Pascal Mahé : "Si le résultat est d'être second ou troisième, l'objectif n'est pas atteint"
L'épopée des "Barjots" dans le milieu des années 1990 a marqué le début de la domination du handball français sur la scène internationale, avec d'abord la troisième place des "Bronzés" à Barcelone en 1992, puis le titre de champion du monde en 1995. Cadre de cette équipe, Pascal Mahé a vécu les premiers Jeux olympiques d'une équipe de France de handball bientôt hégémonique. Il a accepté de revenir pour Linternaute sur cette aventure et sur les Jeux à venir à Paris.
Pascal Mahé - Nous, déjà, on était la première génération à qualifier une équipe de France de handball aux Jeux olympiques, c'était en 1992 à Barcelone. Ça prenait donc une dimension supplémentaire parce qu'on avait ce côté de première fois, et on avait envie que ce soit un vrai feu d'artifice, même si on ne connaissait pas tous les codes et qu'on y est allé comme un enfant qui découvre le sapin de Noël ! On était vraiment très joyeux, très ambitieux et très déterminés de vouloir marquer de notre empreinte ce parcours olympique. Cette aventure à Barcelone a été une aventure sportive et humaine incroyable qui reste, pour moi, l'un des plus beaux souvenirs de ma carrière parce qu'en plus, ça se termine par une médaille. On est la première participation et la première médaille du handball français donc ça a été quelque chose d'exceptionnel.

C'était la compétition de fin de parcours, la fin d'une histoire pour le groupe avec lequel on avait commencé dans les années 90. Pour le coup, l'ambiance et l'atmosphère étaient complètement différentes à Atlanta. Ce n'était plus une découverte et on attendait de nous qu'on fasse un résultat. On s'est perdu dans ce qu'il fallait mettre dans ces Jeux pour essayer de décrocher le titre olympique, puisqu'un an auparavant on était champions du monde donc on allait là-bas pour remporter la médaille d'or.
Avec un objectif fort et assumé, mais au niveau sportif et même dans les relations dans le groupe ça a été difficile. On a vécu des Jeux compliqués qui se sont soldés par la quatrième place, la plus mauvaise quand tu participes à ce type de compétition.
Tu l'abordes avec gourmandise, tu sais que les Jeux sont tous les quatre ans et que c'est une belle opportunité et une belle aventure. Bien évidemment, tout est mis en place au niveau des clubs et de la Fédération pour faire en sorte que le calendrier soit le moins lourd possible. Il l'est forcément puisque tu rajoutes une compétition mais quand tu as la chance de pouvoir participer à ce type d'événement... La fatigue, ça passe après. L'intérêt c'est d'arriver dans les meilleures conditions, le moins fatigué possible et surtout pas blessé pour pouvoir y participer et prétendre à aller chercher une médaille.
"Les JO de Paris ? Tu sens un soutien et un engouement populaire et familial beaucoup plus fort."
Evidemment c'est à la maison donc tu sens un soutien et un engouement populaire et familial beaucoup plus fort puisque les gens partagent presque ton quotidien. Alors est-ce qu'on appelle ça de la pression, positive ou négative, moi j'ai toujours pensé que c'était galvanisant et que ça apportait un supplément d'âme. Ça reste pour le coup un événement exceptionnel que ceux qui auront la chance d'y participer vont vivre à 100% et tous les gens qui les aiment de la même façon. C'est pour moi un atout pour le handball.
Si le résultat est d'être second ou troisième, ce qui reste malgré tout une médaille, on peut dire que l'objectif n'a pas été atteint. Mais si on regarde ça du côté de la performance, ça reste quelque chose d'exceptionnel ! Ça fait pratiquement trente-cinq ans que le handball français est sur le podium ou pas loin, je sais de quoi je parle puisque j'étais au début de l'aventure. Quand on sait ce que c'est de se qualifier pour les Jeux olympiques, de faire quinze jours de compétition avec un match tous les deux jours, la déception peut être là de ne pas être premier, mais ça reste quand même quelque chose d'exceptionnel. Même si la médaille d'or n'est pas au bout ça restera malgré tout des performances hors du commun.
Personne n'a jamais remporté l'Euro et les Jeux la même année, est-ce que c'est un hasard ?
"Je pense que les filles ont un vrai potentiel. En ce moment, elles marchent sur l'eau et c'est très bien pour le handball féminin. Pour les garçons, la concurrence va être rude..."
Pour moi c'est juste une histoire de calendrier, ça aurait pu être trois mois avant. De toute manière on va attendre de l'équipe de France qu'elle soit à la hauteur de ce qu'elle est depuis trente-cinq ans, aussi bien les garçons que les filles. Je pense que les filles ont un vrai potentiel. En ce moment, elles marchent sur l'eau et c'est très bien pour le handball féminin. Pour les garçons, la concurrence va être rude parce qu'on n'est pas aussi dominant qu'on l'a été il y a quelques années et ça sera toujours les mêmes équipes qui vont nous mettre des bâtons dans les roues. Ça sera surement une affaire de détails, comme souvent dans le sport de haut niveau : une bonne ou une mauvaise passe, un tir sur le poteau, ou un coup-franc improbable sur le gong !
On travaille avec les jeunes depuis 1976 ou 1977 avec la création du premier sport étude. C'est une politique sportive qui a été mise en place par la fédération et qui nous oblige à aller chercher des résultats. On s'inscrit dans l'excellence et c'est un choix fort de la part de la fédération. Tout ce qui est fait en amont, au niveau des pôles, des clubs, de la formation des cadres, permet de pouvoir alimenter l'élite car tout ce travail est mis en place depuis de longues années. Ce serait dommageable que ça ne réussisse pas, il y aurait des questions à se poser sur le fonctionnement et l'efficacité du système. En l'occurrence, on sait ce qui fonctionne et il y a beaucoup d'autres fédérations qui nous envient ce système. J'ai travaillé en Allemagne pendant une dizaine d'années et ils souhaiteraient avoir les mêmes moyens pour fonctionner. Ils font comme ils peuvent pour essayer d'exister au plus haut niveau. C'est tout cet investissement humain, financier et structurel qui permet au handball français d'être toujours au plus haut niveau, chez les garçons et chez les filles.
"Porte-drapeau ? Il ne faut pas que celui qui le sera ait un match le lendemain [...]. Ça risque d'être le cas pour un handballeur, donc rien que pour ça, je ne le souhaite pas."
Oui, bien sûr ! Après, ce n'est vraiment pas la priorité, si ça se fait, c'est évidemment la cerise sur le gâteau, mais il y a tellement d'enjeu quand tu t'engages dans ce type de compétition qu'il faut vraiment se protéger. Être celui ou celle qui représente le sport français c'est très riche individuellement, maintenant il ne faut pas que celui qui le sera ait un match le lendemain. Ça risque d'être le cas pour un handballeur, donc rien que pour ça, je ne le souhaite pas. C'est beau et dangereux à la fois pour la compétition parce que ça génère du stress et beaucoup de responsabilités. Ça te met dans une position de numéro et de responsable de toute la dynamique du sport français.
C'est une pratique qui est complémentaire du hand à sept. C'est un outil de communication très fort, un sport très attrayant et sympa pour les jeunes générations. Ce n'est plus qu'uniquement un sport de plage puisque des structures se mettent en place, dont une des plus belles en France à Houlgate qui va être inaugurée prochainement. Il y a une vraie volonté fédérale de rattraper le temps perdu puisqu'on avait sept, huit ans de retard sur les autres nations. Il y a une volonté sportive assumée par la fédération pour développer cette pratique, et pas uniquement pour participer mais pour aller gagner des titres. La machine est en route, maintenant charge aux formateurs de construire des équipes compétitives pour faire en sorte que dans les prochaines années on puisse aller chercher des titres en jeunes et en senior, chez les garçons et chez les filles.
C'est pour moi une évidence, il y a le beach-volley pourquoi il n'y aurait pas le Beach-handball alors qu'on sait que c'est spectaculaire, il y a beaucoup de vitesse… Il y a tout ce qu'il faut pour faire en sorte que ce sport soit représenté aux Jeux olympiques. Pour moi c'est une question de temps et il le sera certainement aux prochains.