L'euthanasie légalisée en France ? Ce que change vraiment la loi du gouvernement

L'euthanasie légalisée en France ? Ce que change vraiment la loi du gouvernement Le projet de loi sur la fin de vie poursuit son chemin législatif. Que contient ce texte au juste ?

Le projet de loi sur la fin de vie a été présenté ce mercredi 10 avril en Conseil des ministres. Il fait partie de la grande réforme du second quinquennat d'Emmanuel Macron qui veut bâtir "un modèle français". Se refusant à parler d'euthanasie, qui désigne le fait de "mettre fin aux jours de quelqu'un, avec ou même sans son consentement" ou de suicide assisté "qui correspond au choix libre et inconditionnel d'une personne de disposer de sa vie", Emmanuel Macron y préfère le terme "d'aide à mourir". Mais malgré la distinction, dans les faits, c'est bien un suicide assisté qui est envisagé avec un recours exceptionnel à l'euthanasie dans certains cas.

Explications : un patient pourra en faire la demande et celle-ci sera prise en considération après un délai de deux jours. La décision sera ensuite actée par un médecin après une procédure de réflexion de 15 jours où il pourra consulter d'autres soignants avant de rendre seul son verdict. Si le médecin est favorable, le patient pourra bénéficier de l'aide à mourir sous trois mois. Même une fois la prescription faite, le patient sera libre "de se rétracter à tout moment", avait précisé Emmanuel Macron. En cas d'avis défavorable, le patient pourra consulter une autre équipe médicale ou "procéder à des recours".

A ce jour, la loi Claeys-Leonetti de 2016 autorise le recours à la sédation profonde et continue jusqu'au décès quand le pronostic vital du patient est engagé à court terme. Elle consiste à endormir le patient et à stopper son hydratation et son alimentation. Cette loi va perdurer et sera complétée par l'aide à mourir. 

Le nouveau projet de loi divise. Elle est jugée trop faible par les partisans de la légalisation du suicide assisté et à l'inverse dangereuse par les opposants tels les religieux ou certains soignants. Néanmoins, selon un sondage Ifop-Le JDD dévoilé le 1er avril, 70 % des Français sont favorables au principe de promotion d'une aide active à mourir.

Après cette présentation devant les ministres, le texte sera loin d'avoir fini son parcours : il va arriver le 27 mai devant les députés et l'adoption finale pourrait prendre jusqu'à deux ans en cas de divergences entre le Sénat et l'Assemblée nationale, selon BFMTV.

Des conditions précises pour accéder à l'aide à mourir

L'aide à mourir ne pourra être proposée qu'aux personnes majeures comme l'avait recommandé la Convention citoyenne sur la fin de vie dans ses conclusions rendues le 2 avril 2023 ainsi que le Comité consultatif national d'éthique en septembre 2022. Elles devront également être nées en France ou résidant depuis longtemps. Plusieurs autres conditions concernant l'état de santé du malade détermineront l'accès à l'aide à mourir. Les patients devront ainsi être capables "d'un discernement plein et entier", ce qui privera les personnes atteintes de maladies psychiatriques ou neurodégénératives comme Alzheimer de l'aide à mourir, qui leur permettra d'exprimer clairement leur volonté. Ils devront être touchés par une maladie incurable, avoir un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme et présenter des souffrances psychologiques et/ou physiques impossibles à soulager.  Aucune liste de maladie concernée ne sera fixée. 

Comment sera administré le produit létal ?

Après avis favorable d'une équipe médicale, une substance létale sera prescrite au patient qui pourra se l'administrer lui-même, une situation proche du suicide assisté. Si, et uniquement si, le patient "n'est pas en mesure de procéder physiquement" au suicide assisté, il pourra être aidé d'un tiers qu'il s'agisse du "médecin ou de l'infirmier qui l'accompagne" ou d'une "personne volontaire qu'elle désigne lorsque aucune contrainte d'ordre technique n'y fait obstacle", selon le projet de loi. Un cas de figure comparable à une euthanasie réalisée avec le consentement du patient. L'administration du produit létal pourra avoir lieu au domicile, dans un établissement de santé ou dans un Ephad.

Des soins palliatifs renforcés ? Un plan décennal promis

Le projet de loi sur la fin de vie comprend une partie sur l'aide à mourir, qui doit être le derniers recours, et une partie sur les soins d'accompagnement et palliatifs qui ne doivent pas être oubliés selon Emmanuel Macron. "Nous allons remettre les soins palliatifs au cœur de l'accompagnement avant même que la loi soit promulguée", a-t-il promis. Une stratégie décennale de développement des soins palliatifs doit être présentée d'ici fin mars. Alors qu'1,6 milliard d'euros est consacré aux soins d'accompagnement actuellement, "nous allons investir 1 milliard de plus", a déclaré le chef de l'Etat.

"Ce qui importe, c'est que, dès le diagnostic et le début du traitement, la douleur soit prise en charge et l'accompagnement humain intervienne. Pour cela, il faut continuer de déployer des équipes mobiles qui aident les services hospitaliers à mieux prendre en charge la douleur", a indiqué Emmanuel Macron. Les soins palliatifs doivent aussi être développés dans les services pédiatriques pour les enfants qui ne pourront pas prétendre à l'aide à mourir, quel que soit leur état de santé : "Il est primordial d'améliorer la prise en charge de la douleur des nourrissons et des enfants".

Le renforcement des soins palliatifs doit aussi passer par la mise en place d'un "continuum avec la médecine de ville" et l'investissement sur "l'accompagnement à domicile appuyé sur les réseaux de soins". Pour cela des "maisons d'accompagnement qui sont le chaînon manquant entre l'hôpital et le domicile" sont en projet. Surtout, le chef de l'Etat promet la dotation d'unité de soins palliatifs aux 21 départements qui en manquent encore.

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