Démission de Macron : seule solution en l'absence de coalition ?
Emmanuel Macron exclut de démissionner. Mais sans coalition gouvernementale, son départ de l'Elysée pourrait être la seule issue face à un blocage institutionnel.
Déjà avancée avant les élections législatives, la petite musique sur la démission d'Emmanuel Macron résonne encore dans les têtes. Le président de la République prend pourtant soin de faire taire les voix allant dans ce sens dès qu'il en a l'occasion. "Les Français m'ont confié un mandat [...] et je l'assumerai dans sa plénitude", a-t-il assuré le mardi 23 juillet, lors de son interview sur France 2. Si le chef de l'Etat a reconnu avoir perdu les élections législatives, il estime que cette défaite n'implique pas son départ de l'Elysée, d'autant plus que selon lui "personne n'a gagné" puisqu'aucun camp ne dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale.
Mais cette absence de majorité absolue risque de rendre l'Assemblée nationale ingouvernable et par ricochet de peser sur le maintien d'Emmanuel Macron à la tête du pays. Le président de la République mise sur la formation d'une grande coalition pour obtenir la majorité dans l'hémicycle et écarter l'hypothèse d'une démission définitivement. Il a d'ailleurs une idée très précise de cette alliance : elle doit réunir la droite du parti Les Républicains, devenu Droite républicaine, et les socialistes, les écologistes ainsi que les communistes.
Cette coalition est, selon lui, la seule option pour éviter une blocage institutionnel, quelle que soit la personne au pouvoir. Mais Emmanuel Macron a beau appeler à une coalition, écarter tous les autres scénarios et laisser le temps aux camps politiques de négocier, ladite alliance ne prend pas forme. Il semble espérer une décantation de la situation d'ici à la mi-août puisqu'il a prévenu qu'aucun gouvernement ne sera nommé avant cette date. Si rien ne change d'ici là, la démission d'Emmanuel Macron sera-t-elle inéluctable ?
Emmanuel Macron poussé à la démission sans coalition ?
Le chef de l'Etat l'a dit dans une lettre adressée aux Français le 10 juillet et l'a répété en interview le 23 juillet : il nommera uniquement un gouvernement soutenu par une coalition majoritaire à l'Assemblée nationale. Mais aucune coalition allant de la gauche sociale-démocrate à la droite républicaine n'est en vue. Seul un rapprochement entre le camp présidentiel et la droite a été observé à l'Assemblée nationale. Emmanuel Macron a d'ailleurs glissé sur France 2 que le "pacte législatif" proposé par Laurent Wauquiez "va dans la bonne direction" et a poussé toutes les forces politiques à "faire de même". Seulement, la droite reste réticente à une coalition gouvernementale et dit vouloir s'en tenir à un pacte parlementaire.
Quant à la gauche, les partis du Nouveau Front populaire (NFP) divisés sur bien des sujets sont unanimes quand il s'agit de refuser une coalition avec la Macronie. Une alliance entre le NFP et le camp présidentiel est "impossible du fait de désaccords profonds" a assuré Lucie Castest, candidate de la gauche à Matignon, sur France Inter le 24 juillet.
La coalition voulue par Emmanuel Macron est encore lointaine et même hypothétique. Le camp présidentiel va poursuivre les tractations durant l'été avec l'objectif de pouvoir toper avec les forces politiques qu'il juge être dans "l'arc républicain" pour former un gouvernement, mais sans cela il sera difficile pour le chef de l'Etat de camper ses positions et de refuser tout autre gouvernement. Les appels à la démission pourraient alors se multiplier et quelle solution Emmanuel Macron aurait-il pour ne pas y céder ?
Une démission de Macron évitable avec un gouvernement technique ?
Sans coalition majoritaire, Emmanuel Macron n'aurait d'autre choix que de se plier à la logique qui veut que le Premier ministre, qui propose un gouvernement, soit issu de la force politique la plus représentée à l'Assemblée, c'est-à-dire le Nouveau Front populaire. Lequel souhaite former un gouvernement de gauche, contre la volonté du chef de l'Etat. L'autre solution serait de nommer un gouvernement dit technique, plutôt neutre politiquement, pour former des majorités texte par texte.
Un tel gouvernement aurait a priori une durée de vie réduite, les forces politiques refusant de soutenir un exécutif purement technique et décorrélé des rapports de force au sein de l'Assemblée nationale. Les partis pourraient soutenir une motion de censure et renverser un éventuel gouvernement technique à tout moment. Emmanuel Macron se retrouverait alors dans une impasse sans coalition et sans gouvernement technique, sa démission pourrait redevenir la dernière issue au blocage institutionnel.
Emmanuel Macron peut-il démissionner ?
S'il a plusieurs fois rejeté l'idée d'une démission, Emmanuel Macron pourrait tout à fait quitter l'Elysée avant mai 2027, date de la fin de ses fonctions. C'est d'ailleurs ce que privilégie Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel. "Pour arrêter ces difficultés graves sur le pays, je suis de ceux qui pensent que le président de la République se doit de démissionner", a déclaré l'ex-maire, député et secrétaire d'Etat RPR, figure de la vie politique des années 1970/1990.
Alain Duhamel, éditorialiste sur BFM TV et fin connaisseur de la vie politique, "n'exclu[t] pas totalement" cette possibilité. "S'il n'y a pas une majorité hétéroclite capable de soutenir un gouvernement de transition chargé d'expédier les affaires courantes pendant un an, je ne vois pas d'autre issue qu'une démission d'Emmanuel Macron", a-t-il confié à La Montagne.
En cas de démission, Emmanuel Macron ne serait pas le premier chef de l'Etat à quitter ses fonctions en cours de mandat. Il serait... le deuxième, après Charles de Gaulle. En 1969, le locataire de l'Elysée appelle les Français aux urnes pour un référendum sur une réforme du Sénat et des compétences des régions. Le "non" l'emporte sur ce projet porté par le Général. Celui-ci décide alors de se retirer et démissionne 10 ans après son arrivée au pouvoir. Depuis, excepté le décès de Georges Pompidou en cours de mandat, tous les autres présidents sont allés au bout de leur mandature.
Macron peut-il démissionner pour se représenter à une présidentielle ?
Mais si Emmanuel Macron envisageait de démissionner pour pouvoir se représenter en 2027 ? C'est ce que soupçonnent plusieurs internautes sur les réseaux sociaux, mais cette hypothèse n'est pas crédible. Une démission ne permettrait pas au chef de l'Etat d'être élu une troisième fois car l'article 6 de la Constitution limite à deux le nombre de mandats consécutifs possible à la tête de l'Etat : "Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs". Une démission ne change en rien le fait qu'Emmanuel a déjà effectué deux mandats, même si le second n'est pas complet. Au contraire, démissionner après les législatives priverait le chef de l'Etat de ses trois dernières années de présidence avant une possible nouvelle candidature en 2032.