement en tête, à 31,9% contre 22,4% pour Marine Le Pen et 20% pour Jean-Luc Mélenchon.

Deux méthodes pour estimer les résultats

La première est sans doute la méthode la plus sulfureuse. Le sondage "sorties des urnes" est basé sur les déclarations des votants à la sortie des bureaux de vote ou sur Internet. Interrogés le jour du vote sur le choix qu'ils ont fait dans l'isoloir, ces électeurs, regroupés dans des échantillons représentatifs, sont supposés donner une estimation des résultats. Mais basée sur du déclaratif, avec tous les biais que cela peut supposer, cette méthode a été abandonnée par la plupart des sondeurs aujourd'hui. C'est en tout cas ce qu'ils affirment, alors que les médias belges et suisses citent encore très souvent ces fameux "sondages sortie des urnes".

La seconde méthode est considérées comme beaucoup plus fiable. Elle est même utilisée par les instituts de sondages désormais pour que les chaînes de télévision françaises puissent dévoiler une estimation du résultat de la présidentielle dès 20 heures à l'antenne. Le principe cette fois est radicalement différent : dès 19h, des petites mains s'activent dans les bureaux de vote qui ont déjà fermé leurs portes et commencent à dépouiller les bulletins. Ces enquêteurs, présents dans plusieurs centaines de ces bureaux jugés représentatifs, font remonter le résultat tous les 100 bulletins dépouillés à l'institut, qui en tire une projection grâce à un puissant algorithme. Cette méthode, qui est basée sur des bulletins réels, est aujourd'hui considérée comme beaucoup plus fiable que la première. Les premières estimations le soir du 10 avril donnaient ainsi Emmanuel Macron à environ 28% des voix devant Marine Le Pen à 24% et Jean-Luc Mélenchon à 20%. 

Il y a deux semaines, la Tribune de Genève avait mis en ligne un premier "sondage de sorties des urnes" en milieu d'après-midi donnant des chiffres dans l'Outre-mer et des estimations sur le duel final. En fin de journée, elle a aussi abondamment relayé, dans sa couverture de l'élection française en direct, les estimations parfois farfelues de ses confrères belges, notamment de la Libre Belgique. Parmi elles, une estimation a pu donner Emmanuel Macron et Marine Le Pen "au coude-à coude" et une autre a placé la candidate du RN devant le président sortant. Voici des captures remontant à 19h06, 19h29 et 19h41 le soir du premier tour.

Des estimations à regarder avec méfiance

Il faut donc rester prudent face aux "sondages" dévoilés sans vraiment être explicités par la presse étrangère. Il est le plus souvent difficile de déterminer si ces chiffres ont été établis à partir de la première ou de la seconde méthode. En tout état de cause, ils ne sont en aucun cas des résultats précis. La Commission des sondages, en France, s'est d'ailleurs émue de ces fuites comme du flou les entourant il y a quinze jours. Le jour du premier tour, elle faisait savoir qu'elle avait contacté notamment l'institut Harris, "pour s'assurer que l'engagement pris de ne pas réaliser de sondage sortie des urnes avait été respectée".

Les estimations de la présidentielle publiées par la Tribune de Genève

Estimation des résultats de la présidentielle sur la Tribune de Genève.
Estimation des résultats de la présidentielle sur la Tribune de Genève. © Capture Tribune de Genève, le 10 avril.
Estimation des résultats de la présidentielle sur la Tribune de Genève.
Estimation des résultats de la présidentielle sur la Tribune de Genève. © Capture Tribune de Genève, le 10 avril
Estimation des résultats de la présidentielle sur la Tribune de Genève.
Estimation des résultats de la présidentielle sur la Tribune de Genève. © Capture Tribune de Genève le 10 avril

Dans son dernier post de live ce 10 avril, La Tribune de Genève mentionnait explicitement l'institut OpinionWay comme source des estimations. Un institut qui s'est pourtant engagé, comme les 7 autres sondeurs français, à ne pas livrer de chiffres aux médias avant 20 heures. En 2017, ce dernier avait déjà été pointé comme le source de fuites sur les médias belges et suisses, mais s'était vertement défendu.

Le journal Le Temps pour sa part aura été un peu plus frileux. Si dans son direct sur Internet il expliquait, vidéo à l'appui, pouvoir "publier des chiffres provisoires avant la France", le quotidien restera sur un traitement relativement classique de l'élection. Des commentaires sur la "poussée de l'extrême droite confirmée en France" ou les résultats qui "ne seront pas forcément ceux espérés" chez Valérie Pécresse seront publiés avant 20 heures, mais aucune estimation formelle ne sera finalement livrée avant la fin du scrutin.

Dans ce petit jeu de poker menteur qui se joue à chaque élection, chaque média suisse fera donc son choix. Mais dans tous les cas, il faudra rester prudent ce dimanche. En France, jusqu'à 20 heures, les médias comme les Instituts de sondage ont interdiction de délivrer toute tendance sur le résultat du scrutin. Et il y a fort à parier qu'aucune "estimation" publiée avant cette heure ne soit réellement fiable.

Des fuites sur La Tribune de Genève lors de la précédente présidentielle

Ces dernières années, les médias belges et helvètes se sont fait une spécialité de s'échanger et de partager avec la terre entière les résultats des élections françaises en avant-première. Lors du premier comme lors du second tour de la précédente présidentielle, le 23 avril et le 7 mai 2017, La Tribune de Genève reprenait très tôt les infos de la RTBF, continuant ensuite dans son "live", sur son site, à feuilletonner le résultat de l'élection, au nez et à la barbe des médias de l'Hexagone, tenus au silence par la loi.

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