Annie Genevard, candidate LR : "S'il n'y a plus que Mélenchon ou Le Pen dans l'opposition, la démocratie est en ruine"
ANNIE GENEVARD. Députée LR de la 5ème circonscription du Doubs et vice-présidente de l'Assemblée nationale, Annie Genevard remet son siège en jeu aux législatives mais entend bien rester pour faire entendre la voix de la droite.
Député de la 5ème circonscription du Doubs depuis 2012, la Républicaine Annie Genevard brigue un troisième mandat à l'Assemblée nationale aux élections législatives de 2022. Poids lourd de la droite, la vice-présidente de l'Assemblée nationale croit dur comme fer aux chances du parti de "créer la surprise" aux scrutins des 12 et 19 juin après le fiasco de la présidentielle. Des propositions fortes, à l'écoute des préoccupations des Français et un ancrage local des candidats sont pour elles les meilleurs arguments pour remporter le scrutin et siéger de nouveau au palais Bourbon.
A deux jours du premier tour des législatives, Annie Genevard revient sur ses ambitions en tant que députée, les politiques publiques qu'il devient urgent de mener, sa campagne et ses chances de victoire pour Linternaute.
Linternaute.com - Vous briguez un troisième mandat de députée dans la 5ème circonscription du Doubs ? Quelles sont vos motivations pour conserver votre siège à l'Assemblée ?
Annie Genevard - Mes objectifs sont les mêmes et différents à la fois. Les mêmes parce que les valeurs auxquelles je crois, qui sont celles des Républicains avec une histoire et je le crois un avenir, sont héritières du gaullisme de la démocratie chrétienne et ont leur place dans le débat démocratique. Ce sont les valeurs du travail, de l'autorité, de la solidarité bien comprise ou encore de l'importance des territoires. Ce qui chance se sont les éléments contextuels. J'achève un tour de ma circonscription et j'ai vu émerger de nouveaux problèmes : le sentiment d'abandon des territoires ruraux, les petites communes qui s'inquiètent de leur avenir ou le manque de main d'œuvre partout. La question de l'emploi est d'ailleurs un sujet immense qui sera probablement l'objet d'une de mes premières interventions à l'Assemblée nationale.
Ces sujets peuvent être défendus par d'autres personnes mais évident pas par la Nupes et pour la majorité c'est compliqué parce que le " en même temps " porte des discours contradictoires. On voit que sur les questions régaliennes les choses n'ont pas la force de l'évidence et sur les priorités comme la santé ou l'éducation les mesures prises n'ont pas permis de changer la donne. Ponctuellement bien sûr il y a des propositions et nous les avons votées. Aux Républicains nous ne sommes pas pour le blocage du pays ni celui des institutions, c'est bien la preuve que nous sommes profondément utiles à la démocratie. Le jour où il n'y a plus que Mélenchon ou Le Pen dans l'opposition, la démocratie est en ruine.
Plusieurs élus Républicains ont décidé de rejoindre la majorité présidentielle pour les législatives. Y voyez-vous une forme de trahison ?
Six députés LR ont rejoint la majorité, c'est dix fois moins que ce qu'on nous annonçait. Emmanuel Macron avait la volonté de faire exploser la droite et la gauche. S'il avait assorti cette ambition d'une volonté de reconstruction, mais on voit qu'il a lui-même connu des difficultés en la matière puisqu'il a perdu la majorité absolue, il a échoué à la construction d'un parti unique et il se prépare des heures qui ne sont pas des plus faciles dans le camp présidentiel avec des alliés ambitieux. Détruire c'est une chose, construire c'est infiniment plus difficile.
Lors des municipales de 2020, tous les Républicains qui ont rejoint LREM au 2ème tour ont échoué, c'est Lyon, Strasbourg, Bordeaux… Les électeurs aiment la clarté. Changer de camp est une stratégie qui peut se révéler périlleuse, ce qui est reconnu c'est la constance, la cohérence et la clarté des positions. Pour parler des transfuges LR vers LREM, je distingue les responsables politiques de ceux qui ne sont pas en responsabilité et il n'y a pas de chiffres pour attester d'un mouvement massif de LR vers LREM chez les militants. D'autant que LREM n'est, à mon sens, pas un parti à proprement parler puisqu'il n'y a pas de cotisation à payer, il suffit d'un clic sur internet. Quant aux responsables politiques, je trouve que le famille LR a tenu. Mardi matin lors du conseil stratégique nous étions tous autour de Christian Jacob, il y avait Xavier Bertrand, Michel Barnier, Gérard Larcher, Bruno Retailleau, David Lisnard, Jean-François Copé, etc.
A droite certains ont milité pour un rapprochement entre LR et LREM, quelle était votre position ?
Parmi les figures majeures de LR, un rapprochement avec LREM est une hypothèse qui a été émise par un membre : Jean-François Copé. L'idée a été rejetée par le bureau politique. Tout le monde a convenu du fait qu'il fallait que les législatives se passent, que la voix d'une opposition responsable soit portée par LR. C'est la ligne qui a été adoptée par le bureau politique au lendemain de la présidentielle.
Cela signifie qu'à l'issue des législatives un rapprochement avec la majorité présidentielle est envisageable ?
Non cela n'a pas été évoqué comme tel. Nous sommes engagés dans les élections législatives pour gagner. Si nous ne gagnons pas nous serons dans une opposition qui sera constructive. LR ne va pas de dissoudre pour rejoindre LREM.
Les Républicains, seuls, sont-ils encore en capacité de gagner des circonscriptions et de maintenir la centaine de sièges que le parti détient à l'Assemblée nationale ?
Nous ne sommes pas seuls, nous avons avec nous l'UDI et les Nouveaux Centristes. Nous pouvons créer la surprise. Les sondages que nous avons commandés attestent d'un affaiblissement de LREM, précisément d'une perte de 15 points par rapport au premier tour de 2017.
Vous-même n'êtes plus en position de force dans votre circonscription. Valérie Pecresse est arrivée quatrième au premier tour de la présidentielle, avec 7,6% des voix, derrière Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon Mélenchon. Pensez-vous pouvoir renverser la vapeur ?
Les législatives et la présidentielle sont deux élections parfaitement différentes. Sur les quatre dernières élections nous avons gagné les municipales, les départementales, les régionales et avons perdu la présidentielle. Chaque scrutin à sa logique et je pense que les scrutins ne sont pas superposables. Bien sûr, il y a une dynamique de la présidentielle qui se fait sentir sur les législatives, c'est le fruit du calendrier électoral et du quinquennat. Mais pour autant je pense que l'ancrage local des candidats, le climat général d'un gouvernement qui ne s'exprime pas - on ne sait pas qu'il pense, on ne sait pas ce qu'il veut faire - peut modifier sensiblement la donne.
Aux législatives l'ancrage local est déterminant. J'ai par exemple des électeurs de gauche qui voteront pour moi parce qu'ils reconnaissent le travail. Sur les sept candidats de ma circonscription seulement trois sont issus du territoire et deux ont un ancrage local. Et je pense avoir l'ancrage le plus profond. Je ne veux pas être présomptueuse mais je vois bien comment réagit le terrain. Je sens de bonnes ondes mais il faut attendre dimanche pour connaître le verdict. Il faut aussi avoir en tête que ce ne sera pas le même corps électoral qui votera les 12 et 19 juin parce qu'il y a traditionnellement plus d'abstention aux législatives qu'à la présidentielle.
Cette abstention peut-elle vous être bénéfique ?
C'est toujours difficile à dire. Je me garderai bien de ce type de pronostics. Je suis raisonnablement confiante, voilà mon état d'esprit.
Si vous n'êtes pas qualifiée au second tour des élections législatives, donnerez-vous des consignes de vote ?
Mon absence au second tour est une hypothèse à laquelle je ne peux pas croire. Pour être qualifiée au second tour il faut 12,5% des inscrits, ça veut dire qu'avec une abstention à 50% il faut que je fasse 25% et je ferai au moins 25%, j'en suis convaincue.
Quelle sera votre première question à l'Assemblée ou votre première proposition de loi ?
Ma première question portera sur l'emploi local ou la santé. Nous avons fait des tas de propositions pour la santé : le recrutement de médecins juniors, le déploiement de 25 000 postes dans les hôpitaux, l'instauration d'une prime contre la vie chère parce que notamment dans ma circonscription, qui est un territoire frontalier, la vie est très chère et la main d'œuvre à tendance à partir en Suisse, y compris la main d'œuvre médicale.
Vous parlez de la santé, est-ce que vous pensez que les réponses apportées aux préoccupations du secteur médical et des soignants par le gouvernement avec le Ségur de la santé et plus récemment la mission flash lancée fin mai ont été suffisantes ?
Les réponses n'étaient pas du tout adaptées ! On connait par cœur la situation de l'hôpital, on sait le problème de la suradministration, celui du manque de personnel, de l'absence de réseau avec la médecine de ville. Lancer une mission flash c'est différer la décision. Je pense que le gouvernement est obsédé par l'idée de temporiser, de ne faire aucune vague, d'être le plus discret possible jusqu'aux législatives. D'ailleurs ça a été déclaré, Emmanuel Macron a choisi d'être en réserve et de faire monter le danger Jean-Luc Mélenchon. C'est ça la stratégie du gouvernement.
Vous avez contribué au projet "Éducation" du programme présidentiel de François Fillon en 2017. Durant le quinquennat l'école a connu beaucoup de changements notamment avec la réforme du bac et Emmanuel a annoncé de nouvelles modifications pour la rentrée prochaine avec la réintroduction des mathématiques dans le tronc commun au lycée. Tous ces changements et ces ajustements vous inspirent-ils un projet construit et solide ?
Ce que je constate ce sont les résultats. On a un effondrement du niveau de mathématiques avec la réforme du bac. Désormais il est question de réintroduire les maths mais tout cela n'est pas très clair. Le plus gros problème devant lequel on se trouve aujourd'hui c'est la crise du recrutement et le niveau du recrutement des enseignants. Nous avons recruté au CAPES à des niveaux indignes parce que nous avons plus de postes à pourvoir que de candidats. Pourquoi il a un effondrement du niveau de mathématiques ? C'est du fait de la réforme mais aussi parce que les professeurs sont rarement des scientifiques, ce sont presque tous des littéraires. Or si les professeurs ne sont pas suffisamment formés, comment voulez-vous que l'enseignement réussisse ?
Nous avons fait des propositions pendant le quinquennat : certifier les méthodes d'enseignement, refusé ; travailler à l'autonomie des établissements : refusé ; réformer la formation des professeurs : refusé ; rémunérer des enseignants à la retraite pour devenir tuteurs : refusé. Nous savons ce qu'il faut faire.
Pap Ndiaye, a été nommé ministre de l'Education le 20 mai 2022. Un choix très critiqué par l'extrême droite, la droite et certaines figures de la majorité. Qu'est-ce que vous inspire cette nomination ?
Je ne tirerai pas sur le nouveau ministre de l'Education je vais attendre qu'il s'exprime mais ses précédentes déclarations sur le chauvinisme de l'homme blanc et la France raciste ne me laisse pas augurer d'une école apaisée. Nous sommes inquiets car c'est quelqu'un qui semble avoir manifesté un intérêt sur une approche racialisée des sujets et les positions wokistes. Ces mouvements profonds qui traversent l'enseignement supérieur et l'école sont très destructeurs. J'attends de voir ce qu'il va déclarer là-dessus, c'est très important.
Mais quand je vois Gérald Darmanin à côté de Pap Ndiaye au Conseil des ministres je vois bien deux lignes et je me dis que le " en même temps " va trouver ses limites. On ne peut pas dire avec Monsieur Darmanin qu'on va lutter contre le communautarisme et avec Monsieur Ndiaye parler du chauvinisme de l'homme blanc.
Quels sujets souhaitez-vous défendre dans votre circonscription ?
Les sujets prioritaires sont la ruralité et le développement local. Faire en sorte que la ruralité ne soit pas l'oubliée des politiques publiques. La ruralité de la montagne notamment parce que chez moi c'est un territoire de montagne donc voilà faire entendre la voix de mon territoire rural, c'est le message principal que je porterai. J'ai acquis beaucoup de réseaux pour faire en sorte que les politiques publiques qui seront mises en œuvre au niveau nationale puissent servir convenablement mon territoire.