Lamia El Aaraje, candidate PS : "A la place de LFI je ne fanfaronnerais par trop"
INTERVIEW. Candidate investie par le PS dans la 15ème circonscription de Paris pour les législatives, Lamia El Aaraje sera face à une candidate insoumise de la Nupes mais entend bien retrouver le siège de députée qu'elle a gagné en 2021.
Lamia El Aaraje est la seule candidate aux législatives a avoir été investie par le Parti socialiste face à une investiture Nupes. Dans la 15ème circonscription de Paris, la conseillère municipale socialiste sera face à la candidate insoumise et Nupes, Danielle Simonnet. Une investiture qui a déjà fait des étincelles au sein de la nouvelle alliance de la gauche et qui a laissé un gout amer à Lamia El Aaraje. Les deux politiques se sont déjà opposées lors des élections législatives partielles de 2021 et le duel avait vu la victoire de l'élue du PS. La conseillère de Paris a siégé dans l'hémicycle sept mois avant de voir le scrutin invalidé pour vice de forme concernant le candidat de La République en marche. Aujourd'hui le siège est vacant mais la candidate socialiste entend défendre sa place de députée sortante et espère s'imposer une nouvelle fois devant la candidate LFI.
En pleine campagne pour s'installer de nouveau à l'Assemblée nationale, Lamia El Aaraje répond aux questions de Linternaute. La conseillère du 20ème arrondissement de Paris s'attarde sur son investiture par le PS face à la Nupes, son rapport à l'alliance de la gauche, ses projets, la loi sur le pouvoir d'achat et la réforme des retraites sans langue de bois.
Linternaute - Pourquoi vous présentez- vous ? Est-ce que vous vous présentez dans la même optique et avec les mêmes projets que lorsque vous avez été élue en 2021 pour succéder à George Pau-Langevin ?
Lamia Al Aaraje : En novembre 2020, George Pau-Langevin a été nommée adjointe au Défenseur des droits, une fonction qui n'est pas compatible avec un mandat parlementaire. La question était alors de savoir qui allait être candidat pour conserver ce seul siège socialiste de Paris. Pour des raisons personnelles je ne me projetais pas comme candidate mais il y avait un enjeu colossal derrière ce siège. Dans une ville comme Paris, c'est important d'avoir des parlementaires qui sont en lien avec la majorité municipale pour porter la voix de la collectivité. Puis, conserver cette circonscription socialiste parisienne était indispensable dans un contexte où on décrivait déjà le PS comme un parti moribond, mourant. Je me suis finalement engagée dans une campagne qui a été très difficile sur le plan physique et moral parce qu'on avait affaire à des gens qui recouraient à des méthodes extrêmement violentes et outrancières. Et j'ai gagné, avec 14 points d'avance sur Danielle Simonnet, alors que plus tôt beaucoup avaient misé sur ma défaite et celle du PS.
Je suis devenue députée et par la même l'occasion le porte-voix des électeurs qui interpellent les élus quotidiennement sur trois problématiques : l'urgence sociale, l'urgence climatique et la déchéance démocratique. Aujourd'hui je souhaite poursuivre ce mandat pour cinq ans de plus et je demande aux électeurs de me redonner leur confiance pour cette mandature.
"On ne peut pas venir plébisciter un accord qui ne tient pas compte du vote des électeurs"
Vous étiez favorable à l'accord de la NUPES mais vous vous présentez sous la bannière du PS, pourquoi ?
L'accord de la NUPES a été conclu après le score de la présidentielle, dont je ne me réjouis pas mais qui traduit les difficultés du PS, et après que j'ai exprimé le souhait de me présenter aux législatives. L'alliance est censée être un accord électoral respectant les entités de chaque famille politique mais il s'avère que je suis la seule députée sortante des partis qui ont choisi de s'allier à ne pas être investie. Or c'était le préalable de l'accord : reconduire tous les députés sortants qui souhaitent être candidats à leur réélection. Les 11 députés communistes ont été investis, les 17 députés insoumis ont été investis et tous les députés socialistes ont été investis, sauf moi.
Le PS vous soutient comme candidate et dénonce " une injustice " mais il n'est pas parvenu à imposer votre candidature comme celle de la Nupes. Cette investiture mal conduite, ça dit quoi selon vous de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise ?
Je ne suis pas la candidate Nupes. Mélenchon peut considérer qu'il a gagné la partie, moi je ne suis pas dans les jeux d'appareils. Ce qui m'intéresse c'est ce que veulent les électeurs et comment ils se sont exprimés. On ne peut pas venir plébisciter un accord qui vient sceller une union à gauche mais qui n'est pas respectueux des individus et qui ne tient pas compte du vote que les électeurs ont fait il y a moins d'un an. Est-ce que vous vous rendez compte du message qu'on envoie aujourd'hui aux électeurs ? On leur dit que c'est Danielle Simonnet, qui a perdu en 2012 et en 2017 sur la 6ème circonscription de Paris et qui a perdu en 2021 dans la 15ème circonscription face à moi, qui est investie. C'est déplorable comme façon de faire et personne n'est dupe.
Olivier Faure a annoncé qu'il me soutenait, contraint et forcé, puisque c'est le conseil national du PS qui a pris l'initiative et a voté à l'unanimité une résolution qui soutient ma candidature pour réparer cette injustice. Au-delà d'être soutenue, je suis investie par le PS, cela veut dire que je suis la seule à pouvoir utiliser le logo du PS. Olivier Faure s'est fait le porte-voix de cette décision. C'est tout à son honneur mais surtout c'est cohérent avec l'avis du conseil national, avec nos valeurs et mon statut. Je rappelle quand même que je fais partie des visages du renouvellement qu'on veut porter aujourd'hui au PS et plus globalement à gauche, que j'ai fait un mandat plus qu'honorable et que je suis porte-parole du PS.
La décision de la NUPES de ne pas vous investir ne montre-t-elle pas, déjà, que le PS est devenu un vassal de la France Insoumise ?
"En matière d'union de la gauche, le Parti socialiste n'a pas de leçons à recevoir de LFI"
Force est de constater que d'un point de vue électoral on peut considérer qu'il y a un ascendant de LFI sur les autres forces politiques de gauche, mais dites-moi combien LFI a d'élus locaux en France ? Combien LFI dirige de régions ? De collectivités locales ? Aucune. Nous, l'union de la gauche on la pratique au quotidien. On dirige Paris avec les élus écologistes et communistes, on dirige un grand nombre de collectivités locales avec les écologistes et les communistes. Donc en matière d'union de la gauche nous n'avons pas de leçons à recevoir. D'ailleurs je crois que LFI commet une erreur, celle de considérer que leur score à la présidentielle résulte d'un vote d'adhésion alors que beaucoup d'électeurs l'expriment : c'était un vote contestataire qui venait faire barrage à Marine Le Pen dès le premier tour de la présidentielle. Je considère que la politique est un temps long, aujourd'hui on est dans la bataille des législatives et on verra bien ce qu'il en ressortira dans quelques jours mais à la place de LFI je ne fanfaronnerais par trop.
Si vous aviez un message à faire passer à Jean Luc Mélenchon, directement, ce serait quoi ? Lui reprocheriez-vous une tambouille politique indigne de l'union ?
Je n'ai rien à dire à Jean-Luc Mélenchon, il n'est pas candidat aux législatives. Ce qui m'intéresse c'est la façon dont je m'adresse aux électeurs et ils me disent qu'ils veulent de la clarté. Ils veulent un député républicain engagé qui défend la République laïque et sociale, qui défend les services publics, qui défend une gauche de gouvernement, une gauche qu'on aime, capable d'être en responsabilité et représentative de la diversité des quartiers populaires du nord-est parisien. Le reste se sont des jeux de copinage, pour être très honnête ce n'est pas mon sujet.
Si vous vous qualifiez au second tour face à un candidat de la majorité présidentielle, vous attendez le soutien de la Nupes et de Danielle Simonnet ?
Je crois qu'en politique chacun est face à ses responsabilités. Pour ma part je suis cohérente avec mes valeurs, avec mes engagements et je suis fidèle et loyale à mes électeurs. Il ne faut pas infantiliser les gens, ils ont tout à fait conscience de ce qui se passe et connaissant les engagements des uns et des autres. En tant que politique chacun agit en son âme et conscience et en cohérence avec ce qu'il a envie de défendre. On verra bien ce qui se passera le soir du premier tour, je crois que nous sommes dans un contexte absolument inédit et que nul ne peut présager des scores du premier tour. Pour l'instant, je me concentre sur les jours qui restent et je vous propose d'en reparler au soir du 12 juin.
Si au contraire vous perdez au premier tour, donnerez-vous des consignes de vote ?
J'appellerai à voter contre le projet de casse sociale, pour l'urgence climatique, pour le rétablissement du lien démocratique pour défendre les services publics dans nos quartiers, pour défendre la construction de logements sociaux et permettre aux classes intermédiaires de se loger dans Paris et ailleurs, pour favoriser l'autonomie des personnes âgées… J'appellerai à voter sur des principes et des valeurs, pas sur des individualités.
Si vous êtes élue, où siègerez-vous ? Aux côtés des autres PS et donc dans la Nupes ? Serez-vous une députée Nupes ou pas ?
Si je suis élue je siégerais dans le groupe des socialistes. A l'Assemblée nationale l'accord de la gauche est informel et existe déjà. Sous la précédente mandature le groupe de LFI, le groupe communiste et le groupe socialiste ont voté 85% d'amendements en commun. Ils ont porté 35 recours au conseil constitutionnel qui ont permis de faire tomber 227 articles de loi donc la question du travail entre les groupes de gauche n'est pas nouvelle et il n'y a pas de raison pour que cela change.
Quelle sera votre première question à l'Assemblée ou votre première proposition de loi ?
Je me suis engagée à ce que dans les 100 premiers jours de mon mandat, je dépose une proposition de loi sur le vieillissement. Aujourd'hui sur ma circonscription presque 20% des habitants ont plus de 65 ans et subissent une perte d'autonomie qui est de plus en plus importante. Or on voit bien que la ville et les actions du quotidien ne s'adaptent pas au vieillissement de la population. Il faut avoir une réflexion globale : sur les transports en commun, sur l'accès aux services public, sur la solitude des personnes âgées. Certains personnes restent seules toute la journée, n'ont plus la capacité de se déplacer, de faire leurs courses et vivent dans des logements qui ne sont pas adaptés. Je crois que c'est le grand enjeu des dix prochaines années et qu'il est absolument urgent d'agir.
La deuxième grosse priorité c'est l'inflation qui nuit gravement au pouvoir de vivre des Françaises et des Français. Tout augmente, les prix flambent et il y a des ménages qui n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Nombreuses sont les familles monoparentales, souvent des mères célibataires, avec un ou plusieurs enfants qui vivent avec moins de 1000 voire moins de 800 euros par mois. On se doit de les accompagner. Notre rôle c'est de permettre à tous les enfants de la République de bénéficier des mêmes opportunités quelles que soient leurs conditions de départ dans la vie et aujourd'hui le compte n'y est pas.
Justement concernant le pouvoir d'achat, une loi proposée par la majorité présidentielle doit être votée après les élections législatives ? Vous excluez de la voter ou vous pourriez la voter si elle contient des avancées ?
"Permettez moi de douter du tournant social qu'Emmanuel Macron veut prendre"
Je ne vote pas en opposition par principe d'être dans l'opposition, on va voir ce que contient cette loi. Je constate juste que depuis cinq ans toutes les mesures qui étaient censées être menées en faveur du pouvoir d'achat n'ont pas profité aux classes précaires et aux milieux populaires. J'attends de voir ce que va comporter cette loi mais vu les orientations et la coloration politique de ce gouvernement j'ai assez peu d'espoir sur le contenu du texte.
Après la promesse de Monsieur Macron sur une ouverture politique qui l'a poussé à nommer Elisabeth Borne Première ministre, permettez-moi de douter du tournant social qu'Emmanuel Macron veut prendre. Entre la baisse des APL, la baisse de 20% de la construction de logements sociaux, la réforme de l'assurance-chômage qui pénalise 500 000 chômeurs et qui en radie un très grand nombre, je n'ai pas le sentiment qu'on aille dans plus de social pour le quinquennat qui arrive.
Parmi les sujets sociaux, la réforme des retraites occupe les esprits. Lors de la présidentielle les socialistes défendaient le maintien de l'âge de départ à la retraite à 62 ans, la Nupes prône un abaissement à 60 ans, quelle est votre position ?
Je défends la réintroduction des critères de pénibilité dans le calcul des retraites pour que les travailleurs aux carrières longues, aux métiers difficiles, ceux qui font des gardes de nuit, qui portent des charges lourdes ou encore qui utilisent des solvants puissent partir à la retraite à 60 ans. Pour le reste, je crois qu'il est important de maintenir l'âge du départ à la retraite à 62 ans et de repenser entièrement le système de financement des retraites avec une réflexion plus globale sur la prise en compte des carrières et de leurs particularités. En valorisant l'engagement associatif par exemple en proposant qu'une année d'engagement associatif puisse valoir un trimestre de cotisation.
Le dogme sur l'âge du départ à la retraite n'est pas réaliste et n'est pas en adéquation avec le quotidien des Françaises et des Français. Il faut prendre en compte les carrières hachées, les changements de carrière ou d'orientation, la formation tout au long de la vie… Et les critères de pénibilité, qui ont été supprimés sous le quinquennat Macron, sont des mesures de justice sociale indispensables dont il faut tenir compte.
Plus localement, que souhaitez-vous défendre pour la 15ème circonscription de Paris ?
En tant qu'élue nationale je défendrai des dispositifs nationaux mais parmi ceux qui ont du lien avec le territoire il y a la question du vieillissement de la population et celle de l'accès aux logements sociaux des étudiants et des jeunes actifs qui n'arrivent pas à se loger dans Paris. Il y a aussi de grands projets de réaménagement urbain : la porte de Montreuil et la porte de Bagnolet font chacune l'objet d'un investissement de près de 100 millions d'euros pour leur réaménagement avec une part de végétalisation et l'installation de cours sportifs. J'ai aussi un grand projet qui est celui de la construction d'une quatrième piscine dans le sud de l'arrondissement. Ça a son importance car on est l'arrondissement parisien qui a le moins de mètre cube d'eau à la nage et cela signifie qu'il y a chez nous des enfants qui à 15 ans ne savent pas nager parce qu'ils ne sont jamais allés dans l'eau. Ce sont des projets qui concrètement peuvent changer la vie des gens et auxquels je suis très attachée.