Estimations des élections américaines : ce qu'il faut savoir sur les tendances

Estimations des élections américaines : ce qu'il faut savoir sur les tendances Les premières estimations du résultat des élections américaines ont été dévoilées dans la nuit de mardi à mercredi. Mais il faut rester prudent, le verdict pouvant se faire attendre jusque tard dans la journée de ce mercredi 4 novembre, voire plus...

[Mis à jour le 4 novembre à 5h45] Les élections américaines ont débuté ce mardi 3 novembre 2020 dans 50 Etats qui doivent départager le président sortant Donald Trump et son rival démocrate Joe Biden. Les bureaux de vote de neuf Etats de l'Est des Etats-Unis ont ouvert leurs portes les premiers ce mardi matin, dès 6h locales, soit midi en France. Ils ont fermé leurs portes à minuit heure française, alors que les bureaux de vote de la côte ouest étaient en train de voter depuis quelques heures à peine. Les derniers bureaux de vote, sur la côte Ouest, ont fermé leurs portes à 4 heures du matin, heure française toujours.

Les premières estimations des résultats de ces élections américaines ont commencé à affluer vers 1 heure du matin, heure de Paris, à mesure que la Virginie, la Géorgie et les Etats les plus orientaux ont terminé le scrutin. La salve des indicateurs s'accentuera quand la Floride, un des Etats clés, dévoilera à sont tour ses premières estimations, suivie de celui du Texas. Resteront alors une poignées d'heures cruciales pour découvrir enfin le résultat de cette présidentielle. A moins que...

Des estimations tardives des résultats redoutées

Si les estimations des résultats des élections américaines sont clairement en faveur de l'un ou l'autre des candidats, alors on connaîtra le 46e président des Etats-Unis dans les premières heures de la matinée en France. Mais un scénario à suspense semble bien s'imposer avec des estimations trop serrées pour déterminer un résultat net et précis. L'augmentation massive du vote anticipé et du vote par correspondance, plébiscités par des dizaines de millions d'électeurs cherchant à éviter des bureaux de vote bondés en temps de Covid, a modifié la physionomie de ce scrutin, créant une incertitude quant au moment où les résultats seront connus. Outre-Atlantique, les experts prévoyaient récemment que le taux de vote par correspondance se situerait entre 50 et 70% à l'échelle des quelque 200 millions d'Américains appelés aux urnes, contre environ 23% lors de la précédente présidentielle américaine en 2016. Il s'élève à 100 millions de votants selon les dernières estimations. Pour la première fois de l'histoire, la moitié des Américains auront ainsi voté avant le jour-J.

On pourrait penser que cette avance sur le scrutin offrirait des estimations rapides et tout de suite significatives. Les Etats qui ont enregistré un fort taux de vote anticipé et qui peuvent comptabiliser les bulletins avant ce 3 novembre ont pu en effet dévoiler des chiffres dès la fermeture des bureaux de vote. Mais ce record du nombre de vote anticipé induit au contraire une longue période de dépouillement. Certains Etats ont en effet indiqué que les votes anticipés ne seraient pas comptabilisés avant la fermeture des bureaux de vote et quelques uns ont même prévenu que le processus de comptage pourrait prendre plus de temps.

Eviter le retournement de 2016

Difficile de dire dans ce contexte quand les estimations seront suffisamment fiables pour déterminer le vainqueur. Le Washington Post indiquait il y a quelques jours que certains Etats pourraient ne pas avoir de résultats complets avant plusieurs jours... Dans la pratique, près de la moitié des Etats américains acceptent les bulletins de vote arrivant par courrier après le jour du scrutin, avec une période de tolérance selon la date indiquée sur le cachet de la poste. Une trentaine autorise même les électeurs à corriger des erreurs qui, autrement, entraîneraient le rejet de leur bulletin de vote. De quoi retarder encore un peu la sentence finale.

Du côté des médias, américains comme français, on livre bien évidemment des estimations depuis plusieurs heures déjà, mais on veille par ailleurs a éviter le scénario de la nuit très difficile de novembre 2016. Alors qu'au milieu de la nuit, le 8 novembre 2016, Hillary Clinton était donnée en tête, c'était finalement Donald Trump qui avait raflé la mise dans la matinée. De chaque côté de l'Atlantique, la plupart des organismes de presse font donc preuve d'une prudence accrue cette année. Beaucoup s'accordent à dire que les premières estimations ne donnent pas une image complète de la situation.

Des risques d'estimations biaisées en faveur de Trump ou Biden

La prudence est d'autant plus de mise cette nuit que les premières estimations peuvent donner une vision biaisée des résultats de cette élection américaine. Les électeurs démocrates étant plus attirés par le vote par correspondance, honni par Donald Trump pendant une partie de la campagne, ils seront comptabilisés plus tard dans certains Etats où les votes anticipés font l'objet de décomptes tardifs. Dans ces Etats, Joe Biden peut apparaître comme le grand perdant. La tendance pourrait ensuite se rééquilibrer, pouvant donner lieu à des surprises.

Ces biais devraient être encore plus pervers dans les "Swing States", ces Etats en balance entre républicains et démocrates et qui devraient déterminer le sort de cette élection. L'Arizona, la Floride et la Caroline du Nord, trois Etats clés, ont autorisé le comptage des votes par correspondance avant le jour du scrutin. Il faudra donc manier leurs premières estimations avec beaucoup de prudence, tandis que d'autres "Swing States" comme la Pennsylvanie et le Michigan devraient faire durer le suspense avec un dépouillement plus lent.

Quelles estimations dans les Swing States ?

L'Arizona, qui permet le dépouillement des bulletins de vote par correspondance avant le jour-J, prévoyait de publier les premières estimations vers 20 heures, heure locale, soit vers 4 heures en France. La Floride, devait suivre sensiblement le même processus, mais le décalage horaire moindre avec la France devait permettre d'avoir des estimations vers 1h du matin. Il n'en est rien à l'heure où nous écrivons ces lignes. Même chose dans le Minnesota dont les estimations devaient être connues vers 2 heures, heure française.

Les bulletins des votes par anticipation ne sont pas décomptés à l'avance en revanche en Géorgie, où le résultat pourrait être tellement serré que les autorités s'attendent à un verdict tardif, jusqu'à deux jours après le scrutin. Le Michigan, qui procède à un dépouillement anticipé seulement dans les villes de plus de 25 000 habitants, semble se diriger vers le même calendrier, comme la Pennsylvanie ou le Wisconsin, qui promet néanmoins des résultats dès ce mercredi. La Caroline du Nord ne compte aucun vote elle non plus avant la fermeture des bureaux. L'Ohio de son côté prévoit de publier assez tôt des résultats préliminaires agglomérant les votes anticipés (dont les votes par correspondance) et les votes de ce 3 novembre.

Une donnée clé, le vote par correspondance

Vote anticipé et vote par correspondance sont deux éléments clés du scrutin. Et ils devraient clairement faire la différence. Les bulletins de vote par correspondance doivent passer par plusieurs étapes avant d'être comptés, y compris un examen par des commissaires électoraux pour s'assurer de leur validité. Ce contrôle rend le processus de comptage des bulletins de vote par correspondance plus long des bulletins déposés en personne dans un bureau de vote, contrairement à ce qu'on pourrait croire de prime abord. D'autant que dans certains Etats, les fonctionnaires ne sont pas autorisés à commencer avant le jour du scrutin. La crainte de Donald Trump, brandie depuis des mois d'une fraude généralisée pourrait complexifier l'équation, bien que rien ne prouve que le vote par correspondance entraîne une fraude généralisée.

Un exemple très parlant de l'impact du vote par correspondance : alors que 23 Etats ont organisé des primaires après la mi-mars, il aura fallu en moyenne quatre jours pour communiquer des résultats presque complets selon le WashingtonPost. En Pennsylvanie et dans le Wisconsin, il aura fallu environ six jours pour publier les résultats, tandis qu'en Géorgie, il aura fallu dix jours. L'exemple le plus dramatique est celui de New York, où il aura fallu environ six semaines pour connaître le verdict des primaires démocrates...

Des résultats tardifs, très tardifs ?

Les Américains savent généralement qui a gagné les élections bien avant que les résultats ne soient officiels. Si la désignation du vainqueur cette nuit ou ce mercredi prendra du temps, la publication des résultats officiels, elle, sera encore plus attendue dans le temps. Chaque Etat a un calendrier différent pour la clôture du scrutin, ce qui implique de compiler les rapports, de s'assurer que chaque bulletin de vote est pris en compte et de certifier les résultats. Le processus se déroule généralement plus tard en novembre et se prolonge parfois jusqu'en décembre.

Cette année, les marges étroites qui ont été annoncées dans certains Etats par les sondages augmentent en outre la probabilité de batailles juridiques. La pression sera cependant sur les tribunaux pour qu'ils résolvent rapidement les litiges. Quoi qu'il en soit, les "grands électeurs" qui voteront in fine pour le futur président américain devront être nommés avant le 8 décembre, ou au plus tard le 14 décembre, quand ces derniers se réuniront dans les capitales des Etats pour voter. Leur vote sera comptabilisé et le résultat proclamé le 6 janvier.

La crainte d'assister à un remake de l'élection présidentielle de 2000 est bien présente dans les médias américains. A l'époque, une marge extrêmement étroite entre le candidat républicain George W. Bush et le vice-président de l'époque, Al Gore, avait conduit à un recomptage en Floride. Le processus s'était enlisé poussant la Cour suprême de Floride à ordonner un recomptage manuel d'environ 45 000 bulletins de vote, signalés comme ne faisant pas apparaître un choix clair dans la course à la présidence. A l'époque, il fallait percer un trou sur le bulletin de vote à côté du nom de son candidat, mais régulièrement, les trous n'étaient pas clairement marqués, un morceau de papier perforé restant attachéau bulletin (ce qui vaudra à cette crise le surnom de "hanging chads"). L'équipe de George Bush junior réussira a arracher le victoire alors que Gore semblait avoir remporté le vote populaire. Ce scénario semble néanmoins peu probable selon des experts.

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