Juge Lambert : pourquoi l'affaire Grégory l'a conduit au suicide

Juge Lambert : pourquoi l'affaire Grégory l'a conduit au suicide Jean-Michel Lambert est le tout premier juge chargé de l'affaire Grégory. Marqué au fer rouge par cette affaire, il s'est finalement suicidé en 2017 après de nouvelles accusations sur la gestion de l'affaire.

[Mis à jour le 4 octobre 2021 à 20h30] Surnommé le "Petit juge", Jean-Michel Lambert a été le premier juge d'instruction de l'affaire Grégory, cold case à la française tristement célèbre. C'est en 1984 alors qu'il était seulement âgé de 32 ans que le juge Lambert s'est retrouvé à la tête d'une des affaires les plus médiatisés de France. Particulièrement contesté dans sa manière de procéder, de nombreux reproches lui ont été faits et sa carrière, voire sa vie, sont à jamais restées marquées par l'affaire Grégory Villemin. Et ce, jusqu'à sa mort en 2017. "J'ai décidé de me donner la mort car je sais que je n'aurai plus la force désormais de me battre dans la dernière épreuve qui m'attendrait. Ce énième 'rebondissement' est infâme", dénonçait-il dans l'une des lettres-testaments rédigées avant son suicide, en juillet. Révélé au grand jour, le contenu de cette lettre faisait directement allusion à l'affaire Grégory, liant très clairement le suicide du juge Lambert au dossier.

Un nouveau rebondissement dans l'affaire Grégory à l'origine de la tragédie ?

En 1984, l'affaire Grégory était le premier dossier du juge Lambert. Coup sur coup, il inculpa Bernard Laroche et Christine Villemin avant que le premier ne soit rapidement libéré et que la mère du petit Grégory se fasse complètement disculper le 3 février 1993. Il sera finalement dessaisi de l'enquête au profit du juge Simon qui ne manquera pas d'écorcher à plusieurs reprises son confère. "On reste confondu devant les carences, les irrégularités, les fautes, les dissimulations de preuves ou le désordre intellectuel et peut-être simplement matériel du juge Lambert", indiquait des notes laissées par le juge Simon, dévoilées par BFM TV quelques heures avant le suicide de Jean-Michel Lambert.

Cette dernière salve de critiques faisait écho à un énième rebondissement après un minutieux et long travail de relecture du dossier, mené par les gendarmes avec l'aide d'un logiciel spécifique qui a conduit la justice à mettre en examen trois membres de la famille de Grégory : l'oncle et la tante du père du petit Grégory, Marcel et Jacqueline Jacob, et Ginette Villemin, une belle-sœur. Une hypothèse de complot familial qui contredisait une nouvelle fois les pistes menées par le juge.

Que comportait la lettre du juge Lambert avant son suicide ?

Le jour de son suicide, l'ancien magistrat avait adressé quatre "lettres-testaments" à des proches, dont l'une à un journaliste de L'Est républicain, qui l'avait publiée, mercredi 19 juillet 2017, sur son site internet dont voici quelques extraits de son contenu : "J'ai décidé de me donner la mort car je sais que je n'aurai plus la force désormais de me battre dans la dernière épreuve qui m'attendrait. Ce énième 'rebondissement' est infâme. Il repose sur une construction intellectuelle fondée en partie sur un logiciel. La machine à broyer s'est mise en marche pour détruire ou abîmer la vie de plusieurs innocents, pour répondre au désir de revanche de quelques esprits blessés dans leur orgueil ou dans l'honneur de leur corps. Certains de mes confrères ont emboîté le pas avec une mauvaise foi abominable. Je proclame une dernière fois que Bernard LAROCHE est innocent. La construction intellectuelle que je viens d'évoquer est en réalité un château de cartes qui aurait dû s'effondrer dès le premier regard objectif sur le dossier (...) Je refuse de jouer ce rôle. Si j'ai parfois failli, j'ai cependant la conscience parfaitement tranquille quant aux décisions que j'ai été amené à prendre. On ne connaîtra jamais la vérité parce qu'on refuse de voir la vérité. Et pourtant si on acceptait de regarder les annales judiciaires américaines ou transalpines… Je préfère sonner la fin de partie pour moi. L'âge étant là, je n'ai plus la force de me battre."

Nicole Lambert, veuve du juge Lambert, a dénoncé un "lynchage"

Elle s'est très peu exprimée sur l'affaire et le suicide de son mari. En janvier 2018 pour Ouest-France, elle se confiait de façon très amère sur le lynchage qu'a subi son mari pendant des années. "Trop de harcèlement et de lynchage médiatique l'ont poussé à commettre ce geste. Le matin du 11 juillet, BFMTV a publié une partie des carnets intimes du juge Simon. Uniquement le passage concernant le juge Lambert. Cette fois, les critiques ne venaient pas de journalistes, mais d'un collègue", explique-t-elle. "Si on avait publié les carnets dans leur intégralité, ça aurait sûrement rassuré mon mari, au lieu de le tuer. Ces carnets reflètent le mental du juge Simon. "

En 2019, dans les colonnes du Parisien, Nicole Lambert s'était également emportée après le documentaire de la plateforme Netflix sur l'affaire. "Ce documentaire, très scénarisé, donne une vision partiale de cette affaire et attise une haine dangereuse. C'est un grand déballage d'inepties mensongères, absurdes, blessantes et diffamantes. Cela fait trente-cinq ans que l'honneur de mon mari est sali, mais maintenant qu'il n'est plus là, ma fille et moi sommes en première ligne… Tous ces mots nous font l'effet d'une dose d'arsenic administrée de façon récurrente et rendent notre deuil impossible."

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