Le scénario d'une guerre nucléaire écarté par la Russie et l'Occident ?

Le scénario d'une guerre nucléaire écarté par la Russie et l'Occident ? La menace nucléaire ne semble plus aussi directe sur la guerre en Ukraine. Vladimir Poutine a toutefois indiqué le 20 décembre 2022 que la force nucléaire russe continuera d'être développée en 2023 en parallèle du conflit russo-ukrainien.

[Mis à jour le 22 décembre 2022 à 19h01] Voilà dix mois que la guerre fait rage en Ukraine. Si sur le terrain les combats entre troupes russes et ukrainiennes redoublent d'intensité, le Kremlin semble avoir mis de côté les menaces nucléaires. Alors que les allusions de Moscou à l'arme atomique un temps insistantes se font de plus en plus rares, Vladimir Poutine a rappelé le 20 décembre que la force militaire et nucléaire continuera d'être développée en 2023. Un développement qui prévoit, entre autre, la "préparation au combat" des engins, a précisé le président de la République fédérale de Russie lors d'une réunion avec les hauts gradés de l'armée diffusée à la télévisions russe. Ces déclarations, et toutes les autres, ont traduit la volonté de chef d'Etat de poursuivre la guerre en Ukraine et de conquérir le territoire. Reste qu'à la différence des premiers mois du conflit, ni Vladimir Poutine, ni son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, n'ont brandi la menace imminente du nucléaire, se contentant de vanter le tout nouveau bijou militaire russe : le missile hypersonique Zircom capable d'une portée de 1 000 kilomètres et "sans équivalent dans le monde", d'après le maître du Kremlin. Une menace suffisamment conséquente pour se passer d'une mention du nucléaire.

Cette discrétion soudaine sur le recours militaire ultime est observée depuis novembre, date d'un changement sensible du discours de Vladimir Poutine. Le 2 novembre, le ministère russe des affaires étrangères avait affirmé que la "principale priorité" de Moscou est de prévenir tout affrontement entre puissances nucléaires" qui serait responsable de "conséquences catastrophiques". Une volonté confirmée par les informations du Wall Street Journal selon qui des discussions entre Washington et des responsables russes se tenaient depuis plusieurs mois sur le risque nucléaire et l'élargissement de la guerre en Ukraine mais aussi et sur les moyens de se prémunir d'un tel scénario. Le New-York Times rapportait pour sa part début novembre qu'à Moscou d'autres discussions avaient lieu entre les dirigeants et stratèges russes mais sans Vladimir Poutine sur le moment et la manière dont une arme nucléaire tactique pourrait être utilisée dans le conflit. De potentiels échanges qui n'ont pas eu de répercussions sur le terrain, aucun mouvement militaire visant à préparer une attaque nucléaire n'ayant été observé par les différentes agences de renseignements.

La Russie peut-elle entamer une guerre nucléaire ?

Les menaces de guerre nucléaire sont une rengaine de la Russie depuis le début de l'année 2022. Elles vont de pair avec l'invasion de l'Ukraine par les forces russes lancée le 24 février dernier et sont depuis régulièrement proférées par les dirigeants du Kremlin. Mais à chaque fois qu'une attaque nucléaire a été mentionnée, la possibilité de subir un assaut a été écartée d'une part par les renseignements militaires, de l'autre par la réglementation sur les attaques nucléaires. La doctrine russe autorise toutefois un assaut si les intérêts vitaux de la Russie sont menacés et Vladimir Poutine a entrouvert cette porte lors de son discours du 21 septembre en assurant que l"intégrité territoriale, [la] liberté, [la] souveraineté seront défendues [de la Russie] par tous les moyens nécessaires" et qu'elles étaient déjà mises en danger par les actions de l'Occident. Cela concerne désormais, en plus, à ses yeux, les quatre régions ukrainiennes qui ont été annexées fin septembre. 

Le lancement d'une attaque nucléaire offensive est formellement interdit à toutes les puissances nucléaires et la Russie se mettrait en porte à faux si elle initiait l'attaque. De plus, les conséquences du largage d'une bombe atomique seraient sans précédent et n'épargneraient pas la Russie. Reste que la doctrine du Kremlin permet d'user d'armes nucléaires pour des attaques tactiques sur certaines zones et cette possibilité a déjà été avancée par les forces russes il y a quelques mois. Selon le colonel Michel Goya, invité sur BFM Business le 4 octobre, les Russes "ont les moyens de le faire, mais ils savent que c'est une arme de dernier recours et [ils] n'en sont militairement pas là".

D'autant plus que si l'assaut frapperait un grand coup, il paralyserait ensuite l'affrontement car tout serait détruit et surtout, la zone serait contaminée par les radiations. Militairement, les avantages d'une attaque nucléaire tactique sont discutables, mais sur le plan politique ils sont nuls. Un assaut tactique reste une attaque nucléaire qui appellerait une réponse sévère et immédiate de l'Occident. Lequel est prêt à répondre come l'indiquait l'ancien directeur de la CIA, David Petraeus, sur ABC dimanche 2 octobre : "Nous répondrions en menant un effort de l'Otan qui éliminerait toutes les forces conventionnelles russes que nous pouvons voir". L'homme a toutefois ajouté : "on ne veut pas se lancer, une nouvelle fois dans une escalade nucléaire."

Quelles sont les réactions face à la menace d'une guerre nucléaire ?

La Russie est la seule à avoir brandi, à plusieurs reprises, la menace nucléaire et la seule aussi à soutenir l'idée. En Occident, un assaut nucléaire est considéré comme le pire des scénarios et la Chine et l'Inde qui se présentent comme des alliés de Moscou face au bloc occidental ont aussi refusé l'hypothèse d'une attaque nucléaire en appelant à trouver un "cessez-le-feu à travers le dialogue" ainsi qu'une "solution qui règle les préoccupations sécuritaires légitimes de toutes les parties dès que possible". Difficile dès lors pour Vladimir Poutine de trouver du soutien. A l'occasion du G20 organisé à Bali à la mi-novembre, l'ensemble des dirigeants ont trouvé un accord pour rédiger un communiqué qui précise que "la plupart des membres [...] condamnent fermement" le conflit et jugent "inadmissible" les menaces ou le recours nucléaire. Toutefois le 15 novembre, la Chine a souligné le discours russe "rationnel" et "responsable" selon lequel Moscou refuse de mener une guerre mondiale.

Reste que la menace nucléaire plane toujours. Le chef de l'Otan a plusieurs fois dénoncé la "rhétorique nucléaire dangereuse" du président russe. Il a été suivi de Washington qui a accusé la Russie de "violer de manière éhontée" les principes fondateurs des Nations unies et qui s'est dit le 2 novembre "de plus en plus préoccupé" par un éventuel assaut nucléaire". À l'opposé de Washington, le président ukrainien, Volodymyr Zelenksy a, lui, affirmé ne "pas croire" à l'utilisation d'armes nucléaires par la Russie, dans une interview accordée à la chaîne télévisée allemande Bild TV, tandis qu'Emmanuel Macron a invité la communauté internationale à "mettre le maximum de pression" sur Vladimir Poutine.

Que prévoient les simulations d'une attaque nucléaire russe ?

La menace nucléaire a été brandie plus d'une fois depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais l'hypothèse d'une attaque a pris une autre dimension au printemps 2022 quand en échos aux discours de Vladimir Poutine sur la force de frappe et l'arsenal russe, les médias proches du Kremlin ont participé à la propagande et se sont prêtés à des simulations d'une attaque nucléaire. Sur la chaîne publique Rossiya 1, des chroniqueurs ont assuré le 28 avril 2022 qu'il ne suffisait que de quelques minutes pour qu'un missile rase les villes européennes : 106 secondes pour rayer Berlin de la carte, 200 pour Paris et 202 pour Londres. La scénario apocalyptique a de quoi faire peur mais il est surtout biaisé par le discours pro-russe et véhicule de fausses informations. 

Les jours suivants, le discours des médias russes et les simulations ont été discrédités par les explications de Benjamin Gravisse dans les colonnes de Libération. Le politologue spécialiste des questions militaires russes a affirmé que les scénarios s'appuyaient sur les capacités du missile Satan 2 qui est bien en possession de la Russie mais encore en phase de test et inutilisable avant la fin de l'année. Deuxième problème, les simulations tenaient compte d'un lancement opéré depuis de l'enclave de Kaliningrad alors que cette base militaire n'est pas équipée pour lancer un missile nucléaire et enfin, même lancé depuis cette zone, un missile prendrait plus de temps pour atteindre les capitales européennes.

Si ces simulations d'attaques nucléaires sont erronées, les risques d'un assaut à l'arme atomique sont toujours possibles et les dégâts seront sans précédent. Reste qu'à l'heure actuelle à part les capacités et les périmètres des destruction estimés de chaque missile, rien ne permet de simuler les conséquences d'une attaque nucléaire. L'on sait simplement qu'au sein de l'arsenal russe, certaines ogives nucléaires peuvent réduire en poussière un territoire sur des dizaines de kilomètres. A noter que l'Occident dispose de missiles à la force de frappe équivalente.

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