Front républicain : le barrage au RN sera-t-il soutenu par les Français ?
La gauche et la majorité ont formé un front républicain, notamment par le désistement de certains de leurs candidats pour empêcher la victoire du RN aux législatives. C'est désormais sur le vote des électeurs que repose l'issue du scrutin.
Un front républicain est bel est bien en place pour le second tour des élections législatives. La preuve en est avec les plus de 210 désistements comptabilisés avant le dépôt officiel des candidatures qui était prévu dans la soirée du 2 juillet. Au sein du Nouveau Front populaire (NFP) comme dans la majorité présidentielle, les candidats arrivés en troisième position au premier tour du scrutin se sont majoritairement désistés : 132 pour la gauche et 83 pour le camp présidentiel selon le décompte du Monde. Les désistements se sont logiquement accompagnés d'appels à voter contre le Rassemblement national (RN) et de fait pour le parti restant dans le duel du second tour.
De plus de 300 triangulaires annoncées pour le second tour des législatives, ce nombre passe à seulement 94. A la différence du nombre de duels qui est passé de 190 à 405, le plus souvent entre le RN et le NFP ou le RN et la majorité présidentielle. L'objectif est clair : empêcher le RN d'obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale à l'issue des législatives. Le parti d'extrême droite est arrivé en tête du premier tour avec 33,15% des suffrages, et dans 297 circonscriptions sur 577, et s'il avait des chances de confirmer sa victoire lors de triangulaires dans ces territoires, il aura plus de mal à s'imposer si les électorats des deux autres blocs font barrage contre lui.
Quelques exceptions au front républicain
Si l'écrasante majorité des candidats de gauche et de la majorité se sont retirés lorsqu'ils étaient arrivés en troisième position au soir du dimanche 30 juin, quelques personnalités n'ont pas participé au front république. Le Nouveau Front populaire compte 6 maintiens dans des triangulaires, quand la coalition Ensemble en compte 15. Mais dans la vingtaine de circonscriptions concernées, le RN n'est arrivé en tête que dans 4 d'entre elles selon le décompte du Monde.
A gauche quelques maintiens s'expliquent pas la consigne de LFI de se retirer uniquement quand le RN est arrivé en tête, l'insoumis Cédric Briolais a ainsi décidé de se maintenir dans la 10ème circonscription des Yvelines où la ministre Aurore Bergé s'est imposée en tête du premier tour, par exemple.
Tandis qu'au sein de la majorité, les maintiens répondent à la stratégie du "ni RN, ni LFI" notamment défendue par Edouard Philippe, le patron du parti Horizons. La plupart des candidats de la majorité ayant refusé de se retirer estiment faire face à des candidats de gauche, le plus souvent insoumis, qui sont "contre la République" à leurs yeux. C'est le cas pour la candidature de Louis Boyard dans le Val-de-Marne, face à laquelle un membre de la majorité s'est maintenu.
Le front républicain soutenu par les électeurs ?
Le front républicain mis en place par les acteurs politiques et candidats aux législatives, l'issue du scrutin des législatives est désormais entre les mains des électeurs. Les Français votant pour la gauche ou pour la majorité présidentielle soutiendront-ils à leur tour le barrage construit contre le Rassemblement national ? Un sondage réalisé par l'Ipsos au soir du premier tour montre une certaine réticence des électeurs au retrait des candidats de leur parti, mais une partie d'entre eux déclare pouvoir faire barrage au RN en votant pour une autre famille politique.
Chez les électeurs de gauche, 34% se disent favorables au retrait de la gauche pour faire barrage au RN, mais 51% préfèrent voir le candidat NFP se maintenir en cas de triangulaire. Quant aux électeurs macronistes, ils sont 53% à souhaiter le maintien du candidat du camp présidentiel dans une triangulaire, mais 21% soutiennent un retrait uniquement si la gauche n'est pas représentée par LFI et 8% veulent un retrait quel que soit le candidat capable de battre l'extrême droite.
Malgré ces positions exprimées après l'annonce des résultats du premier tour des législatives, les consignes de vote peuvent avoir fait leur chemin chez "une majorité des électeurs des trois principaux blocs [qui] suivront les consignes de vote de leur parti" selon l'analyse président d'Odoxa Gaël Sliman dans La Dépêche du Midi. Le directeur général délégué d'Ipsos, Brice Teinturier estimait lui aussi que les désistements et donc le front républicain devrait "jouer plutôt en défaveur du RN".
Le vote des électeurs de la droite et de la majorité décisif ?
Le Nouveau Front populaire est persuadé que ces électeurs suivront ses consignes de vote et soutiendront le candidat opposé au RN dans toutes les circonscriptions, quelle que soit sa famille politique. La gauche a effectivement déjà prouvé sa fidélité au front républicain en soutenant Emmanuel Macron lors des seconds tours des deux dernières présidentielles face à Marine Le Pen.
Le vote des électeurs de la droite en revanche est moins certain. Déjà parce que Les Républicains du canal historique n'ont pas donné de consigne de vote autre que de celle de soutenir leur candidat lorsqu'il était qualifié pour le second tour des législatives. Ensuite, parce que la conclusion d'une alliance entre Eric Ciotti et le Rassemblement national, bien que désapprouvée par la majorité des membres du parti, peut donner l'impression d'un rapprochement plus simple entre les idées de la droite et celles de l'extrême droite plutôt qu'avec celle de la majorité présidentielle - même si une partie de l'électorat de droite a glissé vers le camp macroniste ces dernières années. Cette porosité entre la majorité et la droite pourrait dans un certain nombre de cas rassembler les votes derrière le camp d'Emmanuel Macron, mais du fait de la déception de certains électeurs après les mandats du chef de l'Etat, ne pourrait-elle pas les faires glisser vers le RN ? Ces votes seront sans doute décisifs pour l'issue du scrutin.