Aurélien Taché, candidat NUPES : "Convaincre qu'Emmanuel Macron ne va pas changer la vie des gens"

Aurélien Taché, candidat NUPES : "Convaincre qu'Emmanuel Macron ne va pas changer la vie des gens" INTERVIEW. Candidat aux élections législatives dans la 10e circonscription du Val-d'Oise avec NUPES, Aurélien Taché, ex-député LREM, égratigne Emmanuel Macron, et se défend d'être passé du côté de Jean-Luc Mélenchon.

Il est l'un des quatre députés élus avec l'investiture de La République en Marche en 2017 à être passé du côté de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES). Aurélien Taché, 38 ans, est candidat à sa succession dans la 10e circonscription du Val-d'Oise (Cergy-Nord, Boissy-l'Aillerie, Osny, Puiseux-Pontoise, Boisemont, Courdimanche, Jouy le Moutier, Menucourt, Vaureal). Cet ancien membre du Parti socialiste, élu de la majorité présidentielle en 2017, avait quitté les rangs de la Macronie en mai 2020 pour "rester un homme de gauche", regrettant que "l'ouverture ne [se soit] faite que vers la droite", comme il l'avait expliqué dans le JDD à l'époque.

Alors qu'il aspire à être réélu à l'Assemblée nationale, l'ex-collaborateur de Jean-Paul Huchon à la Région Île-de-France et ex-conseiller des ministres du Logement de François Hollande Sylvia Pinel et Emmanuelle Cosse répond aux questions de Linternaute. Sa campagne, ses projets, Macron, NUPES, la réforme des retraites... Aurélien Taché donne sa vision et ne manque pas d'égratigner la majorité.

Linternaute.com - Pourquoi êtes-vous à nouveau candidat aux élections législatives ?

Aurélien Taché - Je souhaite me représenter aux élections législatives parce que j'ai pu, sous mon premier mandat, porter un certain nombre de combats mais sans avoir pu aller suffisamment loin, du fait d'avoir été dans une majorité qui n'était pas sensible à ces combats, notamment sur des sujets comme toute la lutte contre l'exclusion -j'avais fait un rapport en début de mandat qui avait été très bien reçu et dont le gouvernement n'a pas fait grand-chose-, mais aussi sur l'accès au logement.

J'ai vraiment à cœur d'agir pour une France dans laquelle il y aura moins de laissés pour compte. Sous le mandat d'Emmanuel Macron, la situation pour les gens qui ont le plus de difficultés s'est aggravée. J'avais quitté la majorité d'Emmanuel Macron début 2020 pour m'opposer à sa politique. Je souhaite maintenant aller plus loin en emmenant Jean-Luc Mélenchon Premier ministre pour pouvoir mener une politique qui va dans le sens de l'intérêt des gens qui souffrent en France.

Il y a cinq ans, vous vous présentiez sous l'étiquette LREM. Cette année sous la bannière NUPES. Comment explique-t-on ce choix à ses électeurs ?

On leur explique que, pour beaucoup d'entre eux qui avaient voté Macron et qui aujourd'hui ont voté Mélenchon (Jean-Luc Mélenchon avait décroché 27,34% des suffrages exprimés au 1er tour de la présidentielle en 2017 sur la circonscription, contre 38,23% en 2022, ndlr), finalement, j'ai eu le même raisonnement qu'eux. En 2017, les promesses d'Emmanuel Macron pour une France renouvelée, pour la fin de "l'assignation à résidence" comme il disait à l'époque, ça parle beaucoup ici aux gens des villes et quartiers populaires. Cela m'avait moi aussi beaucoup parlé en tant que personne issue d'un milieu populaire.

"C'est le programme de la NUPES qui va permettre d'arranger et changer la vie des habitants des villes populaires."

Ces gens-là, on leur explique que, finalement, alors qu'on pensait qu'Emmanuel Macron allait vraiment agir dans ce sens là, tout n'a été que paroles en l'air, et qu'aujourd'hui, c'est le programme de la NUPES (hausse des salaires, blocages des prix, investissements massifs dans les transports publics ou le logement social) qui va permettre d'arranger et changer la vie des habitants des villes populaires. C'est ce que je dis ici aux gens et ils le comprennent très bien.

Ne redoutez-vous pas que les électeurs ne votent pas pour vous après ce revirement ? Les électeurs de Macron devraient se tourner vers leur candidat. Et pour la gauche, vous êtes estampillés ex-LREM…

Non je ne crois pas. Soit les gens votent d'abord pour le candidat de la NUPES car ce qui leur importe le plus, c'est qu'on ait un maximum de députés pour avoir une chance d'avoir une cohabitation avec Jean-Luc Mélenchon Premier ministre, ou, à défaut, d'avoir un maximum de députés de la NUPES qui s'opposeront à la politique d'Emmanuel Macron. Je crois que la plupart des gens résonnent comme ça.

Pour ceux qui me suivent de plus près, ce sont des gens qui ont vu mon parcours. Je n'ai pas quitté Emmanuel Macron il y a trois semaines. Je l'ai quitté début 2020, quand la gauche était complètement fragmentée, qu'elle n'avait aucune chance pour les élections. Je ne fais pas de la politique en fonction des chances de gagner mais en fonction des convictions. J'ai cru en 2017 qu'Emmanuel Macron voulait vraiment agir pour l'émancipation, c'était une blague. Depuis deux ans, je me bats, même si c'est dur. Les gens me reconnaissent. Les gens disent : "Aurélien Taché a été cohérent et est resté droit dans ses bottes sur ses convictions."

Aurélien Taché, c'est un député plutôt présent dans sa circonscription ou à l'Assemblée ?

Un député est là pour agir partout où il le peut, pour faire avancer les combats sur lesquels il s'est engagé auprès des électeurs. Sur la circonscription, je n'ai pas été sur tous les événements pour me montrer en espérant que les gens se rappellent de moi. Par contre, j'ai avancé sur de nombreux dossiers. J'ai permis de lancer les emplois-francs dès fin 2017 avec une application dès 2018 dans le Val-d'Oise et à Cergy-Pontoise, je me suis battu pour qu'il y ait un mur anti-bruit qui soit mis en place à Courdimanche en obtenant des financements, je me suis battu pour que dans le plan Val-d'Oise, on ait bien des choses sur Cergy-Pontoise, je me suis battu pour que les terres du triangle de Gonesse ne soient pas bétonisées. Je fais partie des parlementaires ayant remis un rapport qui a permis d'obtenir le doublement des cours de français pour les migrants. A Cergy, c'est très important. Je me suis battu pour proposer des lois sur la garantie des loyers ou l'allocation d'autonomie des étudiants. Je suis un député dans l'action.

Bien sûr, il faut être à l'Assemblée, où il y a plusieurs manières de faire. Je préfère travailler sur des lois ou amendements que je propose. Mais aussi, aller partout où je peux, même dans les médias, expliquer en quoi la politique d'Emmanuel Macron est mauvaise, et proposer des choses pour changer la vie des gens, afin que, progressivement, on ait une majorité de gens qui soient convaincus par ça et qui soient convaincus que ce n'est pas Emmanuel Macron qui va changer leur vie.

"Je suis très très inquiet et curieux de savoir ce que va faire Mme Bourguignon pour sauver l'hôpital français."

Quelle sera votre première question au gouvernement ?

Ma première question sera : que fait-on pour l'accès aux soins dans notre pays et particulièrement dans le Val-d'Oise ? Cergy est devenu l'un des plus grands déserts médicaux. Les gens ne peuvent plus trouver un médecin, quand ils n'en ont pas, pour se faire soigner. L'hôpital de Pontoise est en train de s'effondrer et risque de voir ses services fermer (pédopsychiatre, oncologie, manque de sages-femmes). Ce sera ma première question à Mme Bourguignon qui n'a toujours pas résolu la situation dans les Ehpad quand elle était ministre de l'Autonomie, n'a pas non plus agi pour les jeunes de l'Aide sociale à l'enfance malgré la loi qu'elle a faite passer. Et maintenant, elle est en charge des hôpitaux. Je suis très très inquiet et curieux de savoir ce qu'elle va faire pour sauver l'hôpital français et l'hôpital de Pontoise.

Quelle sera votre première proposition de loi ?

Ce sera donc une proposition de loi pour lutter contre les déserts médicaux.

Si vous êtes élu et que NUPES est majoritaire à l'Assemblée nationale, quelles sont les trois premières mesures qui seront votées ?

Il faudrait poser la question à Jean-Luc Mélenchon, c'est lui qui sera Premier ministre. Je pense que nous ferons des choses rapides sur trois points : nous rétablirons la retraite à 60 ans, nous bloquerons immédiatement les prix, nous engagerons immédiatement la planification écologique en faisant adopter la règle d'or verte qui fait que chaque décision sera prise à l'aune de leurs dégâts sur l'environnement.

 

Si NUPES est majoritaire, il est inscrit au programme la mise en place de la VIe République qui prévoit une élection de l'Assemblée nationale à la proportionnelle. De nouvelles élections auraient-elles lieu d'ici cinq ans ?

Non, je ne crois pas, parce qu'on fera voter immédiatement cette loi pour l'instauration du scrutin à la proportionnelle, mais elle ne s'appliquera qu'au scrutin suivant. Il n'y a aucune raison si nous gagnons ces élections, et que Jean-Luc Mélenchon est au gouvernement, de dissoudre l'Assemblée nationale, puisque de toute façon c'est une prérogative du président de la République. Mais il faut faire voter une loi qui fait que les prochaines élections législatives seront à la proportionnelle. J'y suis très favorable. Il faut que la démocratie française respire.

"S'il y a des choses qui vont dans le bon sens, je les voterai. Mais je crains que ça n'arrive que très peu."

Si vous êtes élu et que NUPES est minoritaire à l'Assemblée nationale, n'allez-vous voter en faveur d'aucun texte car ils émanent d'Emmanuel Macron et de sa majorité ?

Ce ne sera pas mon approche. D'abord, il n'y aura pas qu'un seul groupe, il y en aura plusieurs. Moi, je siégerai au groupe écologique. Nous aurons aussi un intergroupe qui représentera la NUPES dans toutes ses composantes. Moi, s'il y a des des choses qui vont dans le bon sens, je les voterai parce que la priorité, ce sont les Français. Mais je crains que ça n'arrive que très peu puisque tout ce qui est proposé par ce gouvernement, c'est la casse du service public, l'école, des choses qui vont encore stigmatiser et réduire les libertés des Français, des choses qui vont contre le climat… Ils ont quand même nommé Amélie de Montchalin qui est la députée la moins bien classée sur les engagements écologistes. Donc je pense que ça n'arrivera que très peu.

Une loi pouvoir d'achat doit être votée après les législatives. Vous êtes pour ?

Je suis forcément pour qu'on augmente le pouvoir d'achat des Français. Mais pourquoi ils ne prennent pas des décisions maintenant ? Il est où là le gouvernement ? On dirait qu'il se cache. Le président de la République a disparu, les ministres aussi. Prendre un décret pour faire le blocage des prix dès maintenant, c'est possible, il n'y a pas besoin de loi. Prendre un certain nombre d'aides qui existent déjà et les donner aux Français, c'est la même chose. L'augmentation des salaires, on entend Bruno Le Maire dire : "J'appelle les entreprises à augmenter les salaires." Mais ce n'est pas comme ça qu'il faut procéder. Ils n'ont qu'à augmenter le Smic, ils peuvent le faire par décret.

Si, dans la loi, il y a des choses qui améliorent concrètement le pouvoir d'achat des Français, pas de problème. Mais au-delà des petits chèques, je veux qu'on ait des mesures qui structurellement permettent aux Français de mieux vivre (gratuité de certains services publics, blocage des prix, augmentation du Smic à 1500 euros net).

Vous aviez jugé la réforme des retraites comme une "grande et belle réforme". Jean-Luc Mélenchon y est opposé et vous n'aviez pas voté pour la motion de censure. Quelle est désormais votre position sur le sujet ?

Ma position n'a jamais varié. J'ai effectivement été favorable à l'idée d'un régime universel. Au départ, il s'agissait de dire : il n'y a pas de raison que quelqu'un qui ait changé plusieurs fois de statut dans sa vie, soit passé par plusieurs caisses de retraites, ait une mauvaise retraite à cause de son parcours. Ça, c'est une mauvaise chose. Il faudrait réussir à avoir un système de retraites qui ne fasse plus cela.

Sauf qu'ensuite, alors qu'il n'en avait pas parlé avant, le gouvernement a voulu instaurer un âge pivot. Emmanuel Macron s'était engagé à ne jamais repousser l'âge légal de départ à la retraite en 2017. Tant qu'il était sur cette ligne et qu'il voulait instaurer un régime universel, j'ai dit que ça pouvait être une grande et belle réforme. Sauf qu'ils ne sont pas du tout partis dans cette direction. J'ai donc dit ensuite que si la réforme des retraites revenait à repousser l'âge légal, je ne la soutiendrai pas.

"Chez NUPES, on est d'accord sur 95 % des choses. Il y a 5 % sur lesquels on ne l'est pas, ou moins."

NUPES, c'est une union de plusieurs partis de gauche réalisée malgré des divergences de programme. N'avez vous pas peur d'un éclatement de l'alliance dès que ces sujets seront abordés ?

On est d'accord sur 95 % des choses. Il y a 5 % sur lesquels on ne l'est pas, ou moins. On les a identifiées. On a déjà 650 mesures sur lesquelles ont est d'accord. Je pense que quand on aura fait ces 650 mesures, on verra, mais je pense que le quinquennat sera fini. 

Au delà de la posture nationale à adopter, que souhaitez vous défendre pour la 10e circonscription du Val d'Oise ?

Je serai vraiment très actif sur le fait de pouvoir avoir une offre d'accès aux soins beaucoup plus importante à Cergy. Je souhaite qu'on avance sur des mobilités alternatives à Cergy car je suis résolument engagé pour l'écologie : je souhaite que, sur l'A15, l'une des quatre voies soit entièrement réservée au covoiturage et aux transports en commun. Je souhaite, même si de la compétence de Mme Pécresse (présidente de la région Île-de-France et d'Île-de-France Mobilités, ndlr), que le RER A ait deux fois plus de dessertes de Cergy. Il suffirait d'arrêter, avec cette ligne, de desservir Poissy qui a d'autres moyens de dessertes. Je me battrai pour que la loi séparatisme soit abrogée, pour qu'on ait d'autres dispositifs similaires à ceux des emplois francs pour l'insertion des jeunes dans les quartiers.

Si vous êtes réélu, en quoi le député Aurélien Taché de 2022 sera différent de celui de 2017 ? Dans son activité parlementaire, sur le terrain, dans les commissions etc.

Comme je serai dans un vrai collectif, je pourrai bien davantage encore agir à l'Assemblée. Je pense que je rejoindrai la commission des Affaires économiques car c'est là que la question du logement est traitée, tout comme le transport. Je serai différent parce qu'aujourd'hui, j'ai une équipe plus étoffée sur le territoire, un relai plus important sur le territoire. On va pouvoir mailler le territoire de manière beaucoup plus fine et faire avancer les dossiers locaux de manière beaucoup plus forte.

En cas d'élimination au 1er tour, donnerez-vous une consigne de vote ?

Oui, si d'aventure je n'étais pas le candidat de gauche au second tour, ce dont je ne crois pas du tout. Comme il y a d'autres candidats de gauche indépendants, je sais que si l'un d'entre eux est au second tour, je pourrai. Ca dépend, mais je pense à une candidate. S'il y a l'extrême-droite, j'appellerai à voter contre l'extrême-droite. Si c'est un duel entre la droite et la droite, ce ne sera pas mon histoire.

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